Continuant de faire découvrir au public les derniers lauréats de l’Académie qu’il partage avec la Fondation Royaumont, le musée d’Orsay boucle la boucle, après avoir donné à entendre la soprano Axelle Fanyo, le ténor Kaëlig Boché et la basse Mikhaïl Timoshenko : pour cette saison 2021-22, un quatrième récital de midi à l’Auditorium donne carte blanche à la mezzo-soprano Grace Durham. Toujours placé dans le cadre du « Triomphe de la mélodie et du lied », ce concert propose un programme couvrant plus d’un siècle et demi de musique et lorgnant nettement vers l’opéra, pour notre plus grand bonheur.
Les Cinq mélodies populaires grecques entrent bien, elles dans les limites prévues : cinq miniatures aux climats variés, pour lesquelles Ravel a su ciseler des accompagnements précieux. Premier atout majeur de Grace Durham : une diction absolument irréprochable du français, qui ne concerne d’ailleurs pas que son français chanté, puisque les quelques phrases prononcées par la chanteuse pour accueillir le public sont elles aussi dénuées de toute forme d’accent étranger. Si tous les étudiants de Cambridge maîtrisent notre langue comme Grace Durham, on s’incline bien bas devant le système universitaire anglais. Second atout : un don pour l’incarnation qui permet à la mezzo de trouver le ton juste, formidablement bravache dans « Quel galant m’est comparable » ou délicatement épris dans « Le réveil de la mariée ». Parmi les sept Mélodies tziganes de Dvořák, seule la quatrième a atteint une célébrité mondiale (appelons-la « Chansons que m’apprenait ma mère » même si elle n’a pas de titre français officiel), mais il est intéressant de pouvoir entendre la totalité du recueil. On ne tentera pas d’évaluer la prononciation du tchèque, mais Grace Durham interprète ces pages avec conviction et une belle palette d’affects.
Le récital s’était ouvert avec une « mélodie » qui est plutôt une cantate, une grande scène de concert : Ariane à Naxos de Haydn. Si virtuose dans Ravel et Dvořák, le pianiste Edward Liddall y trouvait des grâces de pianofortiste, et la chanteuse laissait s’y épanouir un vrai talent de tragédienne, depuis le réveil d’une héroïne encore toute ensommeillée jusqu’aux cris de rage suscités par le départ sans retour de Thésée. Mais c’est avec La Dame de Monte-Carlo, autre opéra miniature, que se trouvent réunies toutes les qualités de Grace Durham : une fois encore, un français à rendre jaloux nos compatriotes ; une nature théâtrale qui fait un sort à chaque vers du texte de Cocteau, avec des gestes toujours adéquats ; un timbre superbe qui, dans cette œuvre souvent interprétée par des sopranos, évoque ici les couleurs d’une Rita Gorr. Très vivement applaudie, la mezzo-soprano s’accordera en bis le plaisir de chanter dans sa langue : « O Waly, Waly », folk song de Britten, plein d’émotion retenue.
Grace Durham, mezzo-soprano
Edward Liddall, piano
- Joseph Haydn, Arianna à Naxos, Hob XXVIb 2
- Maurice Ravel, Cinq mélodies populaires grecques
- Antonín Dvořák, Mélodies tziganes, op. 55
- Francis Poulenc, La Dame de Monte-Carlo, FP 180
Récital du mardi 15 mars 2022, Auditorium du Musée d’Orsay