Si votre agenda est bouclé le samedi 03 mai 2025 à 20h00, débloquez-le d’urgence ! Vous serez branchés sur Radio Classique, pour savourer le délicieux concert Rossini, donné jeudi 10 avril en en l’Église Saint-Louis des Invalides ! Sinon, je vous le dis, vous le regretterez…
Le programme célèbre Rossini, avec des extraits de La Cenerentola, Otello, Il barbiere di Sviglia Elisabetta, Regina d’Inghilterra et Semiramide (voyez le détail des extraits proposés au public ci-dessous dans notre rubrique « Le programme »).
Prestation tonique et chaleureuse de l’Orchestre de l’Opéra Normandie Rouen – qui, au demeurant, avait délivré le 02 avril à la Philharmonie de Paris, une belle interprétation des Concertos pour guitare de Castelnuovo-Tedesco, Costa/Assad et Rodrigo, dirigés par Sora Elisabeth Lee. Hier soir, Victor Jacob, jeune chef dont il faut tenir compte désormais, galvanisait ses troupes !
Les pages rappelant le public à son devoir d’écouteur (ouvertures bondissantes et fameuses « tempêtes musicales » (Temporale) permettent des effets orchestraux du plus bel effet et nous étions hier soir, face à des pupitres tous très hautement concernés ! À n’en pas douter, cet orchestre stimulant, sera ) son affaire dans la Semiramide prochainement programmée à l’Opéra de Rouen. Il a en tout cas offert un accompagnement de prestige aux cantatrices.
Après une ouverture pétillante de La Cenerentola, la reine de la soirée, Karine Deshayes, longue robe noire avec étole et fleurs brodées rouges, subjugue d’emblée le public par un feu d’artifice vocal. Mais la virtuosité est loin d’être tout chez cette immense interprète ! Ce qui doit être exprimé, l’est – tant par la voix et son expressivité, que par le geste et le regard ; nous assistons à un concert, pas à une représentation scénique, et pourtant, avec un geste aussi discret qu’évocateur, avec un clin d’œil de connivence, la Cendrillon rossinienne prend corps d’un coup, là, devant nous !
Rossini utilisa assez peu la harpe. Berlioz l’imposera à l’orchestre en 1830 avec sa Symphonie Fantastique, Bellini et Donizetti écriront pour elle de belles cadences… Mais en 1816, son soutien apporté à la cantatrice dans le fameux air d’Otello « Assisa a pie d’un salice », fait regretter que Rossini n’ait pas plus composé pour cet instrument (écoutez aussi les pages agrémentant le chant de l’improvisatrice Corinne dans Il viaggio a Reims, 1825). Il ne s’agit nullement de notes creuses égrenées pour « faire joli » : dans ce seul moment du concert où frémissent ses cordes, la harpe rayonne, assurant un superbe écrin au chant intensément émouvant de Karine Deshayes.
La vertigineuse aria de Rosine « Una voce poco fa » nous permet de découvrir une belle Toulousaine vêtue de soie rouge, Juliette Mey, mezzo de haut vol. Rappelons qu’en 2022/2023, elle a interprété La Cenerentola au Théâtre des Champs-Elysées, puis à l’Opéra de Rouen. En 2024, elle fut Révélation artiste lyrique aux Victoires de la musique classique ET Prix Jeune soliste (décerné par les Médias Francophones Publics). Dans l’aria de Rosine, sa voix offre sans effort apparent, des caresses et des attaques acérées, augmentées d’une présence et d’un abattage indéniables. À n’en pas douter, les mânes d’une autre Toulousaine prestigieuse, Mady Mesplé, veillent sur elle…
Ce concert sans entracte bénéficie d’une sorte d’intermède musical, représenté par une mélodie méconnue de Rossini, « Nizza » (1836) orchestrée par Raphaël Merlin. D’apparence anodine, c’est en réalité une redoutable espagnolade, dans le goût des « Filles de Cadix » de Delibes. L’Espagne au début du XIXe siècle, synthétisait le goût grandissant pour l’exotisme, et les envolées « à l’espagnole » furent légions, avec plus ou moins de bonheur. Une seconde, on se prend à rêver à l’image populaire, vraie ou fausse, d’un Rossini paresseux, composant au lit et qui, laissant glisser une partition à terre, préfère la réécrire que se lever pour la ramasser. Si ce genre d’attitude donnait naissance à ce style de petits chefs-d’œuvre, on en redemande ! Et l’on remercie fort Karine Deshayes de nous faire découvrir ce boléro-là !
Ambiance totalement différente avec le majestueux « Bell’alme generose » de Elisabetta, regina d’Inghilterra ! La noblesse et la fermeté déployées par Karine Deshayes nous évoquent une Marilyn Horne, voire une Maria Callas… Cette aria est suivie du duo « Non bastan quelle lagrime », pour lequel revient Juliette Mey. L’intensité des deux interprètes est d’emblée à l’unisson, partageant émotion et virtuosité sans pathos, mais avec une force de conviction poignante pour l’une et l’autre.
Enfin, Karine Deshayes clôture le programme avec l’air de Semiramide, « Bel raggio lusinghier », l’un des airs les plus célèbres du répertoire rossinien. La ligne vocale impose une agilité extrême, dont semble se jouer la cantatrice, délivrant tour à tour à son personnage, délicatesse et puissance dramatique.
Enfin, quand j’écris « clôture », je néglige trop vite les bis, toujours fort appréciés dans ce genre de concert. Le premier est la Canzonetta Spagnuola, jadis prisé par Marilyn Horne, et qui semble sortir tout droit de quelque zarzuela. Karine Deshayes s’y montre étourdissante – et la harpe prend de nouveau part à la fête… Enfin, les deux cantatrices nous offrent un « Duo des Chats » mémorable avec accompagnement d’orchestre (je le précise car ce duo fameux se contente fréquemment d’un piano seul). Ce concert flamboyant s’achève en partages de caresses et coups de griffes tout aussi électrisants, témoins les applaudissements enthousiastes et les nombreux rappels !
Donc, un seul conseil, ce concert étant unique : le 03 mai, tous sur Radio Classique : si vous n’êtes pas séduits, je mange mon chapeau !
Karine Deshayes, mezzo-soprano
Juliette Mey, mezzo-soprano
Orchestre de l’Opéra Normandie Rouen, dir. Victor Jacob
Viva Rossini !
La Cenerentola
Ouverture
« Nacqui all’affanno… Non più mesta » – Karine Deshayes
Temporale
Otello
« Assisa a piè d’un salice » – Karine Deshayes
Il barbiere di Siviglia
Ouverture
« Una voce poco fa » – Juliette Mey
Nizza (Orchestration Raphaël Merlin) – Karine Deshayes
Elisabetta , regina d’Inghilterra
« Bell’alme generose » – Karine Deshayes
« Non bastan quelle lagrime » – Karine Deshayes et Juliette Mey
Il barbiere di Siviglia
Temporale
Semiramide
« Bel raggio lusinghier »
Bis :
Canzonetta Spagnuola – Karine Deshayes
Duo des chats – Karine Deshayes et Juliette Mey
Paris, Cathédrale Saint-Louis des Invalides, jeudi 10 avril 2025.
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Rendez-vous est pris sur radio classique !