Coquillages et crustacés : l’Opéra de Tours ouvre sa saison avec un Barbier en villégiature au bord de l’Adriatique.

Il barbiere di Siviglia à l’Opéra de Tours

Riche d’une fructueuse collaboration avec l’institution milanaise du Teatro alla Scala, l’Opéra de Tours affiche en ce début de saison un Barbier de Séville placé sous le double signe de la jeunesse et de la liberté. Dans un contexte compliqué concernant l’avenir de l’orchestre symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours, la réalisation musicale de ce spectacle enthousiasme davantage que les partis pris scénographiques.

Il faut sauver l’orchestre de l’Opéra de Tours !

Certaines soirées à l’opéra ne se ressemblent pas et il peut arriver que l’excitation d’une soirée d’ouverture de saison se collisionne avec l’inquiétude d’artistes dont l’avenir est obscurci par la réalité économique du moment, les restrictions budgétaires ou l’incurie des pouvoirs publiques. L’Opéra de Tours était ce soir à l’une de ces croisées de chemins qui font courir le risque de partir dans des directions diamétralement opposées et de se fourvoyer définitivement.

L’institution lyrique tourangelle est en grande souffrance et ce mal-être saute douloureusement aux yeux dès qu’on en franchit les grilles. Étonnant pastiche de l’opéra Garnier érigé en bord de Loire dans les années 1880, le palais-théâtre de Tours n’est plus aujourd’hui que le fantôme de ce qu’il a été à la Belle Époque. Des parquets fatigués du foyer aux fresques encrassées du grand escalier où le décorateur Georges Clairin (l’illustre portraitiste de Sarah Bernhardt) a gaillardement brossé la présentation de Rabelais à François 1er par le cardinal du Bellay (et c’est en couleurs !), une grande partie des décors du Grand-Théâtre nécessiterait aujourd’hui d’être urgemment sauvée pour lui redonner son lustre et lui rendre sa place parmi les plus beaux théâtres de France.

La fatigue de cette belle maison ne se réduit malheureusement pas à l’usure de ses murs et de ses velours ; il semble en effet qu’elle ait aussi gagné ses forces vives au point de faire planer un doute sérieux sur l’avenir de l’orchestre – et donc de ses activités dans le répertoire lyrique.

Quelques instants avant le début de la représentation, alors que les lumières ont déjà été tamisées, que le murmure des conversations s’est tu et que les musiciens ont accordé leurs instruments, deux représentantes de l’orchestre symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours s’avancent au pupitre et font lecture au micro, la voix chargée d’émotion, d’une déclaration alarmiste. De manière très honnête, elles font le constat que les subventions municipales, départementales et régionales ont encore augmenté pour cette saison 2023-2024, mais bien en-deçà de l’inflation et du coût de fonctionnement réel d’une structure culturelle comme un orchestre d’une cinquantaine de musiciens ! Le dialogue paraissant bloqué par le refus de la mairie de Tours de poursuivre les négociations, les porte-paroles de l’orchestre annoncent que la deuxième représentation du Barbier, dimanche 8 octobre, pourrait être annulée ! « C’est faux ! c’est faux ! » vitupère à plusieurs reprises une voix depuis le premier balcon (un représentant de la Municipalité ?). Dans un climat extrêmement tendu, l’ensemble des musiciens quittent alors leurs pupitres et laissent la fosse vide, comme une blessure béante au pied du rideau baissé. Dans la salle, les regards se cherchent et on s’interroge du bout des lèvres : « La représentation va-t-elle avoir lieu ? ». Après une quinzaine de minutes, l’orchestre symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours réintègre la fosse et le spectacle peut finalement commencer avec une demi-heure de retard sur l’horaire prévu.

Que nous soit autorisée ici une réflexion toute personnelle. Le Grand-Théâtre de Tours est la seule scène lyrique située au cœur de notre territoire national : ni Orléans, ni Bourges, ni Poitiers ne donne de représentations d’opéra et s’il devait par malheur advenir qu’il disparaisse, cette fermeture créerait au centre de la France un vide immense puisqu’il n’y aurait plus d’institutions lyriques entre Paris et Angers-Nantes ni entre Rouen et Limoges ! Par contraste, le Grand-Est offre aujourd’hui l’exemple d’une grande région où parviennent à coexister l’opéra du Rhin, l’opéra national de Lorraine, le théâtre de Metz et celui de Reims, chacun disposant d’un orchestre capable d’assurer une riche programmation lyrique et symphonique. Il semble donc bien que ce soient les pouvoirs publiques qui tiennent en mains l’ébauche des solutions au malaise de l’orchestre tourangeau : les décideurs des politiques culturelles de la région Centre-Val de Loire, du département d’Indre-et-Loire et de l’agglomération de Tours s’honoreraient à renouer le dialogue et à prioriser l’accès à la musique et au spectacle vivant pour sauver un orchestre auquel son public semble viscéralement attaché ainsi qu’en témoignent les applaudissements nourris qui ont ponctué la prise de paroles des deux syndicalistes.

 

Homard m’a tuer !

Pour l’ouverture de cette nouvelle saison, l’opéra de Tours a fait le choix de confier à une équipe féminine la mise en œuvre musicale et scénographique de ce premier spectacle de l’année. Outre que Patricia Petibon est la marraine de la saison 2023-2024, la baguette de ce Barbier est confiée à la cheffe principale invitée Clelia Cafiero tandis que la jeune metteuse en scène Émilie Delbée est chargée de mettre en images ce pilier du répertoire.

Que peut encore nous dire de neuf Le Barbier de Séville, partition éminemment populaire dont l’ensemble du public est capable de fredonner l’illustrissime cavatine de Figaro ? L’idée d’Émilie Delbée tient en quelques lignes publiées dans le programme de salle : les personnages principaux du Barbier sont tous de jeunes gens qu’oppresse la morale bourgeoise et qui aspirent à voir tomber les murs des conventions sociales pour profiter davantage de leur liberté. La villégiature en bord de mer serait le lieu métaphorique de cette libération des corps et des esprits en même temps que celui des larges horizons sans obstacle.

Ce Barbier de Séville commence donc là où s’achève la Mort à Venise de Luchino Visconti : sur la plage d’un grand hôtel du Lido, au bord des rivages de l’Adriatique. Durant l’ouverture jouée à rideau ouvert, on assiste sur scène à la déambulation de vacanciers vêtus de marinières à la mode des années 1910. Ayant troqué sa carrière de barbier pour un emploi de concierge dont il porte la livrée, Figaro accueille le docteur Bartolo, Rosina et Berta pour une villégiature saisonnière dans un palace à grand renforts de courbettes et de sourires forcés. Du ponton, un jeune homme élégant, vêtu d’un costume clair et coiffé négligemment d’un panama, assiste à la scène et tombe immédiatement sous le charme de cette jolie brune qui semble si mal assortie à son fiancé ; il s’agit évidemment d’Almaviva qui croque une partie de sa fortune en menant l’existence oisive d’un vacancier au long cours… Ayant remarqué ce manège, Bartolo confine Rosina dans une cabine de plage et lui interdit de s’aventurer seule sur la grève.

Sur le papier, cette intention de mise en scène peut séduire et donne même lieu à quelques belles images tant sont élégants les costumes dessinés par Émilie Delbée et l’atmosphère viscontinienne qu’elle est parvenue à recréer avec un minimum d’éléments de décors. Las, la bonne idée fait long feu et au bout d’une quarantaine de minutes (dès le duo Almaviva-Figaro « All’idea di quel metallo ») le spectacle devient rapidement prisonnier de ce rivage où il est compliqué de continuer à déployer de manière cohérente l’intrigue imaginée par Rossini et son librettiste Sterbini à partir de la pièce de Beaumarchais.

Les incohérences se multiplient alors, qui gênent la compréhension du spectacle : comment Almaviva n’a-t-il pas reconnu plus tôt Figaro dans le concierge de l’hôtel s’il y résidait déjà avant l’arrivée de Bartolo ? Quelle est exactement la fonction de Don Basilio au sein du personnel de l’hôtel ? Pourquoi la police a-t-elle besoin de frapper à une porte pour accéder à la plage ? Qui est ce garçon, vêtu en plagiste, qui prétend partager la chambre de Bartolo en se faisant passer pour un soldat éméché ? Et surtout, surtout, pourquoi un homard traverse-t-il la scène pendant le final du premier acte dans l’indifférence générale de l’ensemble des protagonistes ?

Au début du second acte, l’introduction d’un grand décor architecturé en forme de bow-window et d’un élégant divan noir redonne un peu de cohérence au propos : l’illusion fonctionne et on se projette aisément à l’intérieur de ce qui pourrait être l’appartement que Bartolo occupe à l’hôtel. Quel dommage cependant qu’on n’ait pas pensé à démonter le praticable qui, dans la première moitié du spectacle, symbolisait la jetée le long de laquelle déambulent les promeneurs. L’effet de transparence du bow-window s’en trouve totalement gâché et le spectacle perd là l’occasion de belles images. Le dispositif peine aussi toujours à faire comprendre la réalité des personnages : pourquoi Figaro promène-t-il au bout d’un ruban un ballon gonflé à l’hélium en forme de requin ? Pourquoi le concierge du palace vient-il lui-même raser l’un de ses clients (même si l’on imagine qu’un hôtel de ce standing dispose d’un coiffeur susceptible de venir officier dans les chambres) ? Comment ce concierge peut-il ne pas posséder les clés de son propre établissement et en être réduit à imaginer des péripéties abracadabrantesques pour dérober à son client celle de sa chambre ?

On pourrait encore allonger la liste de ces incongruités qui n’empêchent pas d’apprécier le spectacle mais qui témoignent cependant d’une réflexion largement inaboutie – et possiblement bâclée – sur la transposition de l’intrigue du Barbier loin des rives du Guadalquivir.

Ces maladresses posées, reconnaissons à Émilie Delbée et à son assistant Arthur Campardon le talent d’avoir imaginé de jolies situations dramatiques et quelques moments de pure poésie. Que Rosina accroche les paroles de la Précaution Inutile à un cerf-volant et les laisse s’envoler est une jolie trouvaille. Les éclairages crus baignant le décor du premier acte comme la lumière aveuglante du crépuscule sont aussi une manière de placer le spectacle dans le prolongement de Mort à Venise qui s’achève sur le plan sublimissime de la silhouette de Tadzo se découpant en ombre chinoise sur le ciel incendié de soleil. Ces pépites donnent à penser que cette jeune équipe de dramaturges possède une vraie sensibilité et qu’ils seront rapidement en mesure de proposer aux spectateurs des spectacles plus aboutis.

« C’est l’amour à la plage, ah-ouh, cha cha cha. »

Le partenariat que l’Opéra de Tours a noué avec l’Académie du Teatro alla Scala est la vraie plus-value de ce Barbier dont une grande partie de la distribution a déjà participé à Milan, en septembre, à une production du chef d’œuvre de Rossini. La vision de l’ouvrage par la metteuse en scène nécessitait en effet, pour chanter l’amour à la plage, des artistes jeunes à la silhouette encore adulescente, et c’est peu dire que les chanteurs réunis sur la scène tourangelle sont les grands triomphateurs de cette soirée de Première.

Une vidéo disponible sur Youtube, captée il y a peu à Milan, permettait déjà d’espérer que Pierluigi D’Aloia et Sung-Hwan Damien Park formeraient à la scène un tandem Almaviva/Figaro bien équilibré, ce que confirme largement la représentation de ce soir.

https://www.youtube.com/watch?v=j0c9Ay_CbL8

Duetto “All’idea di quel metallo” Sung-Hwan Damien Park, Pierluigi d’Aloia

Au factotum bondissant, le baryton coréen Sung-Hwan Damien Park apporte en effet une énergie de pile électrique et un aplomb scénique qui impressionnent chez un artiste si jeune. Deux ans seulement après avoir abordé Figaro pour la première fois au festival du Tessin en 2021, il semble déjà posséder l’entièreté ce rôle et se rire de ses difficultés en dépit d’une voix encore verte et de graves qu’avec l’âge il colorera de manière plus sombre. La cavatine « Largo al factotum » est chantée crânement, sans brusquer la ligne mélodique ni se perdre dans des effets de voix inutiles, mais c’est davantage dans les passages plus intimistes comme le duo avec Rosina ou dans les ensembles survoltés comme la scène du rasoir, au second acte, que son tempérament d’acteur prend le dessus et que son chant se déploie avec l’aisance d’un excellent grammairien du bel canto italien. Au moment des saluts, Sung-Hwan Damien Park rayonne de fierté et fait le geste d’embrasser la scène du Grand-Théâtre de Tours, signe que cette production marque une étape importante de plus dans sa jeune carrière d’interprète rossinien.

Plus réservé et flegmatique – quoique capable d’exubérance dans le grand final du premier acte ou l’hilarant duettino « Pace e gioia » – que son partenaire, Pierluigi D’Aloia est un jeune Almaviva qui a parfaitement digéré l’héritage de ses ainés Luigi Alva et Alfredo Kraus. À moins de 30 ans, il a déjà foulé les scènes prestigieuses du festival de Pesaro, de la Fenice et du Teatro Comunale de Bologne et s’est fait une spécialité du répertoire belcantiste du premier ottocento jusqu’à être capable de remplacer au pied levé Juan Diego Florez dans une production du Comte Ory – excusez du peu ! De fait, ce jeune ténor originaire des Pouilles confère à ce Barbier une vraie touche d’italianité en composant un Almaviva tantôt attendrissant, tantôt horripilant mais jamais indifférent. L’exécution vocale de son rôle n’appelle que les compliments : dans sa sérénade « Se il mio nome saper voi bramate », il nuance l’émission du son avec une science consommée du chant legato tandis que dans les grands ensembles il assume aux points d’orgue des notes aiguës rigoureusement tenues. Avec sur le plateau un interprète aussi brillant, on s’interroge : pourquoi la cheffe n’a-t-elle pas rétabli au second acte l’aria « Cessa di più resistere » ?

Du personnage de Rosina, Mara Gaudenzi possède déjà tous les arcanes à force d’enchainer les productions du Barbier de Séville ! Rien qu’en 2023, elle a interprété le rôle à Turin, à Rovigo, à Ravenne et à Novara avant de le peaufiner à La Scala pour le Projet Académie et de le présenter enfin au public français à Tours ! De la pupille délurée de Bartolo, la jeune mezzo originaire de Cattolica, en Émilie-Romagne, possède en effet l’air mutin, l’aisance des déplacements scéniques et, d’abord, une voix ample au timbre pulpeux, aux graves sonores et aux aigus tranchants. Très attendu, le rondo « Una voce poco fa » est délivré de manière un peu trop sage avant que la voix ne se libère entièrement à partir du duo avec Figaro « Dunque io son ». Dès lors, Mara Gaudenzi prend un plaisir évident à interpréter le bel canto rossinien, et notamment la leçon de musique « Contro un cor che accende amor » au cours de laquelle elle vocalise avec aplomb et enchaine les roulades sans jamais déroger au bon goût.

La basse chinoise Huanhong Livio Li complète le quatuor de jeunes voix qui ont toutes déjà chanté ensemble le Barbier sous la direction d’Evelino Pidò en septembre 2023 à l’académie de la Scala. Il est difficile de dire ce qui impressionne le plus chez cet artiste hors-norme de sa stature de géant ou de son timbre de basse suffisamment agile pour électriser son interprétation de l’air de la calomnie. Si le comédien est encore un peu emprunté, le chanteur, lui, est incontestablement en pleine maîtrise de son art ! Au deuxième acte, lorsqu’Almaviva fait remarquer à ce Basilio d’exception qu’il est « giallo come un morto », un éclat de rire général parcourt la salle mais ce sont bien par des applaudissements nourris que le public tourangeau ovationne Huanhong Livio Li au rideau final.

Dans ce casting international composé essentiellement d’artistes italiens ou asiatiques, Franck Leguérinel paraîtrait presqu’exotique s’il n’avait tant à apporter au personnage buffa du Docteur Bartolo qu’il n’avait pas réabordé sur scène depuis près d’une dizaine d’années ! Sensiblement plus âgé que ses partenaires, le baryton français est pourtant celui qui manifeste la jubilation la plus enfantine à être sur le plateau, faire le clown (quelle trouvaille que ce costume de bain rayé pour interpréter « A un dottor della mia sorte » !) et chanter Rossini comme s’il s’agissait d’un élixir d’éternelle jouvence. Les années passant, le brillant de la voix s’est émoussé et la virtuosité des vocalises de son aria (les plus périlleuses de toute la partition du Barbier) n’est plus exactement métronomique mais Franck Leguérinel demeure un immense titulaire du rôle de Bartolo auquel il prête sa gouaille, son humour pince-sans-rire et un sens de l’absurde qui fait toujours mouche.

Parmi les personnages de second plan, on retiendra encore celui de Berta dont la mise en scène fait une amie de Rosina plutôt que la vieille servante de Bartolo. La jeune soprano pisane Greta Doveri lui prête un timbre opulent dont les aigus faciles et sonores ponctuent les points d’orgue du final du premier acte. La chanteuse ne fait par ailleurs qu’une bouchée de son aria di sorbetto « Il vecchiotto cerca moglie » qu’elle interprète avec allant et un souffle rigoureusement contrôlé. Giuseppe De Luca est en revanche un Fiorello trop effacé : si le timbre est séduisant, la projection de ce jeune chanteur milanais manque encore trop d’aplomb pour lui permettre d’envisager des rôles vocalement plus exposés. On ne dira pas la même chose de Yaxiang Lu, issu du Chœur de l’Opéra de Tours, dont les répliques martiales de l’officier, dans le final du premier acte, sont délivrées avec autorité. Si la partition du Barbier de Séville ne nécessite pas de choristes féminines, les pupitres masculins du chœur sont, eux, davantage sollicités : que ce soit pour donner l’aubade à Rosina ou pour déloger Almaviva de chez Bartolo, ils sont rigoureusement en place et participent de l’énergie de ces moments de la partition où Rossini démontre son talent à composer des crescendi enflammés.

En fosse, l’Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire / Tours confié à la baguette de Clelia Cafiero est lui aussi un des protagonistes du succès de cette soirée. Dès l’ouverture jouée sans précipitation et préservée de ce tic qui consiste à brusquer les tempi pour créer l’illusion de la folie rossinienne, il apparaît que les musiciens ont minutieusement travaillé la partition avec une cheffe qui a su leur transmettre l’exigence de la rythmique et le goût du beau son. De ses nombreuses années passées comme pianiste d’orchestre à la Scala, Clelia Cafiero a effectivement conservé le souci du détail et une discipline musicale qui l’ont rendue économe de ses gestes lorsqu’elle est au podium du chef. Qu’il s’agisse des passages symphoniques (l’ouverture et l’orage) comme de l’accompagnement des airs solos ou des ensembles, la jeune cheffe italienne bat la mesure à moindres gestes mais obtient de tous les pupitres des trésors d’harmonie : vents et cuivres – très sollicités par l’écriture rossinienne – sont précis et rutilants comme ils doivent l’être tandis que les cordes aux attaques précises glissent sous les voix des chanteurs un tapis musical chamarré.

Au piano forte, Franck Villard ne se contente pas de plaquer des accords insipides mais fait réellement vivre les longs récitatifs si caractéristiques du début de l’ottocento. Pour accompagner la sérénade d’Almaviva, un guitariste monté sur le plateau fait lui aussi merveille : l’hispanité de la mélodie composée par Rossini n’a jamais paru aussi idiomatique que sous ses doigts.

Au terme du spectacle, le public manifeste à son orchestre et à la troupe des chanteurs un enthousiasme bruyant et sincère qui dure de longues minutes et offre aux artistes l’opportunité de saluer longuement, leurs visages illuminés de gratitude. Si quelques élus de la Mairie ou de la Région Centre-Val de Loire étaient présents dans la salle, ils ont pu voir à quel point étaient solides les liens d’affection des Tourangeaux pour « leur » orchestre. Il y par conséquent urgence à le pérenniser et à sauver le spectacle lyrique au cœur du territoire national français.

Les artistes

Le comte d’Almaviva :   Pierluigi D’Aloia
Bartolo :   Franck Leguérinel
Rosina :     Mara Gaudenzi
Figaro :   Sung-Hwan Damien Park
Basilio :   Huanhong Livio Li
Berta :   Greta Doveri
Fiorello :   Giuseppe De Luca
Ambrogio :     Cédric Le Stunff
Un officier :     Yaxiang Lu
Un notaire :     Jean-Marc Bertre
Un figurant :     Arthur Campardon

Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire / Tours, Chœur de l’Opéra de Tours, dir.     Clelia Cafiero

Mise en scène, costumes, scénographie :   Émilie Delbée assistée d’Arthur Campardon pour la mise en scène et de Hernán Penuela à la scénographie
Lumières :   Elliott Ganga
Chef de Chant et piano forte :     Franck Villard
Chef de Chœur :     David Jackson

Le programme

Il barbiere di Siviglia

Opéra-bouffe de Gioachino Rossini, livret de Cesare Sterbini d’après Le Barbier de Séville de Beaumarchais.Créé le 20 février 1816 au Teatro Argentina, à Rome.

Grand Théâtre de Tours, vendredi 6 octobre 2023 – 20h00