N.B. : les photos sont celles de la production 2021 et non du spectacle d’Avignon 2024.
Jean-François Novelli s’était prêté à une interview de Première Loge Opéra en mai 2023. Il y présentait Ma vie de ténor, qu’il met au point depuis plusieurs années : créé en 2020 dans le cadre du Festival baroque de Pontoise, le spectacle a déjà été proposé au Festival d’Avignon au cours de l’été 2023.
Comme le chanteur l’explique dans son interview, il s’agit d’un spectacle 2/3 parlé 1/3 chanté, un exercice que Jean-François Novelli maîtrise parfaitement. Son interprétation en tant que comédien est fluide, subtile et drôle. Et les intermèdes musicaux sont de haute qualité, illustrant parfaitement le répertoire de prédilection de l’artiste, de « Tendres souhaits » d’Antoine Albanèse au suave « À la voix d’un amant fidèle » (La Jolie Fille de Perth de Bizet) en passant par la « Romance à la lune » de Hyacinte Jadin, « Le Lac » de Niedermeyer, « Jeune beauté » de Sophie Gail, La Dame de pique, ou Le Barbier de Séville.
Et aussi, en mode beaucoup plus burlesque, des chansons napolitaines dont certaines sonnent comme un hommage à Tino Rossi (« Santa Lucia », « Catari catari » !), une reprise du « Se il mio nome » d’Almaviva entre Dean Martin et Freddy Mercury (très réussie !!)… et un petit plaisir personnel avec le « Money money money » d’Abba.
Le spectacle, mis en scène par Olivier Broche, prend place dans un dispositif scénique simple et élégant (Kenza Berrada), et bénéficie de la complicité, au piano, d’Ayaka Niwano (plus à l’aise cependant en tant qu’accompagnatrice qu’en tant que comédienne). Il se base sur la 6e Soirée de l’orchestre de Berlioz dont il reprend de très larges passages intégraux. Le texte décrit la trajectoire héliaque d’un ténor caricatural, sous la forme d’une charge féroce contre les chanteurs à l’égo et au pouvoir démesurés. C’est une idée plus qu’intéressante de transformer le texte en fausse autobiographie (même si l’introduction du spectacle à la flûte à bec fait écho à la formation initiale de l’artiste), et d’en faire un cadre pour les très beaux moments musicaux choisis par Jean-François Novelli.
Les mentions à Berlioz sont discrètes (titre du spectacle, accompagnement au piano citant l’« idée fixe » de La Symphonie Fantastique ou des échos de la « Grande Fête chez Capulet » de Roméo et Juliette, mais le décalage entre l’écriture berliozienne et les ajouts contemporains dessert parfois quelque peu l’unité du spectacle…
Un spectacle hybride, proposant un entre-deux assumé – qui tout à la fois fait son originalité mais déroute aussi sans doute certains spectateurs –, à recommander tout à la fois aux amateurs d’humour subtil et de propositions musicales pointues, bien loin de certaines parodies grossières (auxquelles certains s’attendaient peut-être ?…), et servi par un artiste qui se révèle être bien plus qu’un excellent ténor !
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Jusqu’au 21 juillet – Festival off d’Avignon 2024 – THEATRE DE LA PORTE SAINT-MICHEL, 14h.
Jean-François Novelli, ténor
Ayaka Niwano : Igore, pianiste
Olivier Broche : metteur en scène
Kenza Berrada : collaboratrice, scénographe et costumes
Annabelle Stefani : collaboratrice
Emmanuelle Phelippeau-Viallard : créatrice lumière et régisseuse
Ma vie de ténor
Festival d’Avignon, Théâtre de la Porte Saint-Martin, représentation du mardi 9 juillet 2024.