Un spectacle sobre, soigné, qui nous paraît parfaitement adapté pour faire découvrir l’œuvre aux néophytes.
Pour cette année du centenaire Puccini, le Festival de Torre del Lago se devait de bien faire les choses. Le fait est que plusieurs aménagements ont été effectués depuis l’édition 2023, certains purent décoratifs (des paroles extraites d’œuvres de Puccini apparaissent en lettres lumineuses dans la rue conduisant au théâtre de plein air, rappelant le dispositif mis en œuvre chaque année dans les rues de Parme pour le festival Verdi), d’autres nettement plus importants, tel le nouvel – et très réussi – aménagement de la place donnant sur le lac Massaciuccoli, dorénavant débarrassée des parkings et autres boutiques à touristes, et au milieu de laquelle trône la statue du musicien, dorénavant placée juste devant la villa Puccini.
© Première Loge
Le programme 2025 est également on ne peut plus séduisant, avec pas moins de sept opéras, dont Edgar, Le Villi et Manon Lescaut, trois œuvres qu’on a très rarement l’occasion d’entendre en France – c’est particulièrement étonnant est incompréhensible pour un chef-d’œuvre tel Manon Lescaut ! Enfin, certains grands noms du lyrique ont été invités cette année : Lidia Fridman (la récente Amelia de Muti à Turin) en Anna et Fidelia, Dalibor Jenis en Scarpia, Anna Pirozzi en Turandot, Daniele Callegari ou Renato Palumbo à la baguette, Pier Luigi Pizzi à la mise en scène.
Première Loge a pu assister à trois de ces sept spectacles ; La bohème, Tosca et Turandot.
L’an dernier, le metteur en scène Christophe Gayral avait choisi de transposer (très sagement…) l’action de La bohème en mai 68, ce qui avait attiré la colère du chef Alberto Veronesi qui avait choisi de diriger les yeux bandés pour ne pas être confronté visuellement à tant d’ “horreurs” – ce qui avait suscité de nombreux lazzi chez les spectateurs ! Cet été, le Festival a passé commande d’une nouvelle production à Massimo Gasparon : aucun risque, cette fois-ci, d’encourir les foudres de celles et ceux qui ne supportent pas le moindre pas de côté par rapport à ce que dit le livret : nous sommes bien à Paris, en 1830, dans une mansarde, au café Momus puis à la Barrière d’Enfer. Rien ne manque : ni les bougies du premier tableau, ni le manchon, ni le bonnet rose de Mimi – et les costumes sont parfaitement fidèles aux costumes que portaient Parisiennes et Parisiens en ce début de XIXe siècle. On cherchera en vain une lecture (encore moins une relecture) dans cette mise en scène – qui est avant tout une mise en images fidèle du livret. Mais on reconnaîtra l’efficacité du dispositif scénique, très sobre (un décor central pivotant permettant de beaux changements à vue, tel celui servant de transition entre les deux premiers tableaux), que viennent rehausser d’élégantes projections figurant des vues du Paris de l’époque.
© Julien Michot / Première Loge
La direction d’acteurs reste conventionnelle et attendue mais n’empêche pas l’émotion de surgir aux moments les plus poignants, d’autant que la (jeune) distribution réunie pour l’occasion se montre parfaitement crédible, tant scéniquement que vocalement.
Sara Cortolezzis est une belle Musette, tour à tour mutine et émouvante, très assurée vocalement, terminant sa célèbre valse par un joli diminuendo. Ivan Ayon-Rivas, récemment applaudi à Venise en Faust ou Hoffmann, possède l’exact format vocal de Rodolphe (même si le stress empêche le contre-ut de la « gelida manina » de se déployer avec l’aisance que manifeste habituellement le ténor dans le registre aigu), et campe un poète juste et touchant. Carolina Lopez-Moreno (Mimi) joue quant à elle la carte de la douceur et privilégie la tendresse aux éclats dramatiques, même lorsqu’elle supplie Marcello de lui venir en aide au troisième tableau. Une conception du rôle qui se justifie pleinement et qui vaut en tout cas à la chanteuse un beau succès personnel.
L’équipe des seconds rôles se révèle impeccable, avec notamment un Marcello (Alessandro Luongo) très crédible et un Colline (Adolfo Corrado) émouvant dans l’adieu à son manteau.
Michelangelo Mazza dirige avec goût l’orchestre du Festival – sur lequel il est cependant difficile de nous prononcer, le son des instruments nous étant parvenu ce soir-là très mat et comme étouffé : peut-être y a-t-il eu un problème dans le réglage de la sonorisation ? Le son nous a paru en tout cas nettement meilleur et beaucoup plus naturel lors de la soirée de Tosca (le lendemain) et de Turandot (le surlendemain)…
Un spectacle sobre, soigné, qui, dans tous les cas, nous paraît parfaitement adapté pour faire découvrir l’œuvre aux néophytes !
Mimì : Carolina López Moreno
Musetta : Sara Cortolezzis
Rodolfo : Iván Ayón Rivas
Marcello : Alessandro Luongo
Schaunard : Gianluca Failla
Colline : Adolfo Corrado
Benoit : Stefano Marchisio
Alcindoro : Italo Proferisce
Parpignol : Saverio Pugliese
Sergente dei Doganieri : Italo Proferisce
Un Doganiere : Alessandro Ceccarini
ORCHESTRA E CORO DEL FESTIVAL PUCCINI, dir. Michelangelo Mazza
Maestro del Coro : Roberto Ardigò
Coro delle Voci Bianche del Festival Puccini, dir. Viviana Apicella
Mise en scène, décors, costumes et lumières : Massimo Gasparon
Chorégraphie : Gheorghe Iancu
Video : Matteo Letizi
La bohème
Opéra en quatre tableaux de Giacomo Puccini, livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa d’après le roman de Henri Murger Scènes de la vie de bohème, créé le 1er février 1896 au Teatro Regio de Turin.
Festival de Torre del Lago, représentation du jeudi 08 août 2024