Pulcinella se met à l’Heure espagnole à l’Opéra Comique !
Étonnante soirée que cette première à l’Opéra Comique ce 9 mars. Deux œuvres courtes au programme. Pulcinella, de la période néo-classique d’Igor Stravinsky, créé à Paris en 1920, ballet chanté en russe enfin dans sa version complète ; et L’Heure espagnole de Maurice Ravel, créé à l’Opéra Comique en 1911, mis en scène par Guillaume Galienne.
Il faut avouer une légère déception à la fin de Pulcinella. Le petit décor, noyé dans l’espace scénique tentant d’imiter tristement les compositions d’Escher ou de Picasso, est servi par des éclairages qui semblent sortis des années 80 ; nostalgie peut être ? Les costumes, en revanche, sont originaux et plutôt réussis, et transforment les protagonistes en titis parisiens mauvais garçons des années 50.
Les trois chanteurs qui font partie de la troupe sont tous honorables mais ne savent pas très bien où se placer face à une mise en scène inexistante. Camille Chopin, soprano, membre du quatuor vocal Aesthesis, a déjà chanté Barberine et Suzanne dans les Noces de Figaro. Abel Zamora, ténor, membre lui aussi du même quatuor, est spécialisé dans le baroque et les rôles mozartiens. François Lis, basse, se produit sur les grandes scènes de France et d’Europe.
Les danseurs (- prime à Oscar Salomonsson, danseur principal au Royal Swedish Ballet à Stockholm, en Polichinelle bondissant), tous excellents, sont mal servis par une chorégraphie ennuyeuse, mais là encore peut-être est-ce un parti pris.
Reste la musique avec dans la fosse un orchestre des Champs-Elysées plutôt terne dirigé par Louis Langrée. Les pupitres de vents, essentiels chez Stravinsky, sont un peu dépassés par une partition qu’ils ne maîtrisent pas parfaitement. Dès les premières notes le tempo surprend par sa vitesse, puis est suivi de ruptures étranges.
L’Heure espagnole est portée par Stéphanie d’Oustrac en Concepción, la femme de l’horloger Torquemada, rôle qu’elle connaît bien, et par Jean-Sébastien Bou en Ramiro le muletier, venu faire réparer sa montre, et qui finira par obtenir ses faveurs. Ils incarnent à merveille leurs personnages et maîtrisent toutes les nuances de l’œuvre, font preuve d’une diction et d’un jeu de scène parfaits, et jouent avec la salle; le public ne s’y trompe pas au moment des saluts. Face à eux, deux soupirants qui se cachent dans deux horloges noyées dans un décor trop petit, pour finir sur le devant de la scène : la basse Nicolas Cavalier dans le rôle du banquier, le ténor Benoît Rameau dans celui du poète, tous deux habitués des scènes internationales. Une mention aussi pour Philippe Talbot dans le rôle inhabituel de Torquemada. Tous sont excellents dans cette mise en scène sobre et efficace. Le décor, simple, reprend des éléments de Pulcinella, mais permet un jeu de scène adapté à ce vaudeville étonnant et peu joué. Louis Langrée fait merveille et nous permet de redécouvrir les richesses et les subtilités de la partition de Ravel. Succès mérité pour tous lors des saluts.
Au final, une belle soirée, mais sans le grain de folie ou l’audace parfois nécessaires, surtout dans ces œuvres.
Orchestre des Champs-Élysées, dir. Louis Langrée
Mise en scène : Guillaume Gallienne
Cheffe de chant : Marine Thoreau La Salle
Dramaturge et collaboratrice artistique à la mise en scène : Marie Lambert-Le Bihan
Chorégraphie : Clairemarie Osta
Décors : Sylvie Olivé
Costumes : Olivier Bériot
Lumières : John Torres
Pianiste (répétitions danseurs) : Clément Rataud
Assistant musical (Pulcinella) : Sammy El Ghadab*
Assistante musicale (L’Heure espagnole) : Guillemette Daboval*
Assistante chorégraphie : Laure Muret
Assistante décors : Coralie Lèguevaque
Assistant costumes : Jérémy Bauchet
Stagiaire mise en scène : Barthélémy Fortier*
Pulcinella :
Pulcinella : Oscar Salomonsson
La fiancée : Alice Renavand, Danseuse Étoile de l’Opéra de Paris
Un homme : Iván Delgado
Une femme : Manon Dubourdeaux
Une femme : Anna Guillermin
Un homme : Stoyan Zmarzlik
Soprano : Camille Chopin*
Ténor : Abel Zamora*
Basse : François Lis
*Solistes de l’Académie de l’Opéra-Comique
L’Heure espagnole
Concepción : Stéphanie d’Oustrac
Gonzalve : Benoît Rameau
Torquemada : Philippe Talbot
Ramiro : Jean-Sébastien Bou
Don Iñigo Gomez : Nicolas Cavallier
Concepción : Marion Vergez-Pascal* (doublure)
*Soliste de l’Académie de l’Opéra-Comique
Pulcinella
Ballet avec chant en un acte d’Igor Stravinsky, musique d’après Pergolèse, créé à l’Opéra de Paris le 15 mai 1920.
L’Heure espagnole
Comédie musicale en un acte de Maurice Ravel, livret de Franc-Nohain, créée à l’Opéra-Comique le 19 mai 1911.
Paris, Opéra Comique, représentation du samedi 9 mars 2024.