Soirée Bel canto avec Marie-Nicole Lemieux et Joyce El-Khoury à l’Opéra de Bordeaux – Champagne !!!
L’Opéra de Bordeaux a eu l’excellente idée de proposer un récital de Bel canto à ses spectateurs mais surtout à Marie-Nicole Lemieux et à Joyce El-Khoury. Si la seconde ne démérite nullement, la première brille par son timbre envoûtant et un engagement de tous les instants.
Dès les premières mesures de l’ouverture de Semiramide de Rossini, on pressent déjà que ce récital consacré au Bel canto italien du XIXe siècle sera placé sous les auspices de la vigueur et de l’éloquence.
Tout au long de la soirée, Roberto González-Monjas dirigera l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine de main de maître. Le chef d’orchestre espagnol à la direction athlétique a un don certain pour faire vivre le répertoire de Bellini, Donizetti et surtout celui de Rossini. Précis techniquement, il sait avec talent mettre en relief la moindre cellule musicale mélodico-rythmique et surtout, il maîtrise avec brio l’art du fameux crescendo rossinien. La musique du maître de Pesaro brille, virevolte et nous emporte dans un tourbillon d’énergie et de plaisirs sonores. Également à l’aise chez les deux autres compositeurs phares du bel canto romantique que sont Bellini et Donizetti, il ne peut faire de miracle dans l’ouverture de I Capuleti e i Montecchi à l’intérêt musicale quelque peu limité.
Véritable chef lyrique et partenaire à l’écoute, il sait également rassurer nos chanteuses de ce soir et s’ajuster à leurs moyens dans un répertoire qui, sous des aspects parfois purement décoratifs, nécessite rigueur, précision et sens de la narration. Chef d’orchestre mais également violoniste, Roberto González-Monjas est assurément un talent à suivre et que nous avons hâte d’entendre à nouveau dans ce Bel canto qui lui convient si bien.
L’Orchestre National Bordeaux Aquitaine s’est également montré plus que convaincant dans ce répertoire. Précis et impliqués, les musiciens ont fait preuve d’un engagement constant et d’un belle homogénéité dans les moindres nuances, du pianissimo impalpable jusqu’au forte le plus retentissant. (Apprécions, avec humour, le soin porté par un des membres de l’orchestre, dont nous tairons l’instrument, à étouffer avec talent un fou rire au début communicatif 😉).
Évidemment, une soirée de bel canto romantique ne saurait être une réussite sans un ingrédient indispensable : la voix et surtout une forme de folie vocale, une certaine impulsion soudaine du souffle, une foudroyance irrésistible entre sidération et déferlement de puissance. Qui mieux que Marie-Nicole Lemieux semble aujourd’hui réunir toutes ces qualités? La contralto canadienne est de celles qui ont cette animalité qui vous prend aux tripes comme un coup de foudre.
Bien sûr, comme en amour, tout n’est pas parfait dans les portraits vocaux que l’artiste incarne ce soir. Il ne faut, par exemple, pas attendre d’elle des vocalises alla mitraillette et la rythmique de la cantilène bellinienne lui est parfois rétive, mais elle emporte tout sur son passage. Si nous avions des cheveux, nous aurions osé dire : « Marie-Nicole, elle décoiffe »
À ses côtés, Joyce El-Khoury ne fait en aucun cas de la figuration mais la nature ne l’ayant pas pourvu des mêmes dons de timbre et d’opulence vocale que sa camarade du soir, la soprano libanaise compense par sa rigueur stylistique et musicale les couleurs métalliques d’une voix qu’on aimerait plus suspendue et moins directe. Pourtant, la soprano émerveille par sa capacité à donner vie en quelques mesures à ses personnages, sa diction est exemplaire de clarté notamment en français (Guillaume Tell : « Sombre forêt ») et ses pianissimi impalpables sont de toute beauté (Maria Stuarda : « Oh nube che lieve »). On se surprendra même à lui trouver des couleurs calassiennes dans un « Casta diva» (donné sans sa cabalette) qu’on entend rarement aussi bien maitrisé.
En premier bis de cette soirée, le Duo des chats de Rossini nous révélera une vis comica et un sens de l’autodérision réjouissants chez nos deux artistes. Nous ne saurions dire si Marie-Nicole Lemieux s’est prêtée de bonne grâce à l’exécution d’un second bis, la chanteuse ayant fait part au public d’une certaine fatigue après plus de deux heures de concert d’un répertoire exigeant pour tous ses interprètes. La reprise du début du duo de Norma « Mira o Norma » n’apportera donc rien au tableau d’honneur de Joyce El-Khoury et Marie-Nicolle Lemieux.
Merci, mesdames et messieurs, pour cette magnifique soirée de bel canto à l’Opéra de Bordeaux… et champagne !!!
Joyce El-Khoury, soprano
Marie-Nicole Lemieux, contralto
Orchestre National Bordeaux Aquitaine
Roberto González-Monjas, direction musicale
Rossini
Semiramide : ouverture
Donna del Lago : « Mura Felici » – Marie-Nicole Lemieux
Guillaume Tell : «Sombre forêt» – Joyce El-Khoury
La Cenerentola : ouverture
Tancredi : « O Patria » – Marie-Nicole Lemieux
Semiramide : « Bel raggio lusinghier » – Joyce El-Khoury
Semiramide : « Serbami ognor si fido » et « Alle più calde immagini » – Joyce El Khoury et Marie-Nicole Lemieux
Donizetti
Maria Stuarda : « Oh nube che lieve » – Joyce El-Khoury
La Favorite : « O mon Fernand » – Marie-Nicole Lemieux
Linda di Chamounix : « Al bel destin che attendevi » – Joyce El Khoury et Marie-Nicole Lemieux
Dom Sébastien : « Sol adoré de ma patrie » – Marie-Nicole Lemieux
Bellini
I Capuleti e i Montecchi : ouverture
Norma : « Casta diva » – Joyce El-Khoury
Norma : « Mira o Norma » – Joyce El Khoury et Marie-Nicole Lemieux (en mi b)
Opéra National de Bordeaux – Grand-Théâtre
Concert du samedi 13 novembre 2021, 20h
Pour assister à ce récital lundi 15 novembre, c’est ici.