Un très beau Don Pasquale illumine l’hiver du Maggio Musicale Fiorentino
Le Teatro du Maggio Musicale Fiorentino propose une reprise de l’excellent Don Pasquale du regretté Jonathan Miller, avec une distribution de premier choix et une direction remarquable de Daniele Gatti.
Le Maggio Musicale Fiorentino, bien que temporairement sans surintendant, sans commissaire et avec de nombreux nuages à l’horizon, démontre qu’il est néanmoins capable d’offrir au public des spectacles de très haute qualité. C’est le cas de Don Pasquale de Gaetano Donizetti qui a débuté vendredi 15 mars et restera sur scène jusqu’au 24 (encore trois représentations : deux avec la principale compagnie de chant, mardi 19 et dimanche 24, et une avec les élèves de l’Accademia del Maggio Musicale Fiorentino, le samedi 23). Une reprise opportune d’un spectacle désormais historique, créé pour le Maggio Musicale en 2001 par le regretté Jonathan Miller et qui sera donnée avec succès à la Scala, au Royal Albert Hall de Londres et à l’Opéra de Bilbao.
À Florence, ce spectacle n’avait été repris qu’une seule fois, en 2011. Heureusement, l’ex-commissaire Onofrio Cutaia et les membres du bureau de direction artistique ont eu l’idée, il y a quelques mois, de le proposer de nouveau, comme unique opéra de l’hiver 2024, en confiant la direction à Daniele Gatti (directeur principal pour quelques mois encore), qui, intrigué par un titre qu’il n’avait jamais dirigé, a accepté.
Malgré ses difficultés actuelles, le théâtre a réussi à établir une distribution très respectable, avec certains des meilleurs chanteurs que l’on puisse rassembler aujourd’hui au niveau international pour ce type d’opéra : Sara Blanch, dont on avait déjà remarqué la verve comique dès sa première apparition à Florence, dans le rare Lo sposo di tre e marito di nessuna de Cherubini, est une Norina très concentrée tant du point de vue vocal que du jeu d’acteur ; le « buffo » Marco Filippo Romano nous fait percevoir toutes les nuances, même les plus tristes, du personnage de Don Pasquale ; le tenore di grazia Yijie Shi dessine un Ernesto très réussi, avec des notes aiguës faciles et des accents émouvants ; l’excellente interprétation de “Sogno soave e casto”, au premier acte, a reçu une véritable ovation, suscitant l’enthousiasme passionné et tonitruant des nombreux jeunes compatriotes présents dans la salle; par choix il chante peu en Europe – on l’a apprécié justement à Florence, il y a une dizaine d’années, dans un Falstaff (Mehta-Ronconi), et au Festival Rossini de Pesaro ; mais en Chine c’est une véritable star. Le talent comique de Markus Werba est bien connu ; le rôle du docteur Malatesta semble fait sur mesure pour lui.
La belle distribution n’aurait cependant pas suffi à assurer le succès total du spectacle, s’il n’y avait pas eu la direction extraordinaire de Daniele Gatti à la tête de l’Orchestre et du Chœur du Maggio. Il a fouillé la partition à la recherche de toutes les nuances – ce n’est pas seulement un opéra léger, il a été écrit par un Donizetti très mûr ; la mélancolie et le désenchantement se cachent derrière la façade comique, la partition reflète ces facettes, et l’orchestration dense donne du poids à une histoire dans laquelle on rit de bon cœur et avecfacilité (le livret est un chef-d’œuvre d’esprit), mais qui laisse souvent aussi un arrière-goût un peu amer.
Daniele Gatti a captivé le public dès les premières mesures, aidé par une mise en scène extrêmement respectueuse de la musique qui, comme nous c’est malheureusement de moins en mois soucvent le cas, préserve l’immobilité de la scène en maintenant le rideau fermé pendant l’ouverture, nous permettant de percevoir la pureté et la douceur du son, derrière lesquelles on apprécie le grand soin apporté à la préparation des masses musicales. Les premiers tonnerres d’applaudissements ont été destinés justement au directeur et à l’Orchestre du Maggio (dans lequel il faut au moins mentionner le violoncelle de Simão Pedro Alcoforado Barreira et la trompette de Claudio Quintavalla) et, lorsque le rideau s’est ouvert sur la désormais célèbre « maison de poupées » (conçue, tout comme les magnifiques costumes, par Isabella Bywater), avec trois étages de pièces vues en coupe verticale où toute l’action se déroule, le public était déjà bien préparé et en phase avec la scène.
Voilà un spectacle où tout fonctionne, sans aucun moment de relâchement de l’attention pour le spectateur. Entre scènes méditatives et scènes à la verve insouciante, le tout bien soutenu par la direction orchestrale et par une direction qui sait ne rien laisser vide sans jamais surcharger, le public apprécie la performance presque parfaite, rit des plaisanteries et des gestes des interprètes, comiques, mais jamais exagérés et vulgaires, et ne lésine pas sur les applaudissements, même lorsque la scène est ouverte. Une belle soirée, de “vrai théâtre” !
Don Pasquale : Marco Filippo Romano
Dottor Malatesta : Markus Werba
Ernesto : Yijie Shi
Norina : Sara Blanch
Un notaire : Oronzo D’Urso
Trois solistes : Valeria Matrosova, Massimiliano Esposito, Carlo Cigni
Orchestre et chœur du Maggio Musicale Fiorentino, dir. Daniele Gatti
Chef de chœur : Lorenzo Fratini
Mise en scène : Jonathan Miller, reprise par Stefania Grazioli
Décors et costumes : Isabella Bywater
Lumières : Jvan Morandi
Réalisation des lumières : Emanuele Agliati
Don Pasquale
Dramma buffo en trois actes de Gaetano Donizetti, livret de Giovanni Ruffini, créé au Théâtre-Italien de Paris le 3 janvier 1843.
Florence, Teatro Maggio Musicale Fiorentino, représentation du vendredi 15 mars 2024.