© Marc Dumont
Voilà bien une soirée particulière. Le concert n’en était qu’un premier acte avec Judith van Wanroij en prêtresse inspirée.
Dans les salon d’honneur de l’Hôtel des Invalides, la riche Saison musicale des Invalides proposée depuis trente ans par Christine Dana-Helfrich avait programmé une série d’évènements en écho à l’exposition organisée par le Musée de l’Armée sur le thème « Victoires ! La fabrique des héros » qui venait de fermer ses portes la veille.
Mais le programme de cette soirée napoléonienne, les œuvres proposées n’avaient rien de martial. Les partitions, tout en nuances et introspection, alternaient extraits d’opéras et de quatuors, sous la houlette de l’auteur et transcripteur de ce programme rare, Alexandre Dratwicki[1].
L’air de Phèdre de Jean-Baptiste Lemoine ouvrait le concert. La voix de Judith van Wanroij, au centre du quatuor, déployait immédiatement ses sortilèges, aux couleurs profondes, au large ambitus. Agitée, dans l’attente frissonnante de son amant (« Il va venir… »), elle dépeint les tourments de Phèdre[2] avec une incarnation qui fut la marque de chacune de ses interventions.
© Marc Dumont
Mais le programme de cette soirée napoléonienne, les œuvres proposées n’avaient rien de martial. Les partitions, tout en nuances et introspection, alternaient extraits d’opéras et de quatuors, sous la houlette de l’auteur et transcripteur de ce programme rare, Alexandre Dratwicki[1].
L’air de Phèdre de Jean-Baptiste Lemoine ouvrait le concert. La voix de Judith van Wanroij, au centre du quatuor, déployait immédiatement ses sortilèges, aux couleurs profondes, au large ambitus. Agitée, dans l’attente frissonnante de son amant (« Il va venir… »), elle dépeint les tourments de Phèdre[2] avec une incarnation qui fut la marque de chacune de ses interventions.
Entre ces airs qui nous faisaient voyager de Gluck à Salieri, de Spontini (où la soprano impressionnait pas ses graves comme par toute sa ligne de chant), de La mort d’Adam de Le Sueur à la splendide Didon de Piccinni, s’esquissait un paysage musical impérial, celui de partitions prisées de Napoléon. Protecteur des arts, il plaçait l’opéra au dessus de tout, lui réservant des faveurs multiples et s’intéressant de très près, en amont, aux programmations comme aux nouvelles œuvres. Bonaparte aimait les voix et celle de la célèbre Caroline Branchu ne le laissait pas indifférent. C’est sur ses traces, dans son répertoire, que Judith van Wanroij nous emmenait.
Rêveuse dans l’air de Cherubini tiré des Abencérages, portée par le lamento du violon de Julien Chauvin qui se détachait alors d’un Quatuor Cambini-Paris en grande forme, elle était bouleversante dans le très rare air de Valentine de Milan de Méhul, à la sombre déploration. Tout au plus pouvait-on regretter une diction manquant parfois de précision – mais il n’est pas certain que l’acoustique de la vaste salle ne soit en partie responsable.
Dans ce programme original s’était glissée une totale recréation, liée au lieu même du concert : un Andante doloroso de Martin-Pierre d’Alvimare, professeur de harpe de l’impératrice Joséphine, sur un médiocre poème de Coupigny, aux trois couplets de circonstance pour évoquer le décès héroïque du général Lasalle, époux de Joséphine d’Aiguillon, dont le Musée de l’Armée possède un portrait récemment acquis, signé Antoine-Jean Gros.
Le quatuor emmené par Julien Chauvin ne se contentait pas d’accompagner la soprano avec l’engagement que nous lui connaissons, il proposait aussi quelques extraits de partitions signées Hyacinthe Jadin, et Pierre Baillot. La poésie nocturne de l’adagio du quatuor de Jadin, la sombre cantilène de celui de Baillot renforçaient ce climat d’ensemble : un concert intime, fait d’introspection et aussi de mélancolie.
Mais la soirée ne s’arrêtait pas aux applaudissements nourris qui répondaient aux plaisirs distillés par cette grande heure de musique : ce fut le temps d’une petite cérémonie. Julien Chauvin recevait la médaille de Chevalier des Arts et Lettres. Ému, il évoquait son travail ainsi que quelques souvenirs très personnels. Puis, en nouveau récipiendaire, Il remettait le même insigne aux frères Dratwicki, Alexandre du Palazzetto Bru-Zane et Benoît du Centre de musique Baroque de Versailles.
Inutile ici de rappeler les itinéraires de ces trois acteurs majeurs de la vie musicale. Les mots simples et chaleureux du violoniste et chef d’orchestre retraçaient leurs mérites respectifs, tant professionnels qu’humains. Les frères Dratwicki répondaient à deux voix, avec humour et citations choisies. Ainsi, sans aucune affectation, mais dans un climat amical, prenait fin une belle soirée pour quatre victoires, si différentes en apparence, mais toutes liées à la musique, au concert, à la voix/voie choisie.
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[1] Les notes du programme sont visibles ici.
[2] Une œuvre qu’elle connait bien pour l’avoir enregistrée il y a cinq ans. Un enregistrement qui avait fait l’objet d’un Appassionato !
© Mickael Fouilleroux
Quatuor Cambini-Paris
- Julien Chauvin et Cécile Agator, violons
- Pierre-Éric Nimylowycz, alto
- Atsushi Sakaï, violoncelle
Judith van Wanroij, soprano
Victoires ! Les révolutions de l’opéra sous Napoléon 1er
- Phèdre, Air de Phèdre, « Il va venir venir » / Jean-Baptiste Lemoyne
- Les Abencérages, air de Noraïme, « Épaissis tes ombres funèbres » / Luigi Cherubini
- Quatuor op. 3 n°1 en ut majeur, II. Adagio / Hyacinthe Jadin
- Iphigénie en Aulide, « L’ai je bien entendu ? » / Christophe Willibald Gluck
- Les Danaïdes, air d’Hypermnestre, « Par les larmes » / Antonio Salieri
- Quatuor op. 3 n°1 en ut majeur, IV. Finale Presto / Hyacinthe Jadin
- La Vestale, air de Julia, « Toi que je laisse » / Gaspare Spontini
- La mort d’Adam, air de Sélime, « Il lira dans mon cœur le plus tendre retour » / Jean Francois Le Sueur
- Quatuor op. 34 n°1 en si mineur, III. Larghetto / Pierre Baillot
- Valentine de Milan, air de Valentine, « Vaillant guerrier, chère et noble victime » / Étienne Nicolas Méhul
- Andante sur un poème de Coupigny / Martin Pierre d’Alvimare
- Quatuor op. 3 n°1 en ut majeur, IV. Finale Agitato / Hyacinthe Jadin
- Didon, air de Didon, « Non, ce n’est plus pour moi… Hélas ! pour nous il s’expose » / Niccolò Piccinni
Hôtel des Invalides – Concert du lundi 29 janvier 2024)