Poursuivant son idée d’associer une œuvre de ses collections à un programme musical, l’Auditorium du Musée d’Orsay accueillait ce jeudi Patricia Petibon et Susan Manoff, pour une soirée intitulée « Déjeunons sur l’herbe » renvoyant à la célèbre toile de Manet. D’herbe et de déjeuner, il n’est pas vraiment question dans les mélodies retenues par la chanteuse et la pianiste, et leur choix revendique un lien plus métaphorique avec l’œuvre picturale. Il faut donc plutôt voir là une sorte de rêverie autour du passé et du devenir de la jeune femme nue qui pose parmi les messieurs habillés, l’injonction du titre apportant un caractère primesautier vite démenti. On suppose en effet que ce modèle (Victorine Meurent, en l’occurrence) n’a pas longtemps savouré les joies de ce déjeuner festif, dont les lendemains l’ont amenée à déchanter, ou même à mourir. Tant est si bien que cette jeune nudité deviendra, après l’entracte, l’héroïne de La Voix humaine. Et c’est apparemment Babar l’éléphant auquel elle téléphone, car pour introduire Poulenc dans la première partie, les mélodies sont entrelardées d’extraits de l’Histoire de Babar où Madame Petibon se fait récitante.
Bien sûr, qui dit concert de Patricia Petibon dit forcément accessoires et costumes plus ou moins inattendus. Le récital est d’emblée placé sous le signe de la loufoquerie, quand la chanteuse apparaît vêtu d’un plastron de clown avec nœud papillon surdimensionné et dispose sur le plateau deux poupées Babar et Céleste. Un peu plus tard, elle déclamera le texte de Jean de Brunhoff coiffée d’une tête de lapin blanc. On peut évidemment se demander si tout cela est bien nécessaire pour chanter Reynaldo Hahn, Canteloube, Offenbach ou Thierry Escaich, mais la Petibon est ainsi, on ne la refera pas, et au moins la prestation vocale est-elle parfaitement convaincante, avec un juste dosage des effets et de l’intensité vocale. On ne saura jamais si l’erreur dans le texte de l’air de la griserie de La Périchole était un jeu de scène voulu ou un cafouillage magistralement rattrapé, mais qu’importe.
Dans La Voix humaine, en tout cas, on ne se plaindra pas de cette suractivité de l’interprète, qui sait conférer à ce monologue une vie dramatique assez stupéfiante, avec une infinité de geste traduisant la profonde nervosité du personnage imaginé par Cocteau (comme cet instant où on la voit faire éclater du papier-bulle entre ses doigts). En contrepoint du Manet, qui renvoie au temps heureux des amours de l’héroïne, elle pose bientôt devant le piano une reproduction de La Femme qui pleure de Picasso, écho du présent. Et Patricia Petibon danse, se contorsionne, court d’un bout à l’autre du plateau, s’assied, se relève, se rassied. Exubérante, oui, fofolle, peut-être, mais « Elle » ne s’exclame-t-elle pas « J’ai voulu être folle et avoir un bonheur fou » ? L’émotion est bien tangible chez cette femme au bord de la crise de nerfs, dont la voix sait faire passer toutes sortes de nuances correspondant au parcours du personnage. Susan Manoff est sa complice de chaque instant (on voit la pianiste articuler le texte en même temps), la chanteuse et la pianiste éclatent parfois de rire ensemble, et c’est également ensemble qu’à la tout fin, elles ensevelissent la poupée Babar dans le piano à queue, l’héroïne ayant sans doute tourné la page et « enterré » cet amant qui la quitte.
Turandot : Sophie Marceau
Calaf : Justin Bieber
Orchestre Philharmonique d’Oucques-la-Joyeuse, chœurs XXXX (indiquer également si vous le souhaitez le nom du chef des chœurs), dir. Franck Pourcel
Mise en scène : Xxxx
Décors : Xxxx
Costumes : Xxxx
« Déjeunons sur l’herbe »
- Francis Poulenc
La voix humaine, FP 171 ;
Histoire de Babar, le petit éléphant, FP 129( Extrait ) ; - Federico Mompou, Damunt de tu només les flors
- Joseph Canteloube, Au prè de la Rose
- Frederic Edward Weatherly, Danny Boy
- Thierry Escaich, Le chant des lendemains
- Jacques Offenbach, La Périchole : Ah ! quel dîner je viens de faire, Acte 1
Patricia Petibon, soprano
Susan Manoff, piano
Auditorium du Musée d’Orsay, jeudi 21 mars, 20h.