Pour clore la première édition du Concours de chant Sumi Jo, les organisateurs ont proposé une soirée de gala au cours de laquelle les lauréats ont pu se produire face à un public conquis, au sein duquel on remarquait la présence amicale d’autres candidats non récompensés – mais dont les prestations de grande qualité ont cependant attiré l’attention lors des divers auditions et concerts qui ont eu lieu pendant toute cette riche semaine de musique.
Le Château de la Ferté-Imbault - © Première Loge Opéra
© Première Loge Opéra
Libérés du stress généré par les épreuves, les cinq lauréats ont donné ce samedi soir un concert plein de bonne humeur et de fraîcheur. Cinq lauréats, car en plus des trois prix annoncés, il y eut un prix spécial du jury, partagé par deux candidates ex aequo…
C’est le tout jeune baryton chinois Zihao Li qui est arrivé en tête du concours. Malgré quelques imprécisions dans les attaques au tout début du « Largo al factotum » de Figaro et une extrapolation un peu hasardeuse dans l’aigu (« Che bel piacere »), son interprétation pleine d’entrain, chantée d’une voix saine et franche, convainc le public – et le baryton sera encore meilleur dans le duo des Pêcheurs de perles, où il fera entendre une ligne de chant soignée et un français de belle qualité. Son Nadir est le jeune ténor Kiup Lee (troisième prix), connu du public français notamment pour son passage à l’Académie de l’Opéra de Paris. Timbre solaire, ligne de chant ferme et assurée, le ténor fait par ailleurs montre d’une certaine espièglerie dans l’air de Pâris où il offre une pêche (à défaut de pomme) à Vénus… alias Sumi Jo elle-même !
George Vîrban et Zihao Li - © Première Loge Opéra
Sumi Jo, Marie Lombard et Juliette Tacchino - © Première Loge Opéra
Les deux prix spéciaux décernés par le jury reviennent à deux sopranos françaises : Marie Lombard et Juliette Tacchino, toutes deux bien plus que prometteuses. La première offre une fort belle interprétation de la valse de Juliette – même si elle inverse par erreur deux phrases musicales, chantant le rallentando de « comme un trésor » dès le début de la valse (juste avant « Cette ivresse de jeunesse ne dure hélas qu’un jour »), et chantant a contrario la vocalise descendante sur ces mêmes mots lors de la reprise, avant la phrase « Loin de l’hiver morose »… La voix est ronde, pulpeuse, puissante, ce qui n’empêche nullement la chanteuse de venir à bout des vocalises et de l’aigu final de la valse.
Juliette Tacchino se lance quant à elle dans l’air de la Folie de Platée et celui de Thérèse (Les Mamelles de Tirésisas) qu’elle sert d’une voix sûre, agile (habiles vocalises staccato dans Platée), projetée avec une grande facilité. Surtout, la chanteuse fait preuve d’un bel humour, trouvant le juste équilibre entre une interprétation trop terne et un cabotinage excessif.
George Vîrban - © Première Loge Opéra
Enfin, George Vîrban nous a, personnellement, conquis avec une interprétation pleine d’émotion du « No puede ser » de La tabernera del puerto de Pablo Sorozábal : outre le plaisir d’entendre de la musique espagnole (la grande oubliée des concours de chant, sauf d’Operalia qui propose une épreuve optionnelle de zarzuela), nous avons eu celui de découvrir une voix d’une grande beauté, aux couleurs sombres, presque barytonantes, qui n’entravent en rien l’émission dans le haut du registre et confèrent à son chant une émotion immédiate.
En plus du duo Nadir/Zurga, plusieurs interventions « à deux » viennent compléter la soirée : si le duo Papageno/Papagena par Marie Lombard et Zihao Li a souffert de petites approximations, celui dit « des chats », chanté par les deux sopranos françaises, s’est révélé très amusant, et dans « Un di, felice » (La traviata), Marie Lombard et George Vîrban ont fait preuve du lyrisme et de la tendresse requis. Les valeureux pianistes, enfin, qui ont accompagné vaillamment les artistes durant les sept jours qu’aura duré le concours, ont proposé d’agréables pauses instrumentales : « Le Bal » des Jeux d’enfants de Bizet (Andrey Vinichenko et Emmanuelle Moriat), la cinquième des Danses hongroises de Brahms (Emmanuelle Moriat et Adrienne Dubois), un extrait du Bœuf sur le toit de Milhaud (Andrey Vinichenko et Adrienne Dubois).
La soirée s’achève par le brindisi de La traviata. Si la page est à vrai dire assez attendue pour conclure ce type d’événement, ce qui l’est moins, c’est l’intervention, alors que tous les chanteurs sont réunis sur scène, de Ramón Vargas lui-même, qui quitte sa chaise de spectateur au moment d’entonner « Libiamo », avant d’être rejoint par Sumi Jo, une flûte de champagne à la main, qui lui donne la réplique en Violetta tandis que les cinq lauréats forment le chœur de ce duo de luxe !
© Première Loge Opéra
Plein succès pour ce premier Concours qui s’est révélé être d’un excellent niveau… Rendez-vous en 2026 pour la seconde édition !
© Première Loge Opéra
Zihao Li, baryton
George Vîrban, Kiup Lee, Ramón Vargas, ténors
Marie Lombard, Juliette Tacchino, Sumi Jo, sopranos
Andrey Vinichenko, Emmanuelle Moriat, Adrienne Dubois, piano
Soirée de gala
Gounod, Roméo et Juliette : « Je veux vivre »
Offenbach, La Belle Hélène : « Ô mont Ida »
Sorozábal, La tabernera del puerto : « No puede ser »
Bizet, Jeux d’enfants : « Le Bal »
Rossini, Il barbiere di Siviglia : « Largo al factotum »
Rossini, Duo des chats
Rameau, Platée, air de La Folie
Bizet, Les Pêcheurs de perles : « Au fond du temple saint »
Brahms, Danses hongroises (5e danse)
Mozart, Die Zauberflöte : duo Papageno/Papagena
Milhaud, Le Bœuf sur le toit
Poulenc, Les Mamelles de Tirésias, air de Thérèse
Verdi, La traviata : « Un di, felice »
Verdi, La traviata, Brindisi
Château de la Ferté-Imbault, Concours de chant international Sumi Jo, concert du samedi 13 juillet 2024.
1 commentaire
Marie Lombard avait chanté avec beaucoup de talent l’année dernière aux Arènes Lyriques de Montmartre. Elle est pour sûr très prometteuse et j’espère qu’on aura l’occasion de la voir sur scène .