Crédits photos : © Monika Rittershaus / Opéra de Zurich
Les Contes d'Hoffmann vus par Andreas Homoki à l'Opéra de Zurich
La version de référence des Contes d’Hoffmann, opéra laissé inachevé après la mort d’Offenbach, reste celle de Michael Kaye et Jean-Christophe Keck. Andreas Homoki, surintendant de l’opéra de Zurich et, en cette occasion, également metteur en scène, a donc bien fait d’opter pour celle-ci, qui est la plus complète (trois heures et demie de musique), et la plus cohérente du point de vue dramaturgique. Du finale inachevé, Homoki donne une version optimiste qui ne correspond pas tout à fait à l’esprit de l’opéra : Hoffmann vainc Lindorf et s’échappe avec Stella ; c’est le premier et seul moment où nous le voyons sourire après les événements tragiques qu’il aura traversés.
Selon une narration linéaire, les épisodes se succèdent avec une logique implacable dans l’ordre Olympia-Antonia-Giulietta. Les très beaux costumes de Wolfgang Gussmann et Susana Mendoza sont d’époque ; la scénographie du même Gussmann est très simple : au centre d’une scène vide et sombre, une plate-forme avec un motif de carreaux, pouvant basculer en s’inclinant. Les éléments présents sur scène sont minimaux : outre la trappe du souffleur et un tonneau omniprésent, on trouve un canapé, un piano, une table de jeu et un lustre en cristal – un pour chaque épisode. L’espace, sobre, est éclairé par un jeu de lumières comme toujours très savant de Franck Evin. Une grande attention est accordée au jeu des personnages et à l’équilibre entre le drame et l’humour, avec des moments très forts émotionnellemment, comme la mort d’Antonia, tuée par son propre piano, tandis que, pour une fois, le rôle des lunettes trompant Hoffmann sur la nature de la poupée mécanique est clair.
Antonino Fogliani donne une lecture brillante de la partition, même si l’orchestre est à des kilomètres de distance dans la salle de répétition ; mais malheureusement, on ressent l’absence du chœur : sur scène se trouvent des figutants composés de personnages masqués dont on sent que les voix arrivent de loin, malgré toute la diabolique technologie mise en œuvre !
Saimir Pirgu fait ses débuts dans le rôle éponyme. Si l’entreprise est exigeante, le résultat est plus que satisfaisant – en dépit d’une émission parfois un peu engorgée et un timbre pas toujours séduisant dans le registre grave. Alexandra Kadurina est une Musa/Nicklausse sensible, même si elle aussi rencontre quelques problèmes d’émission dans les notes de passage. Les trois femmes sont surprenantes : Olympia trouve en la soprano américaine Katrina Galka une interprète d’une grande assurance dans son agilité vocale et sa présence scénique ; la soprano russe Ekaterina Bakanova est une Antonia intense et l’Australienne Lauren Fagan une Giulietta persuasive. Dans cette version, Stella chante et a la voix somptueuse d’Erica Petrocelli. Andrew Foster-Williams traite les quatre rôles de Lindorf/Coppélius/Docteur Miracle/ Dapertutto avec une grande habileté, une diction et un sens musical parfaits, ne souffrant que sur la fin d’une légère fatigue vocale. Spencer Lang, qui tient le quadruple rôle d’Andrès/Cochenille/Frantz/Pitichinaccio, est agile et efficace. Les autres nombreux interprètes sont d’un excellent niveau.
Katrina Galka, Gilda contre vents et marées !
Hoffmann Saimir Pirgu
Lindorf / Coppélius / Miracle/ Dapertutto Andrew Foster-Williams
Andrès / Cochenille / Frantz / Pitichinaccio Spencer Lang
Spalanzani Iain Milne
Crespel Wieland Satter
La Muse / Nicklausse Alexandra Kadurina
Olympia Katrina Galka
Antonia Ekaterina Bakanova
Giulietta Lauren Fagan
Stella Erica Petrocelli
La Voix de la tombe Judith Schmid
Philharmonia Zürich, Chor der Oper Zürich, dir. Antonino Fogliani
Mise en scène Andreas Homoki
Les Contes d’Hoffmann
Opéra en cinq actes de Jacques Offenbach, livret de Jules Barbier, d’après la pièce homonyme de Jules Barbier et Michel Carré, d’après E.T.A. Hoffmann.
Spectacle enregistré à l’Opéra de Zurich en avril 2021, disponible en « vidéo à la demande » sur le site de l’Opéra de Zurich.