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La SAINT JEAN au TCE. Au commencement était la danse…

par Romaric HUBERT 6 novembre 2024
par Romaric HUBERT 6 novembre 2024
© Mirco Magliocca
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Au Théâtre des Champs-Élysées, la chorégraphe Sasha Waltz a choisi de revisiter la Passion selon Saint Jean de Jean-Sébastien Bach à travers une vision scénique intense et viscérale. Leonardo García-Alarcón, la Cappella Mediterranea, le Chœur de chambre de Namur et le Chœur de l’opéra de Dijon l’accompagnent dans cette mise en scène audacieuse où la danse devient langage du sacré.

De Passion de Pascal Dusapin en 2010 à cette Passion selon Saint Jean en passant par le Sacre du printemps en 2013, Sasha Waltz aura marqué le parcours de Michel Franck à la tête du Théâtre des Champs-Élysées. La chorégraphe allemande réussit encore une fois à toucher l’humain dans ce qu’il a de plus profond, quelle que soit sa culture ou sa croyance.

La Passion selon Saint Jean est l’un des récits les plus dramatiques de la tradition chrétienne, retraçant les dernières heures de la vie du Christ. Cette œuvre de Bach, composée il y a exactement 300 ans, est depuis longtemps associée à des formes de représentation sacrées et austères. Dans cette production, Sasha Waltz transgresse le cadre et fait dialoguer la danse et la musique du Cantor pour aller au-delà de la simple illustration du récit biblique. En s’appuyant sur le texte, mais sans en être prisonnière, elle ouvre des espaces de résonance émotionnelle. Le spectateur se trouve alors immergé dans une atmosphère presque mystique, où la souffrance, la transcendance et la rédemption s’incarnent non seulement dans les voix et les instruments, mais aussi dans les corps des danseurs. Le Verbe divin ne s’exprime alors plus par la parole mais par la danse devenue expression corporelle du sacré.

La chorégraphe fait de chaque tableau un moment de communion entre danseurs et musiciens, chacun participant au tissage d’une trame commune. Lors des arias, les corps se déploient en figures géométriques, presque rituelles, qui dessinent l’espace comme une immense toile vivante. Les danseurs ne se contentent pas de « représenter » ; ils deviennent eux-mêmes le tissu narratif, faisant de leurs mouvements des symboles d’émotions à vif. On ressent, dans la torsion des corps et les pauses dramatiques, l’urgence et la gravité du drame qui se joue. Les sauts, les chutes et les mouvements saccadés expriment avec une force brute la brutalité de la Passion du Christ. Waltz applique une lecture personnelle de la Passion, où la danse devient un acte herméneutique. Comme le Verbe, la danse, en tant que langage universel, relie le corps à l’esprit, l’intention à l’interprétation, abordant la création et la rédemption en un même geste artistique.

La scénographie minimaliste de Heike Schuppelius et les lumières à la fois extrêmes et épurées de David Finn renforcent l’aspect contemplatif et percutant de la mise en scène. Le décor, épuré à l’extrême, se compose d’éléments modulables qui se déplacent lentement, créant ainsi un espace constamment en transformation, comme un écho visuel aux métamorphoses de l’âme humaine dans la Passion. Les projections lumineuses, les jeux d’ombre et de miroirs construisent un espace visuel à la fois immatériel et profondément ancré dans le terrestre puisant ses sources  dans l’histoire de l’art et notamment dans le Retable d’Issenheim dont la vision a profondément marqué Sasha Waltz. Bernd Skodzig  signe plus que de simples costumes, véritables personnages du drame qui se joue. Les interventions sonores électroacoustiques de Diego Noguera transportent l’auditeur dans des contrées sonores surprenantes et déstabilisantes.

Le dispositif scénique permet une circulation libre entre les musiciens, les chanteurs et les danseurs, abolissant la frontière entre les disciplines. Au fur et à mesure, les artistes investissent l’espace, Les mouvements et déplacements évoquent alors des rituels sacrés où chaque geste a une signification propre, un réel poids symbolique.

Cette Passion selon saint Jean n’aurait pas eu la même intensité sans l’engagement total des interprètes. Les danseurs de la compagnie Sasha Waltz & Guests incarnent leurs rôles avec une énergie rare, se livrant totalement et littéralement au public. Leurs corps frémissent et vibrent traversés par les émotions qui se succèdent dans la musique de Bach : douleur, désespoir, mais aussi espoir et lumière.

Les chœurs et les solistes vocaux ne sont pas en reste. Le baryton-basse Christian Immler  qui connaît son Bach sur le bout des doigts incarne un Christ d’une profondeur qui touche directement au cœur, tandis que les arias interprétées par Sophie Junker, Mark Milhofer et Benno Schachtner avec une sensibilité et un investissement physiques flagrants se marient parfaitement à la gestuelle des danseurs. Georg Nigl  est un Pilate d’une humanité troublante. En Evangéliste, le ténor Valerio Contaldo navigue intelligemment entre rigueur baroque et expressivité moderne. À la tête d’une Cappella Mediterranea magnifique d’engagement et  d’expressivité, Leonardo García-Alarcón se montre précis et plus qu’inspiré, voire habité. Tout juste remarquons-nous un soupçon de maniérisme dans cette propension fort peu naturelle à faire tenir les nasales finales au(x) Chœur(s). Le Chœur de chambre de Namur et le Chœur de l’Opéra de Dijon s’affranchissent des contraintes gestuelles et scéniques avec une magnifique tenue vocale et une implication de tous les instants essentielles à la réussite musicale de cette soirée.

Sasha Waltz a réussi à proposer une Passion selon saint Jean où la danse devient un langage aussi fort que la musique. Sa chorégraphie puise dans la profondeur de l’œuvre de Bach pour en extraire une charge émotionnelle et symbolique inédite. En mêlant musique sacrée et danse contemporaine, elle dépasse les frontières entre les disciplines et offre aux spectateurs une expérience totale, sensorielle et spirituelle.

Les artistes

Leonardo García-Alarcón, direction
Sasha Waltz, mise en scène, chorégraphie
Bernd Skodzig, costumes
Heike Schuppelius, décors
David Finn, lumières
Diego Noguera, intervention sonore électroacoustique

Sophie Junker, soprano
Georg Nigl, baryton (Pilate)
Christian Immler, baryton-basse (Jésus)
Benno Schachtner, contre-ténor
Valerio Contaldo, ténor (L’Evangéliste)
Mark Milhofer, ténor
Estelle Lefort*, soprano (Ancilla)
Camille Hubert*, soprano
Logan Lopez Gonzalez*, contre-ténor
Augustin Laudet*, ténor (Servus)
Rafael Galaz Ramirez*, basse (Pierre)
* artiste lyrique du Chœur de chambre de Namur

Rosa Dicuonzo, Yuya Fujinami, Tian Gao, Eva Georgitsopoulou, Hwanhee Hwang, Annapaola Leso, Jaan Männima, Margaux Marielle-Tréhoüart, Virgis Puodziunas, Orlando Rodriguez, Joel Suárez Gómez, danseurs

Compagnie Sasha Waltz & Guests
Ensemble Cappella Mediterranea

Chœur de chambre de Namur, Chœur de l’Opéra de Dijon, direction Anass Ismat

Le programme

Jean-Sébastien Bach, Passion selon saint Jean

Théâtre des Champs-Elysées, concert du 4 novembre 2024

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Leonardo García AlarcónChristian ImmlerGeorg NiglSophie JunkerSasha Waltz
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Romaric HUBERT

Licencié en musicologie, Romaric Hubert a suivi des études d’orgue, de piano, de saxophone et de chant. Il a chanté dans plusieurs chœurs réputés, ou encore en tant que soliste. Il est titulaire d’une certification qualifiante professionnelle d’animateur radio délivrée par l’Institut National de l’Audiovisuel, et a fait ses premiers pas au micro sur France Musique. Il a fondé la compagnie Les Papillons Electriques avec sa complice Jeanne-Sarah Deledicq et est co-créateur du site Première loge.

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