Climat, opéra créé par Opéra Junior à Montpellier

La création de l’opéra Climat à l’Opéra national de Montpellier (OONM) fête les 30 ans d’Opéra Junior. Commande de l’OONM, cet opéra signé de Russel Hepplewithe et d’Helen Eastman, prend le combat écologique à bras-le-corps. La conscience de celui-ci est d’autant mieux incarnée que l’opéra est interprété par de jeunes montpelliérains sur le plateau de l’Opéra-Comédie. Le spectacle, conseillé à partir de 6 ans, chansigné pour les malentendants, connaît un franc succès.

Les 30 ans d’Opéra Junior à l’Opéra de Montpellier

Fondé en 1990 par Vladimir Kojoukharov, Opéra Junior est intégré à l’OONM depuis 2013 et dirigé par Jérôme Pillement, chef d’orchestre. Sa mission est de permettre à des enfants et adolescents du territoire montpelliérain de découvrir l’art lyrique et scénique en participant à des spectacles réalisés dans des conditions professionnelles. Ils sont accueillis et accompagnés par des équipes pédagogiques au sein de trois groupes d’âge, s’étalant du Petit Opéra (6-10 ans) jusqu’au Jeune Opéra (16-24 ans). « Avoir envie de chanter-bouger » est la devise d’Opéra Junior, comme l’affirme le directeur artistique dans son interview.

Au fil des décennies, les spectacles lyriques (Les Aventures du Roi Pausole en 2022) ou bien les créations (Le Monstre du labyrinthe, 2017) ont développé leur créativité́ tout en les propulsant vers des thématiques sociétales actuelles. Chaque production rencontre l’adhésion et le succès de divers publics, du Théâtre Jean Vilar (ZUP nord-ouest de Montpellier) à l’Opéra-Comédie.

L’opéra Climat : les juniors adressent un message écologique à tout spectateur – spectatrice

Pour l’année 2023, Valérie Chevalier, directrice de l’OONM, a commandé une création au compositeur Russel Hepplewhite (1982- ) qui leur soit dédiée et sur une thématique brûlante d’actualité. En effet, l’urgence de la transition écologique et le dialogue intergénérationnel qui peut accélérer les actions sont les axes de Climat. Le compositeur anglais, formé au prestigieux Royal College of Music de Londres, est familier du théâtre musical pour jeune public (Laika The Space dog, 2014). Il s’associe à la librettiste Helen Eastman (1978- ), conceptrice de spectacles avec son ensemble Live Canon Poetry Press.

Dans Climat, l’enjeu sociétal s’arcboute sur le conflit intergénérationnel de fille-mère, durci par le militantisme écologique de Juliette et la profession de la mère Alice en milieu industriel polluant. Fortement incarné par les situations – manifs avec cris, pancartes et gaz lacrymogènes des forces de l’ordre – le spectacle a le mérite d’être produit en éco-conception par le scénographe Thibault Sinay. Quelques sobres structures modulaires et réversibles s’assemblent en fonction des 17 lieux scéniques, tandis que les costumes proviennent de recycleries (Artex à Montpellier) en sus de la collaboration des familles. Si la prise de parole parlée des jeunes manifestants donne le ton avant le lever de rideau, ces dispositifs peuvent même figurer la classe de lycéens (« monde de Juliette ») et l’usine de peinture (« le monde d’Alice ») dans une concomitance symbolique.

Toutefois, l’écriture du livret et la musicalisation de la langue française affaiblissent le message idéologique. Les dialogues fille-mère ou ceux des manifestants forment un kit scolaire de l’éco-responsabilité. Les formules répétées comme des mantras vertueux, ne traitent pas la question, cependant posée par l’adolescent Arthur – « Dans quel monde souhaitons-nous vivre ? » – dont le nous englobe le public.  Plus heureuse, l’écriture des chœurs joue la satire burlesque dans le « Délibérer, pontifier, annuler » du conseil d’administration. Quant au chant soliste, son traitement monotone malmène la prosodie française avec une telle incompréhension … qu’il affaiblit la dramaturgie. Est-ce un problème structurel d’écriture (de la part d’auteurs britanniques) ou bien serait-ce un effet conscient visant à incarner la rébellion des jeunes ?

Ils ont la pêche !

Sur le plateau, une rotation de 100 jeunes ! L’émotion qui s’en dégage est revigorante à plus d’un titre. L’énergie des enfants du Petit Opéra, celle du Jeune Opéra, d’où sont issus les rôles solistes et les activistes lycéens, sont bien palpables. Second atout, le spectacle est chansigné par deux artistes qui doublent souvent les héroïnes, Juliette et sa mère Alice, créant une bulle poétique autour de leurs silhouettes, tout en faisant accéder des centaines de malentendants au spectacle. A cet égard, soulignons les qualités vocales des deux héroïnes fortement sollicitées : Hermione Delaygue OU Lilou Tuzet en rotation (Juliette),  Léna Chevrot Roche OU Romane Minodier (Alice). Hors du Prélude, l’écriture orchestrale tisse quelques motifs contrepointés sous le chant ou bien scande des danses actuelles avec peps sous la direction de Jérôme Pillement. Si la balance avec les voix d’adolescents n’est pas toujours heureuse, notamment par l’écriture des cuivres qui surplombe les ensembles vocaux, l’alternance du parlé-chanté aurait probablement mieux servi l’œuvre. Par exemple, les interjections polyglottes des manifestants, de l’espagnol au thaïlandais.

Les moments les plus convaincants sont indéniablement les chœurs, bien conçus, imprimant un élan collectif dans la mise en scène de Damien Robert, depuis la rue jusqu’à l’usine. Grâce à la préparation des cheffes de chœur Laetitia Toulouse et Guilhem Rosa, ils sont superbement interprétés par Opéra Junior. Citons pêle-mêle la comptine swinguante des enfants « Savez-vous planter la planète » et, chez les ados, la polyphonie « Le ciel est encore bleu », ou encore l’entrain de « Et un, et deux, et trois degrés ». Celui-ci pourrait-il devenir l’hymne des (véritables) manifs, post Accord de Paris ?

Laissons de côté nos réserves ! Avec la création de Climat, c’est un espoir non chimérique qu’incarne la génération de Greta Thunberg, celle d’impulser des modèles chez les jeunes et peut-être des attitudes éco-responsables chez le spectateur d’opéra ! En février 2022, l’opéra Like Felsh de Sivan Eldar s’emparait poétiquement d’enjeux d’éco-attitude et de genre à l’Opéra national de Montpellier. A contrario de ce que transmettent certains médias, la réactivité de la création lyrique est bien enclenchée !

Les artistes

Juliette : Hermione Delaygue & Lilou Tuzet
Alice, mère de Juliette : Léna Chevrot Roche & Romane Minodier,
Anna, amie de Juliette : Bérénice Diet
Nico, ami de Juliette : Camille Bouland & Adrien Pillement
Louise, amie de Juliette : Sara-Lou Menut & Ana Desseigne
Ella, militante écologiste : Finoana Beulque & Margot Sidos
Arthur, militant écologiste : Sacha Baron Daltrozzo
Estelle, collègue d’Alice : Charlotte Gleize
La Principale de l’école de Juliette : Maïlys Nelva
La Présidente du conseil d’administration : Mélina Corniquet

Orchestre national de Montpellier, dir. Jérôme Pillement
Chœur d’Opéra Junior, sous la direction de Laetitia Toulouse et Guilhem Rosa
Mise en scène : Damien Robert
Décor et costume : Thibault Sinay
Lumières : Mathieu Cabanes
Chorégraphie : Karina Pantaleo

Le programme

Climat

Opéra de Russel Hepplewhite, livret d’Helen Eastman, créé mercredi 8 mars 2023 à l’Opéra de Montpellier