Elsa Dreisig et Mozart – Comme un vent de fraîcheur au Théâtre des Champs-Élysées
À l’occasion de la parution de son nouveau disque chez Erato et consacré aux héroïnes mozartiennes, Elsa Dreisig posait ses valises au Théâtres des Champs-Élysées pour un récital généreux et revigorant.
Proposé dans la série « Les Grandes Voix – Les Grands Solistes », la forme de ce concert aura pu surprendre ceux qui s’attendaient à un récital de diva, de ceux où l’artiste en robe froufrouteuse interprète quelques tubes du répertoire sortis de leur contexte et où la prouesse vocale l’emporte sur l’implication dramatique. Avouons-le, nous les aimons bien souvent ces moments hors du temps, ces cérémonies musicales vécues comme une communion entre privilégiés, ces rituels d’adulation face à l’inaccessible étoile. Avec Elsa Dreisig, la formule prend un coup de vieux et nous avec. Il y a tout de même eu cet étonnement initial, cette impression agréablement incommodante, d’assister à un récital de fin d’étude en conservatoire supérieur, un concert entre copains d’un très haut niveau musical où la soprano montre l’étendue et la variété de ses capacités et qualités secondée par une mise en espace inventive. Rapidement pourtant, la sauce prend et on se dit que, voilà, c’est peut-être bien à cela que doit ressembler un récital en 2022. Une rencontre musicale entre artistes heureux de jouer et chanter ensemble et qui le montrent, une soprano en pleine possession de ses admirables moyens, jeune femme de son temps au caractère que l’on sait bien trempé mais accessible et visiblement ravie d’être sur scène et un orchestre partenaire et concertant à l’interprétation historiquement informée.
Si la forme de ce récital aura fait souffler un vent d’une fraîcheur bienvenu, le programme musical en lui-même ne nous aura pas épargné les habituelles ouvertures et aura même été jusqu’à nous proposer une symphonie dans son intégralité. Pourtant, comment bouder notre plaisir à l’écoute du Kammerorchester Basel, dirigé par son premier violon Baptiste Lopez ? L’Orchestre de chambre de Bâle, habitué à se produire avec de brillants interprètes comme Sol Gabetta, Christoph Prégardien ou René Jacobs s’est montré admirable tout au long de cette soirée nonobstant une courte faiblesse de cor rapidement rattrapée. Son interprétation de la Symphonie n°38 « Prague » en Ré majeur est un modèle de contrastes et de justesse des tempi. Son sens du théâtre instrumental en fera également un acteur majeur de la réussite de cette soirée.
Elsa Dreisig interprète à tour de rôle les personnages des trois chefs-d’œuvre composés par Mozart à partir des livrets de Lorenzo Da Ponte : Les Noces de Figaro, Don Giovanniet et Così fan tutte. Sa voix lumineuse et souple fait merveille chez ces personnages contrastés aussi bien vocalement que psychologiquement. Susanne, Cherubino, la Contessa, Fiordiligi, Donna Elvira, Zerlina. La soprano franco-danoise s’approprie avec talent ces six figures on ne peut plus différentes et se révèlera à son meilleur chez celles ayant eu les honneurs de la scène comme Zerlina ou Fiordiligi. Cette dernière est idéale de variations de couleurs, de puissance et de maîtrise vocale. La soprano franco-danoise ajoute à cette galerie « da Pontesque » deux extraits d’opere serie mozartiens, Lucio Silla et Idomeneo, incarnant magnifiquement une Elettra vindicative à souhait.
Le public en redemande et nous aussi. Elsa Dreisig interprètera en bis l’aria de Despina « In uomino, in soldati sperare fedeltà? » (« Vous espérez trouvez la fidélité chez des hommes et des soldats? ») montrant ainsi que tel Mozart et Da ponte en leur temps, elle aura su être moderne jusqu’au bout.
Elsa Dreisig, soprano
Orchestre de chambre de Bâle
Baptiste Lopez, violon et direction
MOZART SOUS TOUTES LES COUTURES
Wolfgang Amadeus Mozart
Le nozze di Figaro, KV 492
Ouverture
« Giunse alfin il momento… Deh, vieni, non tardar »
« E Suzanna non vien… Dove sono »
Symphonie n° 38 en ré majeur, « Prague », KV 504
Così fan tutte, KV 588
« Temerari… Come scoglio »
Don Giovanni, KV 527
Ouverture
« In quale eccessi… Mi tradi quell’alma ingrata »
« Vedrai carino »
Lucio Silla, KV 135
Ouverture
« Pupille amate »
La clemenza di Tito, KV 621
Ouverture
« Ecco il punto… Non più di fiori »
Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Récital du jeudi 17 février 2022, 20h