On se faisait une joie de retrouver à la Philarmonie de Paris le chef John Eliot Gardiner et l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique, qu’il créa il y a plus de trente ans, avec au programme un cycle Beethoven. Mais pour les raisons que l’on sait, il reste remplacé à la tête de cet orchestre pendant une durée indéterminée.
Le concert Beethoven du 26 mai est consacré à la deuxième et à la neuvième symphonies. Pour l’occasion c’est Dinis Sousa, chef principal du Royal Northern Sinfonia,et chef associé du Monteverdi Choir, qui tient la baguette. IL est encore peu connu en France, même si les berlioziens ont pu faire sa connaissance lorsqu’il a dû remplacer Gardiner dans Les Troyens récemment donnés à La Côte-Saint André et Versailles.
Dinis Sousa - © Sim Canetty-Clarke
Pourtant, dès les premiers accords de la Deuxième Symphonie de Beethoven, on sent que quelque chose de magique va se passer. On a rarement entendu cette limpidité dans chacun des pupitres, que le jeune chef cisèle avec une étonnante précision d’horloger et qui nous laisse plein d’admiration. Phénomène rarement observé, le public applaudit à la fin du mouvement comme il le fera également pour les autres. Le larghetto est un miracle d’équilibre entre les cors, les clarinettes et les flûtes, souvent trop couverts par les cordes. Ici chaque instrument est parfaitement mis en valeur et on est sous le charme de la fusion entre le chef et son orchestre. Les deux derniers mouvements confirment cette impression de maîtrise totale de la partition. Plus de cinq rappels viennent saluer cette première partie !
Dans la Neuvième Symphonie, ce qui frappe d’emblée c’est la présence du Monteverdi Choir dont chaque membre impressionne par la noblesse de sa posture dès l’entrée des choristes sur scène
Si les deux premiers mouvements montrent à nouveau l’excellence de l’ensemble des musiciens de l’orchestre, l’adagio molto cantabile est un moment de beauté absolue. Voir l’expression de sérénité qui se dégagent des musiciens aux pupitres des cordes – certains ont même les larmes aux yeux ! – est quelque chose de rare et d’extraordinaire… Le chef et ses musiciens nous emmènent très haut… et nous nous surprenons à être nous-mêmes gagnés par les larmes à l’écoute de cette musique superbement interprétée !
Le tutti orchestral qui ouvre le dernier mouvement est magistral, laissant la place aux contrebasses introduisant le thème de l’Hymne à la joie avec un tempo idéal. Puis, après un nouveau tutti, dès ces premiers mots : « Freude ! », la basse William Thomas envahit la Philarmonie de sa voix belle et puissante. (Il a déjà chanté cette symphonie à Londres le 18 mai dernier, et avait également participé aux Troyens de La Côte-Saint-André / Versailles dans lesquels il chantait Narbal). Le ténor britannique Allan Clayton ne démérite pas face à ses partenaires ; il est connu pour le rôle de Peter Grimes qu’il a vaillamment chanté à Londres, Madrid et Paris en février 2023. Une mention à la mezzo Alice Coote, spécialisée dans les opéras de Haendel, dont Pascal Lelièvre avait apprécié la superbe Cassandre de Berlioz à La Côte-Saint-André. La soprano Lucy Crowe fait quant à elle montre d’une aisance et puissance naturelle dans les aigus
Le quatuor vocal est parfait dans sa fusion avec le Monteverdi Choir, tout comme avec l’orchestre que le chef conduit à merveille. On ne peut qu’être impressionné et conquis par ce chœur, fondé il y a plus de 60 ans, qui fait assurément partie des plus beaux au monde ; l’écouter mais également regarder l’expression de chacun des chanteurs est un bonheur permanent. Il recevra, pour sa puissance et son engagement total, une ovation plus que méritée.
« Tous les hommes deviennent frères là où les douces ailes [de la Joie] reposent ! […] Soyez unis, millions d’hommes ! qu’un seul baiser enlace l’univers ! » font partie des derniers mots de cette ultime symphonie beethovenienne qui fera se lever, chose rare, le public de la Philharmonie, criant à son tour sa joie pendant près de quinze minutes. Incontestablement, Dinis Sousa fait partie des grands chefs avec lesquels il faudra compter dans les années à venir.
De retour dans la rue, on a le sentiment d’être en fait… redescendu sur terre, mais l’on reste encore pourtant longtemps sur son nuage en se répétant la chance que l’on a eue d’avoir pu participer à ces instants rares de communion, que seule la musique peut apporter.
Symphonies n° 2 et 9 de Beethoven
Philharmonie de Paris, dimanche 26 mai 2024.
1 commentaire
J’ai hâte d’être au 29, où je serai à la Philharmonie pour les Symphonies 5 et 7 de Beethoven par ces mêmes interprètes ! La critique lucide autant que vibrante de M. Meyer augmente mon impatience…