Nouvelle distribution de Madama Butterfly à l’Opéra Bastille : la première Cio-Cio-San parisienne d’Elena Stikhina
Madama Butterfly, Opéra Bastille, 16 octobre 2024
Il est des œuvres bénies des dieux. Le public accourt sans réserve et elles font toujours salle comble. C’est le cas de Madama Butterfly, qu’elle soit présentée dans une mise en scène prestigieuse comme, ce soir, dans la production de l’Opéra Bastille, signée par Robert Wilson, ou dans une enveloppe plus modeste. Le contraste est saisissant, ces jours-ci, lorsqu’on compare avec l’affluence pour un titre tout aussi célèbre, le Faust de Gounod, affichant, qui plus est, une distribution de rêve, devant un auditoire, sinon clairsemé, du moins loin d’être pléthorique. Incompréhensible !!! La durée, peut-être…
Ayant déjà rendu compte de la première de cette reprise historique, nous souhaitons y revenir pour la première Cio-Cio-San parisienne d’Elena Stikhina, le restant des interprètes n’ayant pas changé. Et cela en vaut bien le détour.
Si nos informations sont exactes, la soprano russe n’a incarné la jeune geisha que pour une seule série de représentations, à Amsterdam, au printemps 2019. Il est alors frappant de constater comment son incarnation est déjà si accomplie. Très mélodieuse, comme elle se doit, son apparition tout en douceur revêt de toute sa fragilité un personnage qui n’attend qu’à s’éclore. Fort mesurée, presque châtiée, tout au long du premier acte, son incarnation prend vite son envol dans le duo avec le Pinkerton quelque peu engorgé de Stefan Pop : une articulation légendaire est alors relayée par l’envergure du portamento, dans une quête d’amour se déployant sur le souffle. La réserve initiale cède ainsi le pas à l’émotion de la femme aimante.
Hiératique, comme le veut la mise en scène, l’air de l’attente, à l’acte II, se singularise par l’excellente maîtrise de la ligne et par un legato prodigieux, de même que par la justesse du recours au haut du registre, jamais brimé, jamais abusif. Bouleversante lorsqu’elle découvre la trahison, cette Butterfly se distingue aussi par la variété des couleurs qui viennent enrichir les modulations du déchirement d’une mère s’acheminant vers son sacrifice, dans un présage de mort. Dans le duo avec la Suzuki d’Aude Extrémo, en évidente progression depuis le soir de la première, la netteté de la projection se double d’un phrasé opulent, les deux voix se conjuguant dans un unisson extraordinairement séduisant.
Sculpté à l’extrême, le cri de l’abandon dernier ne résonne plus, désormais, que comme un coup de ciseau sur une pierre tombale. En cela elle est généreusement secondée par la direction très analytique de Speranza Scappucci. Tonnerre d’applaudissements au rideau final.
Madama Butterfly (Cio-Cio-San) : Elena Stikhina
Suzuki : Aude Extrémo
Kate Pinkerton : Sofia Anisimova
B.F. Pinkerton : Stefan Pop
Sharpless : Christopher Maltman
Goro : Carlo Bosi
Il principe Yamadori : Andres Cascante
Lo zio Bonzo : Vartan Gabrielian
Yakusidé : Young-Woo Kim
Il commissario imperiale : Bernard Arrieta
L’ufficiale del registro : Hyunsik Zee
La madre di (Cio-Cio-San) : Marianne Chandelier
La zia : Liliana Faraon
La cugina : Stéphanie Loris
Orchestre de l’Opéra national de Paris, dir. Speranza Scappucci
Chœurs de l’Opéra national de Paris, dir. Alessandro Di Stefano
Mise en scène, décors et lumières : Robert Wilson
Costumes : Frida Parmeggiani
Lumières : Heinrich Brunke
Chorégraphie : Suzushi Hanayagi
Dramaturgie : Holm Keller
Madama Butterfly
Tragedia giapponese en trois actes de Giacomo Puccini, livret Giuseppe Giacosa et Luigi Illica, créé au Teatro alla Scala de Milan le 17 février 1904 (version remaniée : Teatro Grande de Brescia, le 28 mai 1904).
Opéra national de Paris Bastille, représentation du mercredi 16 octobre 2024.