Quelle soirée ! Venir entendre le Messie en concert est toujours source de joies musicales. Cette soirée n’en a pas manqué.
Puisque dans l’oratorio de Hændel le chœur est en première ligne, c’est lui qui mérita tous les éloges. Le chœur accentus n’est plus à recommander pour sa précision d’exécution, son homogénéité, son excellence. Avec ce Messie, la démonstration fut faite, une fois de plus, jusqu’aux fugues de With his stripes et de l’Amen final d’une clarté confondante.
© Alex Annen
Les quatre solistes étaient au diapason de cette réussite. Sandrine Piau souffrante, c’est la soprano Marie Lys qui la remplaçait. Elle connait parfaitement cette partition pour l’avoir déjà chantée et enregistrée[1]. Sa présence lumineuse, en robe blanche pailletée d’étoiles, tranchait sur les costumes noirs de tous les autres musiciens. Mais plus encore que son plaisir à être là, sa voix rayonnante, ses vocalises conduites avec grâce et poésie et son timbre splendide donnaient à toutes ses interventions le sentiment d’une évidence, tant dans la conduite d’un « Rejoice greatly » épanoui que dans la délicatessse du « I know that my redeemer liveth ».
© D. R.
On ne comptait pas les moments de pur bonheur vocal, comme avec « He shall feed his flock », ce duo avec les deux voix de Marie Lys et Paul-Antoine Benos-Djian. Le contre-ténor avait débuté avec un « But who may abide » à la ligne de chant sensible, avec quelques graves rauques, pour ensuite voler vers les sommets dans le bouleversant « He was despised ».
La basse Alex Rosen[2] n’est pas en reste, voix profonde, intelligence du texte et vocalises parfaites. Inquiet dans « The people that walk in darkness », imprécateur dans « Why do the nations », il réussit magistralement le grand air « The trumpet shall sound », soutenu et commenté par une trompette claire, véloce manquant peut-être légèrement de panache.
C’est sans doute le ténor qui faisait, sur scène, le plus d’impression par une carrure exceptionnelle, tant physique que vocale. Stuart Jackson incarne et vit son texte, le chante avec une voix profonde, jouant sur le mezza-voce ou impressionnante dans son « Thou shalt brake them » d’une imposante maîtrise, d’une autorité implacable, dont la violence se retrouvait à l’orchestre.
© Gerard Collett
Un orchestre – superlatif, lui aussi – qui manquait parfois de magie, tout en assurant un concert de très grande classe, où parfois se glissaient tel ou tel détail inattendu / in-entendu, comme ces moments où les cordes graves jouent col legno dans l’air « Why do the nations », commentant la brutalité du texte. Il y eut aussi les interventions subtiles de l’orgue positif en contrepoint du chœur « He shall purify », de l’air de basse « The people that walked »…
Hormis ces moments, on trouve dans l’ensemble de la direction de Laurence Equilbey, outre l’évidence d’une mise en place au cordeau, un penchant pour les contrastes abrupts. Ce n’est pas un hasard si l’on voit, à plusieurs reprises, la cheffe d’orchestre trépigner sur son estrade. Dès l’ouverture, le ton était donné, entre le drame et l’allant : la direction serait contrastée plus que nuancée, avec plus d’autorité que de tendresse : la Pifa manquait de mystère, l’orchestre de poésie dans « He shall feed his flock », alors que le chœur « Surely He hath borne our griefs » était asséné avec plus de hargne que de grandeur.
© Julien Benhamou
Ce choix esthétique peut se discuter, mais l’ensemble du concert reflétait bien une très grande réussite, tant les beautés vocales nous subjuguaient[3].
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[1] On la retrouve ainsi dans l’intégrale enregistrée par Château de Versailles Spectacle en 2022, dirigée par Franco Faggioli. D’ailleurs, elle chantera un autre Messie dirigé cette fois par Gaëtan Jarry, les 23 et 24 décembre à la Chapelle Royale – Première loge y sera également…
[2] Lui aussi est un habitué du Messie. Lui aussi fait partie de la distribution de l’intégrale Faggioli et sera des concerts de Noël à Versailles.
[3] Et pour retrouver l’œuvre, dans une autre approche, la version de John Nelson vient de paraitre chez Erato et a reçu l’Appassionato de Première Loge.
Marie Lys soprano
Paul-Antoine Bénos-Djian contre-ténor
Stuart Jackson ténor
Alex Rosen basse
accentus, Insula orchestra, dir. Laurence Equilbey
The Messiah
Oratorio en trois parties de George Frederick Handel (1742), livret de Charles Jennens sur des textes tirés de la Bible
La Seine Musicale, concert du mardi 5 décembre 2023.