Cyrille Dubois belcantiste : e perché no ? L’Instant lyrique à L’Eléphant Paname
Photo de Cyrille Dubois : © Philippe Delval
Cyrille Dubois est sur les tous les fronts en ce début de saison : après un Tamino (Marseille) et un Nadir (Liège) ayant remporté tous les suffrages, il vient de proposer un récital à l’Éléphant Paname, entre deux répétitions de Fortunio qu’il interprétera à l’Opéra-Comique à partir du 12 décembre.
Cyrille Dubois est surtout connu pour son excellente interprétation du répertoire français, dont témoigne sa riche discographie – en particulier les enregistrements réalisés pour le Palazzetto Bru Zane. On sait pourtant que son art est loin de se restreindre à ce seul domaine, et on garde un souvenir ébloui de son extraordinaire récital Franz Liszt donné il y a un peu moins d’un an au Musée de la Vie Romantique – un récital dont heureusement, le CD O, lieb ! très récemment paru chez Aparte Music, prolonge le souvenir). Cyrille Dubois y est accompagné par le pianiste Tristan Raës, également présent pour le récital de l’Eléphant Paname, et dont la complicité avec le ténor est évidente : plus qu’un accompagnement, Tristan Raës propose une véritable co-interprétation des oeuvres, en particulier dans les mélodies de Fauré ou les lieder de Liszt, dans lesquels le piano distille une poésie s’accordant idéalement au chant de du ténor français.
Pour son récital de l’Éléphant Paname, donné dans le cadre de la précieuse série « L’Instant Lyrique », Cyrille Dubois a justement choisi de mettre en valeur l’éclectisme de son répertoire et l’extrême variété de son talent. Le répertoire français est bien présent, avec quatre mélodies dans lesquelles le ténor dit autant la poésie de Verlaine qu’il chante la musique de Fauré. Le galbe parfait de la ligne de chant, le recours aux procédés techniques à des fins poétiques (l’émission piano et pleine de tendresse de la phase qui conclut En sourdine : « Le rossignol chantera », le délicat diminuendo sur « Tons et parfums » d’À Clymène), n’ont d’égal que le soin apporté à la diction, juste et précise sans être jamais maniérée.
Les Liszt offrent au chanteur la possibilité de confronter la douceur et la tendresse de l’émission à des épanchements plus dramatiques, eux aussi parfaitement maîtrisés malgré l’écriture vocale souvent très tendue. De l’ineffable tendresse de « O lieb » aux visions hallucinées du « Fischerknabe », le rendu du texte, la transmission de l’émotion propre à chaque pièce sont, là encore, souverains.
https://youtu.be/-U3Icem2jYI
Enfin, Cyrille Dubois propose une (longue) incursion dans le répertoire italien. En dépit de ses interprétations du comte du Barbier (au Théâtre des Champs-Élysées) et de Don Ramiro (à Lyon), c’est a priori un domaine où on ne l’attendait guère… Et pourtant, il interprète Donizetti, Bellini ou Rossini avec un tel plaisir, une telle gourmandise qu’on se dit qu’il n’est pas exclu de le retrouver tôt ou tard sur nos scènes dans ce répertoire. C’est en tout cas à souhaiter tant il s’y montre à l’aise. Pourrait-il interpréter les rôles d’Edgardo (Lucia) ou de Gualtiero (Il Pirata) dans leur intégralité ? Peut-être pas, ou du moins pas encore (question d’ampleur et de largeur du matériau vocal… Encore que la projection de la voix soit absolument excellente !) Mais quoi qu’il en soit, l’air final d’Edgardo est interprété avec classe et émotion, et l’air d’entrée du Pirate stupéfie par son aisance, avec des aigus et des suraigus à faire pâlir Michael Spyres ! L’aubade d’Almaviva ou l’air de Nemorino sont empreints de poésie, et l’air de Tonio (La Fille du régiment), donné en bis, plein de tendresse teintée de fierté. Cyrille Dubois y aligne les 9 contre-ut (et même 11 puisqu’il chante cette note sur les 3 syllabes « miliTAIre ET MAri » en conclusion de l’air) avec un humour et une assurance qui déchaînent les applaudissements du public.
On comprend la présence (enthousiaste) de Cyrille Dubois au concert donné la veille à la Philharmonie par Juan Diego Florez (qui s’illustre exactement dans ce répertoire et a déjà chanté absolument tous ces airs !), et on attend maintenant avec impatience qu’un théâtre offre au ténor français la possibilité d’interpréter l’un de ces rôles dans son intégralité…
Cyrille Dubois, ténor
Tristan Raës, piano
Gabriel Fauré : « Mandoline », « En sourdine », « Green », « A Clymène », « C’est l’extase » ;
Franz Liszt : « O Lieb », « Bist du », « Schwebe schwebe blaues Augen », « Der Fisherknabe » ;
Gaetano Donizetti : Lucia di Lamermoor, L’Elisir d’amore ;
Vincenzo Bellini : Il Pirata ;
Gioachino Rossini : Il Barbiere di Siviglia, La Scala di seta, Il Turco in Italia.
BIS :
Liszt : « Oh, quand je dors » ;
Donizetti : La Fille du régiment.