Elsa Dreisig, soprano
Romain Louveau, pianiste
Rita Strohl (1865 – 1941)
Bilitis, poème en 12 chants
Bilitis
La partie d’osselets
Claude Debussy (1862 – 1918)
Trois chansons de Bilitis
Le tombeau des Naïades
La flûte de Pan
La chevelure
Rita Strohl
Bilitis, poème en 12 chants
La chevelure
Le sommeil interrompu
Louis Vierne (1870 – 1937)
Quatre poèmes grecs opus 60
Offrande à Kypris
Francis Poulenc (1899 – 1963)
Trois poèmes de Louise de Vilmorin, FP 91
Aux Officiers de la garde blanche
Claude Debussy
L’Isle joyeuse (FL109)
Louis Vierne
Spleens et détresse opus 38
Sappho
Angélique Ionatos (1954-2021)
Sappho de Mytilene
Astéron Panton o kallistos
György Ligeti (1923 – 2006)
Etudes pour piano Livre I
Cordes à vide
Angélique Ionatos
Sappho de Mytilene
Anthe Amerghissan
Rita Strohl
Bilitis, poème en 12 chants
La nuit
Louis Vierne
Quatre poèmes grecs opus 60
Le repos
Henri Duparc (1848 – 1933)
Vie antérieure
Charles Gounod (1818 – 1893)
« Ô ma lyre immortelle », extrait de l’opéra Sapho
C’est un programme pour le moins original qu’ont conçu Elsa Dreisig et Romain Louveau et qu’ils viennent de proposer dans la belle salle du Réfectoire des Moines de l’Abbaye de Royaumont : entièrement centré autour de la Grèce, la femme, la poésie, la soprano et son pianiste font revivre, sur fond de métempsychose (La Vie antérieure de Baudelaire/Duparc), les figures de la bien réelle Sappho et de la fictive Bilitis (poétesse grecque née de l’imagination de Pierre Louÿs en 1894), dont la compositrice Rita Strohl (Bilitis), les poétesses Louise de Vilmorin (Officiers de la garde blanche) et Anna de Noailles (Offrande à Kypris) ou encore Angélique Ionatos (Astéron Panton o kallistos) pourraient bien être sinon des réincarnations, du moins des sœurs en art… Quelques pages d’inspiration grecque signées Louis Vierne (Offrande à Kypris) ou Claude Debussy (L’Isle joyeuse – c’est-à-dire Cythère) achèvent de planter le décor et de donner une certaine cohérence au programme, composé essentiellement de pages datant du début du XXe siècle ou de la fin du XIXe. Le concert s’achève par les stances de Sapho, « Ô ma lyre immortelle », qui apportent un éclatant dénouement à l’opéra de Gounod créé en 1851 par Pauline Viardot.
L’heure de Rita Strohl aurait-elle enfin sonné ? Après deux CD très réussis (le premier, consacré à la sonate Titus et Bérénice pour violoncelle et piano, réunissait Edgar Moreau et David Kadouch ; le second, qui vient tout juste de paraître, fait précisément entendre les Douze Chants de Bilitis interprétés par Marianne Croux), la compositrice a cette fois l’honneur du concert : aux cinq des Douze chants retenus par les artistes (Bilitis, La partie d’osselets, la chevelure, le sommeil interrompu, la nuit) s’entremêlent les trois chansons debussystes (Le tombeau des Naïades, La flûte de Pan, La chevelure), ce qui permet de souligner la grande différence esthétique entre le langage de Debussy et celui de Strohl : « Là où Debussy privilégie la diseuse, sans grands écarts pour la voix, Rita Strohl adopte une écriture plus brillante et n’hésite pas à solliciter la chanteuse de manière très opératique », souligne Laurent Bury dans son compte rendu du CD de Marianne Croux. Elsa Dreisig, dont le talent est pour le moins protéiforme (elle interprétait Elvira des Puritains sur la scène de l’Opéra Bastille en septembre 2020, et le rôle titre de Salomé à Aix-en-Provence l’été dernier) se montre parfaitement à l’aise dans ces deux registres : douceur, raffinement, délicatesse chez Debussy ; élans au lyrisme plus affirmé dans les mélodies de Rita Strohl.
Le velouté du timbre et la pureté de la ligne vocale siéent également au chant a capella de « Bilitis », la mélodie par laquelle s’ouvre le concert, ou encore aux deux chansons de la regrettée Angélique Ionatos.
© DR / Royaumont
Quelle merveilleuse idée que de redonner vie aux œuvres de cette artiste unique, trop tôt disparue, dont la voix , les mélodies, le talent nous manquent tant ! Loin des sophistications de la musique dite « savante », les deux poèmes de Sapho, portés par une musique très simple d’inspiration populaire, constituent de merveilleuses parenthèses au sein du récital – et offrent au public conquis de véritables moments de grâce.
Enfin la scène finale de la Sapho de Gounod, par son dramatisme puissant et l’engagement de la chanteuse, littéralement habitée, constitue l’acmé du concert et vaut à Elsa Dreisig une ovation debout.
Romain Louveau est, pour la chanteuse, un complice idéal – et a toute sa part dans le succès remporté par cette soirée : les deux artistes rivalisent de musicalité et d’expressivité dans « La Chevelure » de Debussy ou de puissance dramatique dans l’évocation du viol du « Sommeil interrompu ». Quant à la virtuosité étourdissante déployée dans L’Isle heureuse de Debussy, elle est saluée par de véritables acclamations.
Ce très beau concert doit faire l’objet d’un enregistrement… En attendant et pour patienter, n’hésitez pas à découvrir l’œuvre de Rita Strohl grâce au tout récent CD paru aux éditions Hortus. Le Festival de Royaumont, quant à lui, se poursuit jusqu’au 2 octobre, avec, nomment, une « Nuit de la mélodie et du lied » (samedi 24 septembre) à ne pas rater !