Créée à Rennes, à huis clos pour une diffusion en streaming pendant le deuxième confinement de l’automne 2020, la nouvelle production de La Dame blanche qui fait étape à l’Atelier Lyrique de Tourcoing en ce début d’année confirme le retour en grâce d’un des plus grands succès de l’histoire de l’opéra, avant de tomber dans l’oubli à partir de 1926, et plus largement d’un genre relativement négligé depuis un siècle, l’opéra-comique français et avec, toute une période de l’évolution du genre lyrique entre Gluck et Berlioz.
Avec son intrigue qui porte l’empreinte de la fascination d’une époque pour les ruines et les brumes britanniques, l’ouvrage de Boieldieu distille un charme légèrement désuet que Louise Vignaud, pour son premier spectacle d’opéra, ne cherche pas à contrarier. Habillée par les modulations d’ombres et de lumières de Luc Michel, la transparence spatiale de scénographie décantée d’Irène Vignaud, avec ses armatures minimalistes tombant des cintres comme des faux-rideaux, s’appuie sur quelques accessoires pour suggérer efficacement un arrière-plan au pittoresque d’abord utilitaire, mais non dénué de poésie. La fantaisie investit surtout les costumes dessinés par Cindy Lombardi et les coiffes de Christelle Paillard, variations autour de pelages, ramages et rameaux qui orientent, avec une habile pertinence, la narration de l’épure vers le merveilleux du conte.
Dans cet écrin s’exprime un joli plateau de jeunes chanteurs. En Georges Brown, Sahy Ratia fait valoir la ligne aérée et la souplesse de la diction de son ténor léger, dont l’émission précise n’évite pas toujours un certain resserrement du souffle dans le nez, sans jamais perdre cependant de grâce touchante dans la sincérité du lyrisme, qualité que partage Caroline Jestaedt dans son incarnation d’Anna, alias « la dame blanche ». Le babil discrètement acidulé de la soprano belge fait chatoyer les coloratures, sans que la virtuosité n’entame le frémissement de la sensibilité. Majdouline Zerari condense la bienveillance de Marguerite, la domestique, dans un timbre homogène et généreux. Marc Scoffoni se révèle robuste et contraste avec la détermination cassante de Gaveston. Fabien Hyon et Sandrine Buendia forment un complémentaire duo de fermiers, Dikson et Jenny, dans une esthétisation calibrée du rustique. Les interventions de Mac-Irton, le juge de paix, sont dévolues, sans démérite, à Ronan Airault. Préparé par Anthony Lo Papa, le chœur Le cortège d’Orphée participe à la mise en valeur de la sympathique candeur mélodique de la partition, défendue avec vitalité et fraîcheur par les pupitres de l’orchestre Les siècles, sur instruments d’époque, sous la baguette alerte de Nicolas Simon. Une Dame blanche pleine de saveurs !
Anna : Caroline Jestaedt
Jenny : Sandrine Buendia
Marguerite : Majdouline Zerari
Georges Brown : Sahy Ratia
Dickson : Fabien Hyon
Gaveston : Marc Scoffoni
Mac-Irton : Ronan Airault
Orchestre Les Siècles, dir. Nicolas Simon
Louise Vignaud : mise en scène
La Dame blanche
Opéra-comique en trois actes de François Adrien Boieldieu, livret d’Eugène Scribe d’après Guy Mannering et Le Monastère de Walter Scott, créé le 10 décembre 1825 à l’Opéra-Comique.
Représentation du 14 janvier 2022, Atelier lyrique de Tourcoing