© Photos : Amati Bacciardi (droits réservés)
Nouvelle production du Signor Bruschino à Pesaro
Seconde nouvelle production de l’édition 2021 du Festival de Pesaro, Il Signor Bruschino a été confié au collectif Barbe & Doucet, dont le récent Pelléas et Mélisande proposé à Parme la saison dernière avait séduit Marc Dumont. Les scénographe, costumier et metteur en scène ont transposé l’action dans les années 30/40, sur un bateau baptisé « Il Castello » dont Gaudenzio est le capitaine. Le rideau se lève sur un décor très réaliste (un quai inondé de lumière auquel est amarré le bateau, lequel se voit flanqué d’une petite barque sur laquelle s’isoleront les personnages pour certaines scènes plus intimistes) et, à l’heure où tant de metteurs en scène font systématiquement le choix de la laideur ou du minimalisme, on est tout de suite agréablement surpris et séduit par la beauté du dispositif (ainsi que par celle des jolis costumes d’André Barbe). La mise en scène sera à l’avenant : simple, élégante, amusante sans vulgarité : Quelques effets de tangage sur le Castello ou dans la petite chaloupe lorsque la situation se corse, une projection de spirales tournoyantes lorsque la situation vire à l’imbroglio et que la musique de Rossini se fait frénétique, de beaux jeux de lumière (signés Guy Simard) pour évoquer le miroitement des vagues ou l’évolution de la course du soleil, une direction d’acteurs très précise… et le tour est joué.
Le fait que l’orchestre occupe tout le parterre du théâtre permet d’apprécier pleinement la gestuelle toujours racée de Michele Spotti (bien connu du public français qui a pu notamment l’applaudir à Lyon ou Montpellier), lequel s’amuse comme un fou à diriger cette pétillante farce en un acte, sans jamais perdre de vue pour autant la minutie ni la légèreté ou l’humour qui sont les caractéristiques premières de l’œuvre. Le Filarmonica Gioachino Rossini le suit avec une impeccable précision et une musicalité de tous les instants.
Le spectacle est porté par un plateau de solistes de premier choix, ne comportant absolument aucun point faible, avec notamment des seconds rôles parfaitement bien en voix et en situation, desquels se distinguent notamment l’amusant Bruschino fils de Manuel Amati, la Marianna bien chantante de Chiara Tirotta, et le Filiberto d’une belle présence vocale et scénique de Gianluca Margheri.
Les deux barbons Gaudenzio et Bruschino sont interprétés respectivement par Giorgio Caoduro, à la voix bien projetée et aux coloratures extrêmement précises, et Pietro Spagnoli, drôle mais sans cabotinage excessif, à la voix claire et au chant respectant comme toujours au mieux le style et l’esthétique rossiniens. Le jeune Jack Swanson est un Fiorville extrêmement séduisant, à la technique très sûre, dont le timbre n’est pas sans rappeler parfois celui de son illustre devancier et compatriote Rockwell Blake – avec toutefois des sons moins ouverts et un vibratello moins prononcé. Enfin, en Sofia, Marina Monzó est (pour nous du moins) une belle révélation : l’actrice est charmante, et la chanteuse dispose à la fois d’une technique aguerrie et d’un timbre très agréable, plus rond et plus dense que celui de la plupart des interprètes habituelles du rôle, sans que la légèreté ni la féminité du personnage en pâtissent pour autant.
Un joli spectacle, que l’on pourra de nouveau applaudir à la Royal Opera House de Muscat ou, plus près de nous, au Teatro Communale de Bologne.
Gaudenzio : Giorgio Caoduro
Sofia : Marina Monzó
Bruschino père : Pietro Spagnoli
Bruschino fils : Manuel Amati
Florville : Jack Swanson
Le Commissaire : Enrico Iviglia
Filiberto : Gianluca Margheri
Marianna : Chiara Tirotta
Filarmonica Gioachino Rossini, dir. Michele Spotti
Mise en scène et costumes : Barbe & Doucet
Lumières : Guy Simard
Il Signor Bruschino, ossia il figlio per azzardo, opéra en un acte de Gioachino Rossini, livret de Giuseppe Maria Foppa, créé le 27 janvier 1813 au Teatro San Moisè à Venise.
Rossini Opera festival de Pesaro, Teatro Rossini. Générale du spectacle, le 07 août 2021