Pour le mélomane, le nom de Posa n’évoque certainement pas un compositeur, mais plutôt un personnage d’opéra. Don Carlos, Rodrigue, marquis de Posa. Mais par une injustice de l’histoire, il apparaît que ces deux syllabes devraient éveiller de tout autres associations, comme vient de le révéler un concert donné le mercredi 22 novembre à la Bibliothèque musicale La Grange-Fleuret.
Petit retour en arrière, nécessaire pour comprendre comment on en est arrivé là. Tout commence il y a quatre ans, avec la découverte par Olivier Lalanne, passionné de Mahler, d’une affiche pour un concert donné à Vienne en janvier 1905, lors duquel étaient programmées trois créations mondiales. Trois œuvres dirigées par leurs compositeurs respectifs : en ouverture, Die Seejungfrau de Zemlinsky, en conclusion, Pelleas und Melisande de Schoenberg, et entre les deux, cinq Lieder pour baryton et orchestre d’un certain Oskar Posa. Poussé par la curiosité, Olivier Lalane cherche à en savoir plus sur ce personnage, et il ne trouve aucun enregistrement. Pourtant, Oskar C. Posa (1873-1951) fonda en 1904 la Vereinigung Schaffender Tonkünstler in Wien, avec Zemlinsky et Schoenberg, justement (en ce même mois de janvier 1905, cette société donna à entendre, également en création mondiale, les Rückertlieder et les Kindertotenlieder de Mahler). Il fut notamment directeur musical de l’Opéra de Graz et se consacra ensuite à l’enseignement au conservatoire de Vienne, jusqu’à l’Anschluss. Sur les quinze opus à son catalogue, publiés entre 1899 et les années 1920, une énorme majorité de recueils de mélodies, dont deux orchestrés.
Ex-Médiathèque Gustav Mahler, la Bibliothèque La Grange-Fleuret était l’endroit tout désigné pour ressusciter ces Lieder (Mahler était président d’honneur de la Vereinigung Schaffender Tonkünstler). Et ce qu’on comprend en écoutant ces œuvres, c’est qu’elles n’ont en aucun cas à rougir du rapprochement avec l’illustre auteur du Knaben Wunderhorn. On pense évidemment à ce cycle lorsqu’on entend les Soldatenlieder de Posa, et en particulier à « Revelge », mais par-delà cette similitude, c’est un immense talent et une vraie personnalité qui éclatent. Ce Posa-là n’a rien d’un petit marquis, d’un épigone oubliable. La ligne de chant est originale et, loin d’être confiné à une fonction d’accompagnement, le piano dialogue d’égal à égal avec la voix. On peut aussi penser à Richard Strauss, mais avec une inspiration souvent plus tourmentée. Posa a mis en musique quelques-uns des meilleurs poètes de son temps : Richard Dehmel ou surtout Detlev von Liliencron.
© Pascal Ito
La pianiste Juliette Journaux, qui vient de faire paraître un disque de transcriptions d’après Mahler et Wagner, Wanderer without words, était toute désignée pour ce répertoire post-romantique, dont elle traduit admirablement la puissance, mais aussi la délicatesse, car Posa savait aussi charmer quand il le souhaitait. Par la souplesse de sa voix, égale d’un bout à l’autre de la tessiture, et par son expressivité, Edwin Fardini s’avère de son côté être l’homme de la situation (seuls les Sieben Mädchenlieder opus 15, non présentés lors de ce concert, exigeraient sans doute une voix féminine) :
Le baryton assume plus que dignement la succession de Konrad von Zawilowski, Hofopernsänger qui assura en 1905 la première des Soldatenlieder.
On attend maintenant avec impatience la parution de l’enregistrement de ces œuvres, dont la sortie est prévue au printemps prochain pour lancer le label « voilà records », créé par Olivier Lalane.
Edwin Fardini, baryton
Juliette Journaux, piano
Oskar Posa (1873-1951) – Les lieder oubliés
Bibliothèque musicale La Grange – Fleuret, mercredi 22 novembre, 19h30