Crédit photos : © Fabrizio Sansoni –Teatro dell’Opera di Roma
IL TROVATORE est chez lui dans la Ville éternelle !
Belles retrouvailles dans l’écrin du Circus Maximus…
Nouvelle production du Trovatore à l’Opéra de Rome, à près de quatre années d’écart de la précédente mise en scène d’Àlex Ollé (La Fura dels Baus), issue de la collaboration avec l’Opéra National de Paris et l’Opéra d’Amsterdam où elle avait vu le jour. Peu étonnant, puisque l’œuvre est chez elle dans la Ville éternelle, pour avoir été créée au Teatro Apollo en janvier 1853. Afin d’inaugurer la saison post-covid qui s’ouvre au Circo Massimo, la direction de la première scène opératique de la capitale italienne a passé commande à Lorenzo Mariani, dans l’espoir sans doute de renouveler les fastes des Thermes de Caracalla. Comme le rappelle le réalisateur dans le programme de salle, il s’agit aussi de respecter le protocole sanitaire en vigueur en ces mois de transition, surtout pour les chœurs. À partir des proportions du triangle, il exploite donc la conjugaison d’éléments géométriques devant suggérer une atmosphère immatérielle, onirique et mystérieuse. Sur une estrade fixe à six degrés se relaient ainsi quatre tables, deux noires pour le monde des puissants, Luna et Leonora, et deux blanches pour les gitans, Manrico et Azucena, assorties au fur et à mesure de tabourets des mêmes couleurs, renversées au dernier acte, et éclairées par des chandeliers, un par personnages, censés apporter du jour à l’action. Nous en avons compté jusqu’à huit dans le finale de l’acte II, la scène du cloître, que rendent tout particulièrement suggestive des reflets mauve. À l’arrière-plan un grand écran permet de changer rapidement de climat, de la lune aux nuages, des étoiles à des météorites, de la foudre au feu et aux flammes, notamment pour la célébrissime cabalette de la « pira », à l’acte III. Relevons la belle cape rouge d’Azucena, à l’acte II, et les coiffes des bohémiens, venant enjoliver des costumes où domine également le noir.
Stride la vampa!
Pour ce qui est de l’interprétation, rappelons que les lieux, nullement conçus pour le théâtre, requièrent que l’on ait recours à l’amplification, ce qui ne permet que partiellement d’apprécier la performance des artistes. À cela s’ajoutent les sons parasites propres au plein air, tels que le cri des mouettes, désormais familières à Rome, Luna luttant contre la sirène des pompiers pour son air de l’acte II, l’arrestation d’Azucena étant relayée par l’alerte interminable d’une voiture à l’acte III. Et une certaine désinvolture d’une partie du public, sans doute moins intimidé que dans une salle fermée : ma voisine n’a pas arrêté de répondre à ses sms et autres messages Whatsapp… Si c’est le prix à payer pour retrouver la scène après ces longs derniers mois de silence, c’est néanmoins avec grand plaisir, d’autant que le bel écrin du Palatin vient apporter une touche non négligeable au bonheur de ces retrouvailles.
Réverbérations
L’amplification ne fonctionnant pas pendant toute la première scène, il est donc encore plus difficile de juger la prestation de Marco Spotti en Ferrando qui n’a ici que sa seule véritable intervention. Malgré un legato parfois hésitant, il se distingue par la noblesse de son élocution et lorsqu’il revient à la scène, à l’acte III, ses quelques répliques adressées à Luna ne viennent que confirmer le métier et la maîtrise d’un rôle qu’il sert maintenant depuis une bonne dizaine d’années. La situation se rétablit après le récitatif de Leonora et le spectateur a alors l’impression d’assister à une véritable représentation d’opéra, dans des conditions comparables à celles du théâtre, ne serait-ce que les voix lui proviennent d’ailleurs que du lieu où se produisent les chanteurs. Annoncée comme diplômée du Fabbrica Young Artist Program de la maison romaine, Roberta Mantegna a déjà derrière elle une bonne carrière de quelques années qui l’a amenée à aborder l’héroïne verdienne à Parme, Macerata, Venise et Leipzig. Son aria di sortita se distingue grâce à un portamento prodigieux et à des fioritures expressives dans la cabalette. Ajoutons que les réverbérations de l’amplification confèrent une touche envoûtante au récitatif de l’air de l’acte IV, préludant aux harmonies d’une cavatine au phrasé magistral, à l’intensité de Miserere et surtout à une cabalette lunaire, chantée dans sa totalité, avec des variations dans la reprise, sachant associer la grâce à la virtuosité. Ligne de chant très assurée dans les échanges avec ses partenaires aussi, notamment dans le finale II ; l’affrontement avec Luna, à l’acte IV, frappe par son expressivité, aboutissant à une mort angélique dans un épilogue aux aigus percutants. Fabio Sartori connaît son Verdi dans les moindres recoins et si son Manrico peut paraître parfois quelque peu insouciant dans le phrasé, la projection est souvent percutante, comme dans les passages les plus célèbres, la cabalette citée auparavant, précédée d’une sublime cavatine, ou encore la strette du beau duo avec sa mère, où il est émouvant dans son mouvement de pitié fraternelle. Belle prise de rôle pour l’Azucena capiteuse de Clémentine Margaine, à la diction élégante, agrémentée d’un timbre avantageux et de graves généreux. Malgré quelques passages laborieux dans sa cavatine de l’acte II, Christopher Maltman donne vie à un Conte di Luna de bonne tenue, se singularisant tout particulièrement dans la vaillance de la cabalette.
Le chœur des bohémiens de l’acte II est source de quelques soucis de justesse pour Daniele Gatti dont la direction reste tout de même digne de ce que l’on peut espérer d’une représentation en plein air.
Belle ombre projetée de Manrico au tableau final, lorsque soudain il se fait jour. Le public s’en donne à cœur joie.
Manrico Fabio Sartori
Il Conte di Luna Christopher Maltman
Ferrando Marco Spotti
Ruiz Domingo Pellicola
Un vecchio zingaro Antonio Taschini
Un messo Aurelio Cicero
Leonora Roberta Mantegna
Azucena Clémentine Margaine
Ines Marianna Mappa
Orchestra e Coro del Teatro dell’Opera di Roma, dir. Daniele Gatti
Mise en scène Lorenzo Mariani
Il trovatore
Dramma en quatre actes de Giuseppe Verdi, livret de Salvatore Cammarano, d’après Antonio García Gutiérrez, créé au Teatro Apollo de Rome le 19 janvier 1853.
Circo Massimo, dimanche 27 juin 2021
1 commentaire
Grazie Camillo Faverzani per « farci vedere », col racconto, l’intensità di uno spettacolo!
È un piacere leggere di un Trovatore che riemerge dal « nulla » di un post-covid per ammaliare ancora lo spettatore! La fatica di separare i rumori extra-scenici imposti dal luogo sembra abbiano reso più grata la fruizione dello spettacolo, dando vita a un lavoro verdiano che esprime la forza vitale di un amore nato impossibile al di là dei desideri degli amanti …. Viva Verdi !!