Une TOSCA nantaise moderne et dépouillée
Tosca est un des opéras les plus joués au monde[1]. Ces derniers mois, trois visions françaises en étaient proposées aux publics avignonnais puis dijonnais et en ce moment par Angers-Nantes Opéra[2], dans une version co-produite en 2022 avec l’Opéra National de Lorraine, celui de Rennes et celui de Toulon.
Ce qui surprend d’abord, c’est ce plateau nu, blanc, occupé au premier acte par un échafaudage tournant, au second par une seule grande table à nappe blanche et qui voit, au troisième, les murs se resserrer en prison étouffante. La scénogaphie d’Andrea Belli permet de subtils jeux de lumières dus à Fiametta Baldisserri, en nous propulsant à des années lumières des ors baroques de Sant’Andrea della Valle comme des somptueuses fresques du Palais Farnèse. Les costumes de Valeria Donata Bettella placent l’action dans un moment contemporain indéterminé où le sacristain en complet veston interroge, alors que la voix de Marc Scoffoni convainc.
La mise en scène de Silvia Paoli est simple, efficace, axée sur les corps – amoureux, passionnés, violentés. Elle créé quelques fortes images, comme la joie des enfants de chœur à l’annonce de la défaite de Bonaparte, le Te Deum transformé en crucifixion baroque, le Vissi d’arte de Tosca enfermée dans un seul halo de lumière, son combat avec Scarpia, dont les sbires, tout en noir, semblent des araignées prêtes à attraper les victimes dans une implacable toile invisible. Et le prélude orchestral du troisième acte surprend par l’arrivée hiératique de personnages statufiés qui s’effondrent en tas de corps mortifiés, avant d’être remplacés par un amas de squelettes. Toujours, le théâtre repose sur quelques images fortes : Silvia Paoli le sait et réussi à nous frapper[1].
https://youtu.be/fJkzA9bFBVc
Alors ? Ce qui déçoit dans cette Tosca, c’est avant tout l’orchestre dont la texture manque de trame, d’épaisseur, voire de justesse. Les passages lyriques, les forte, ne sauraient cacher un manque de cohésion dans les moments plus délicats et subtils. Des solistes, seule la clarinette de Sabrina Moulai, introduisant le célébrissime « Lucevan le stelle » de Mario, distilla le moment le plus poétique de la soirée.
Pour autant, la direction attentive, fluide, et efficace de Clelia Cafiero n’est pas en cause, bien au contraire. Car le geste et les intentions de la cheffe font entendre, mais souvent en filigrane, une vraie conception lyrique et personnelle. Son attention de tous les instants aux chanteurs leur assure une sécurité totale.
La soprano Izabela Matula incarne une belle Tosca, en lionne amoureuse, aux aigus incisifs, au Vissi d’arte plus musical que touchant. Le Mario Cavaradossi d’Andeka Gorrotxategi en impose lui aussi par sa puissance vocale, ses forte impressionnants mais par trop démonstratifs. C’est pourtant le chanteur qui, par moment, arrive à faire naitre une émotion – ce qui a d’ailleurs le plus manqué à cette production de Tosca, dans laquelle le Scarpia du baryton Stefano Meo impose sa présence et sa carrure plus encore que son incarnation vocale, pour laquelle on attend davantage de noirceur en écho du personnage pervers dessiné par Silvia Paoli. Alors que le petit pâtre ouvrant le dernier acte est attribué non à un enfant mais à une soprano chantant dans la fosse, paradoxalement, c’est le court rôle d’Angelotti, chanté par Jean-Vincent Blot, qui marque le plus cette distribution. Profondeur de la voix, musicalité, présence scénique, tout donne envie de l’entendre en Scarpia.
Le public nantais a réservé un long triomphe à cette Tosca moderne et dépouillée.
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[1] Tout sur Tosca via le dossier de Première Loge.
[2] Après Angers, les 5 et 7 mai, avant Rennes, du 6 au 13 juin, Nantes propose donc, dans deux distributions différentes, quatre représentations jusqu’au 29 mai , avant que la soirée du 8 juin ne soit retransmise sur écran géant dans 25 villes de la région Pays de Loire, et en simultané sur les télévisions locales, France Musique et France Bleue Loire Océan. Toutes les informations se trouvent sur https://www.angers-nantes-opera.com/opera-sur-ecrans-tosca
Tosca: Izabela Matula :
Mario Cavaradossi: – Andeka Gorrotxategi
Scarpia : Stefano Meo
Le Sacristain : Marc Scoffoni
Cesare Angelotti : Marc Larcher
Spoletta : Jean-Vincent Blot
Sciarrone : Pierrick Boisseau
Le Pâtre : Hélène Lecourt
Chœur d’Angers Nantes Opéra, Orchestre National des Pays de la Loire, dir. Clelia Cafiero
Mise en scène : Silvia Paoli
Scénographie : Andrea Belli
Costumes : Valeria Donata Bettella
Lumières : Fiammetta Baldiserri
Tosca
Opéra en trois actes de Giacomo Puccini, livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d’après la pièce de Victorien Sardou, créé au Teatro Constanzi à Rome le 14 janvier 1900.
Théâtre Graslin (Nantes), représentation du 23 mai 2024.