L’Adami, qui œuvre pour la défense des droits des artistes, se donne entre autres missions celle de révéler au public de nouveaux talents dans diverses disciplines artistiques, dont celui de la musique dite « classique ». Cette année encore, c’est au Bal Blomet que les heureux élus ont pu révéler leur talent à un public enthousiaste venu nombreux, d’autant plus impatient de découvrir la promotion 2024 que les années précédentes ont permis de mettre en lumière plusieurs interprètes dont on parle dorénavant beaucoup – et en bien : Camille Chopin, Marion Vergez-Pascal, Abel Zamora, Alexandre Baldo, Floriane Hasler,…
Les musiciens retenus se répartissent entre chanteurs (Michèle Bréant, soprano ; Adrien Fournaison, baryton-basse ; Antonin Rondepierre, ténor ; Flore Royer, mezzo) et instrumentistes (Thomas Dubois, euphonium ; Marie Ducroux, alto ; Iris Scialom, violon ; Gaspard Thomas, piano). Les huit artistes, indépendamment de leurs talents respectifs, ont fait preuve d’une bonne humeur appréciable (il faut dire qu’ils étaient « cuisinés » par un Tristan Labouret imbattable pour mettre ses interlocuteurs à l’aise et conduire une conversation aussi intéressante qu’enjouée !), mais aussi d’une étonnante polyvalence : on aura ainsi appris que Thomas Dubois, loin de se cantonner à l’euphonium, joue en fait de quatre ou cinq autres instruments, ou que la violoniste et le ténor étaient des acteurs amateurs (ils étaient même, au moment du concert, en train de rater leur cours de théâtre hebdomadaire !), que la violoniste prenait également des cours de chant lyrique, ou que l’altiste aimait tout autant jouer de la musique de chambre que se fondre dans un orchestre ou pratiquer l’enseignement.
Des instrumentistes, on a apprécié la grande maîtrise technique (Thomas Dubois, deuxième mouvement virtuosissime de la Blue Lake fantasy – Moonlight across the water pour euphonium de David Roger Gillingham), le jeu tour à tour souple, nerveux, sensuel (Marie Ducroux, 1er mouvement de la Sonate pour piano et alto de Rebecca Clarke), la fougue et l’élan irrésistibles (Gaspard Thomas, Étude tableau opus 39 n° 5 de Rachmaninov), la précision et la poésie (Iris Scialom, Romances opus 22 n° 1 et 3 de Clara Schumann). En unissant leurs talents dans le premier mouvement du Quatuor opus 47 de Schumann (dans lequel Thomas Dubois, décidément très polyvalent, tiendra à l’euphonium la partie… du violoncelle !), les quatre instrumentistes feront par ailleurs preuve d’une belle capacité à s’écouter et à dialoguer entre eux.
Côté chanteurs (ils seront accompagnés au piano par Josquin Otal, lui-même ancien artiste Adami), on atteint le même degré de qualité. C’est le ténor Antonin Rondepierre qui ouvre le bal, avec l’air de Cinq-Mars « À vous, ma mère ». Le rôle est sans doute aujourd’hui un peu surdimensionné pour cette voix de ténor léger, qui devrait exceller dans certains rôles d’opéras-comiques. Il n’empêche : dans ce seul air, chanté accompagné au piano et dans une salle aux proportions modestes, Antonin Rondepierre a fait valoir des qualités de timbre, de style et d’articulation (le phrasé est remarquable de poésie et de fraîcheur) qui donnent envie de réentendre très vite ce jeune artiste. Flore Royer choisit elle aussi une rareté avec l’air « Ah, les femmes » extrait de La Colombe (Gounod), que l’on a rarement l’occasion d’entendre. La chanteuse dit apprécier les rôles travestis de pages ou de valets : de fait, cet air chanté par le valet Mazet au premier acte de l’ouvrage convient bien aux moyens actuels et à la personnalité de la mezzo : timbre frais, peut-être encore un peu vert mais ne demandant qu’à s’épanouir, et sens de l’humour incontestable. Les deux derniers chanteurs ont pour point commun de s’être tout récemment produits dans le superbe Don Giovanni proposé le mois dernier à l’Athénée. Adrien Fournaison retrouve ainsi Leporello, dont il offre une interprétation originale, drôle mais dénuée de toute vulgarité. Le timbre particulièrement clair du chanteur ainsi qu’une projection vocale saine et franche lui autorisent par ailleurs une articulation et une diction limpides. La Zerlina de l’Athénée, Michèle Bréant, chante ce soir Blondchen (« Durch Zärtlichkeit »), dont elle possède la grâce, la légèreté, et… les suraigus, délivrés sans aucune trace d’acidité. La carrière de ces artistes est déjà bien lancée : Adrien Fournaison chantera prochainement Curio dans Giulio Cesare au Capitole de Toulouse ; Michèle Bréant chantera Euridice dans l’Orfeo de Sartorio sous la direction de Philippe Jaroussky ; Antonin Rondepierre participera aux Fêtes d’Hébé données dans quelques jours à l’Opéra Comique ; et Flore Royer s’apprête à s’envoler pour Venise où elle doit chanter sous la direction d’Hervé Niquet.
Les quatre chanteurs se joindront aux quatre instrumentistes dans un quatuor vocal de Brahms empreint de poésie (Liebeslieder opus 52, n°6) ; puis pour une création d’Imsu Choi : « Vous ne saurez jamais », sur le célèbre poème de Marguerite Yourcenar, où, de façon originale, les lignes tourmentées des instruments viennent contredire l’apparente sérénité du chant ; enfin, pour un « Boum ! » de Charles Trénet enjoué, offert en bis à un public conquis.
Artistes instrumentistes :
Thomas Dubois, euphonium
Marie Ducroux, alto
Iris Scialom, violon
Gaspard Thomas, piano
Artistes lyriques :
Michèle Bréant, soprano
Adrien Fournaison, baryton
Antonin Rondepierre, ténor
Flore Royer, mezzo
Concert des Talents Adami classique 2024
Œuvres de David Roger Gillingham, Rebecca Clarke, Serge Rachmaninov, Charles Gounod, Clara Schumann, Robert Schumann, Franck Bridge, Wolfgang Amadeus Mozart, Johannes Brahms
Création mondiale de la compositrice Imsu Choi sur un poème de Marguerite Yourcenar
Paris, Le Bal Blomet, concert du lundi 2 décembre 2024