© Birgit Gufler
Innsbruck : Telemann, Pastorelle en musique
Le siècle de Louis XIV, comme celui des Lumières, est le siècle de la France, et le français était la langue internationale de toutes les cours européennes de l’époque. L’influence se traduit évidemment dans les arts, et dans la musique en particulier, le style français, dans la forme comme dans l’inspiration mélodique et harmonique concurrençant les écoles allemandes et italiennes. Loin de s’exclure mutuellement, ils nourrissent toute l’Europe musicale du temps, jusqu’à se compléter dans un cosmopolitisme artistique illustré par la synthèse d’un Bach, ou encore par des exemples syncrétiques d’opéra en Allemagne, où langues et styles se mêlent, à l’instar du Boris Godounov de Mattheson, ou de la Pastorelle en musique de Telemann. Créé à Francfort au milieu des années 1710, cet ouvrage dont le livret, de la main du compositeur, s’inspire de la pièce de Molière Les amants magnifiques, fait dialoguer France et Allemagne, jusque dans certains airs qui, commençant dans une langue, reprend ensuite dans l’autre, comme une variation transfrontalière de dire les sentiments.
La partition s’ouvre sur un véritable concerto, à l’éclectisme assumé et foisonnant de cuivres aux sonorités chasseresses, qui met en évidence les couleurs et la vitalité de l’Ensemble 1700, sous la houlette de sa directrice musicale, Dorothee Oberlinger. L’alternance entre récitatifs et airs, selon les usages alors consacrés, se met au service d’un nœud d’intrigues amoureuses au parfum de pastorale, où réticences et minauderies trouvent leur issue dans la satisfaction de chacun quant à son sort, le tout dans un pastel musical d’où se détache le solo concertant du maître de danse, dévolu au violon en habit baroque d’Yves Ytier, tandis que Cupidon est représenté par les pépiements de la flûte à bec de Max Volbers.
Dans le rôle de Caliste, Lydia Teuscher ne manque pas de piquant, et joue la coquette avec une délectation à laquelle son timbre clair et son émission franche donnent une juste résonance. Marie Lys se révèle complémentaire avec son Iris aux chatoiements plus fruités, mais qui n’oublient pas un sourire espiègle tout à fait en situation. Côté messieurs, Alois Mühlbacher résume la fraîcheur d’Amyntas, avec un contre-ténor léger, attentif à la caractérisation du personnage. Florian Götz, également fondateur du Vocal Consort Berlin dont les interventions complètent les ensembles, affirme un Damon solide, à la ligne nourrie et au grain charnu, et confère une sincérité aux élans simples du cœur du berger. Virgil Hartinger compose un Knirfix rustaud, jusque dans la robustesse de la voix, calibrée pour la situation.
Quant à la mise en scène de Nils Niemann, importée du festival de Sans-Souci à Postdam et coproduit avec Musica Bayreuth et les Magdeburger Telemann Festtagen, elle s’appuie sur les cartons-pâtes aux tonalités champêtres évoquant Watteau dus à Johannes Ritter. Entre reconstitution et codification du jeu d’acteurs, le spectacle ne recherche pas tant une dynamique dramaturgique – que le genre de la sérénade n’appelle guère – que la restitution d’une atmosphère, avec un plaisant intérêt documentaire.
Caliste : Lydia Teuscher
Iris : Marie Lys
Amyntas : Alois Mühlbacher
Damon : Florian Götz
Knirfix : Virgil Hartinger
Maître de danse : Yves Ytier (violon)
Cupidon : Max Volbers (flûte à bec)
Direction musicale : Dorothee Oberlinger
Mise en scène : Nils Niemann
Pastorelle en musique
Sérénade en un acte de Telemann, livret du compositeur d’après Les Amants magnifiques de Molière, créée à Francfort en 1713/1715 (?).
Innsbrucker Festwochen der alten Musik, Haus der Musik, Grosser Saal, Innsbruck, Représentation du 25 août 2021.