Fenice de Venise : brillant retour de Sir John FALSTAFF dans la lagune !

Très belle réussite que ce Falstaff vénitien ! Le mérite en revient avant tout au remarquable Sir John de Nicola Alaimo, à la mise en scène intelligente et élégante d’Adrian Noble, et à la direction précise et inspirée de Myung-Whun Chung.

L’ouverture de la saison, à la Fenice, est à coup sûr un événement mondain : vendredi dernier se mêlaient au public (en tenue de soirée) popstars, people, ministres, chefs d’entreprises et bien sûr de nombreux photographes de presse. Mais ce fut aussi, en ce vendredi 18 novembre, un vrai événement artistique, avec un Falstaff dont les qualités visuelles et musicales se sont complétées avec un rare bonheur.

Premier artisan du succès : Nicola Alaimo, qui propose un portrait absolument exceptionnel de Sir John. Fin connaisseur d’un rôle qu’il a chanté à Budapest, Milan, Monte-Carlo ou Florence, il en maîtrise absolument toutes les composantes, tant vocales que scéniques, chaque intention interprétative sonnant juste, naturelle et bienvenue. Fait rarissime : le personnage en devient attachant…

Deuxième responsable de cette très belle réussite : Adrian Noble, dont la mise en scène d’un classicisme de très bon goût est servie par des décors et des costumes fort élégants. Sa lecture fourmille d’idées excellentes. L’action est transposée à l’époque de Shakespeare (lequel est d’ailleurs présent sur scène), le décor représentant un théâtre qui pourrait être le fameux Globe Theater de Londres, dans lequel sera d’ailleurs joué Le Songe d’une nuit d’été pour le second tableau du troisième acte. Les images ainsi proposées aux spectateurs sont simples, fortes et belles… Mais c’est surtout la formidable direction d’acteurs qui impressionne, chaque chanteur/acteur incarnant son personnage avec un naturel et une aisance remarquables. Bref, les péripéties et rebondissements se succèdent sans que le rythme se relâche, et l’on se surprend à attendre avec beaucoup d’impatience la suite d’événements… pourtant parfaitement connus !

Myung-Whun Chung propose quant à lui une direction musicale de l’œuvre très équilibrée, mettant en valeur le raffinement de l’écriture verdienne ou faisant éclater l’orchestre toujours à bon escient, et surtout accompagnant les chanteurs avec un respect de tous les instants. Le plateau vocal est très homogène et ne présente guère de points faibles. Selene Zanetti est une Alice appliquée et engagée. Sara Mingardo incarne une Quickly de luxe, qui tient fort heureusement à distance les effets de gouaille dont certaines de ses collègues émaillent le rôle. Vladimir Stoyanov est un Ford remarquable, impressionnant par la beauté du timbre mais aussi par l’autorité et la maîtrise du chant. Le couple d’amoureux, enfin, est adorable, avec une Nanette (Caterina Sala) très gracieuse et pleine d’aisance, et un Fenton (René Barbera) élégantissime, à la voix fraîche et au style rossinien.  

Au rideau final, la soirée s’achève par un très grand succès public… parfaitement mérité !

Les artistes

Sir John Falstaff : Nicola Alaimo
Ford : Vladimir Stoyanov
Fenton : René Barbera
Dr. Cajus : Christian Collia
Bardolfo : Cristiano Olivieri
Pistola : Francesco Milanese
Mrs. Alice Ford : Selene Zanetti
Nannetta : Caterina Sala
Mrs. Quickly : Sara Mingardo
Mrs. Meg Page : Veronica Simeoni

Orchestre et Chœur (chef de chœur Alfonso Caiani) du Teatro La Fenice, dir. Myung-Whun Chung

Mise en scène : Adrian Noble
Décors : Dick Bird
Costumes : Clancy
Lumières : Jean Kalman et Fabio Barettin
Assistant à la mise en scène, mouvements chorégraphiques : Joanne Pearce

Le programme

Falstaff

Opéra en trois actes de Giuseppe Verdi, livret d’Arrigo Boito d’après Les joyeuses commères de Winsor et Henri IV de Shakespeare, créé à la Scala le 9 février 1893.

Représentation du vendredi 18 novembre 2023, La Fenice (Venise)