Dans le cadre de la huitième semaine italienne, l’Opéra Grand Avignon nous invite à un véritable voyage lyrique, plongeant au cœur du riche patrimoine musical italien. Cette expérience sonore portée par l’illustre ténor Ramón Vargas, promet une exploration passionnée des œuvres qu’il chérit tant. Sous la baguette experte du chef italien Giulio Prandi, accompagné par le chœur de l’Opéra, cette aventure musicale s’annonce comme une célébration vibrante, populaire et pleine d’émotion.
Le programme proposé pour l’occasion inclut des œuvres incontournables ainsi que des pièces plus rares, offrant ainsi la possibilité de découvrir une facette moins explorée du répertoire italien. La première partie mettra à l’honneur principalement Verdi et Donizetti, tandis que la seconde accordera une place plus importante aux premières œuvres de Verdi ainsi qu’au courant vériste.
Quel est le secret de la longévité vocale de Ramón Vargas ? À 64 ans, peu d’artistes peuvent encore se vanter d’une telle maîtrise des aigus et d’une technique aussi impeccable, et le ténor reste encore très actif, soit comme soliste (il incarnait encore Oronte des Lombardi en mai 2023 à Liège), soit comme jury dans des concours de chant (il était invité au concours Sumi Jo de la Ferté-Imbault l’ été dernier). Après avoir foulé les plus prestigieuses scènes internationales, il semblait ce soir ému de découvrir l’intimité et le charme du petit écrin qu’est l’Opéra d’Avignon.
Qu’il s’agisse des grands airs du bel canto, d’arias plus intimes ou de pièces du répertoire romantique italien, Vargas a démontré une maîtrise vocale alliant puissance, subtilité et sensibilité. Les deux romances pour ténor de Verdi apparaissent comme un tour de chauffe permettant de prendre le pouls du public. Le ténor mexicain marque ensuite les esprits avec l’air « Angelo casto e bel » extrait de Il Duca d’Alba qui constituera le climax de la soirée. Véritable démonstration vocale, chaque phrase est portée par une intention juste. La musicalité et le sens du phrasé sont déconcertants et la longueur de souffle infinie ! Cet engagement total laissera entrevoir dans l’extrait suivant une fatigue perceptible lors de l’interprétation d’ « Una furtiva lagrima ». On aurait apprécié davantage de nuances et un sens de la mezza voce plus affirmé pour sublimer la délicatesse de cet air. Le « Lamento di Federico » tiré de l’Arlesiana saisit immédiatement le public et constitue l’autre temps fort de la soirée. Pour son ultime intervention, Ramón Vargas revêt le costume du peintre Mario Cavaradossi et reprend les deux airs emblématiques de Tosca. Le ténor mexicain gratifiera le public de deux bis : le brûlant et passionné « Amor ti vieta » de Fedora, et le classique « brindisi » de La traviata.
À ses côtés, le chef d’orchestre Giulio Prandi a su insuffler une énergie supplémentaire à l’orchestre. L’Italien dirige avec une précision délicate, mettant en valeur chaque détail des partitions, tout en laissant respirer la voix de Vargas. L’ouverture de Nabucco, ainsi que le trop rare prélude d’Attila, ont offert une brillante démonstration de l’équilibre et de la richesse de chaque pupitre de l’orchestre. L’orchestre national Avignon-Provence tient les tempi véloces et précis dictés par le maestro qui, dirigeant sans baguette, accompagne chaque attaque de l’orchestre avec une énergie bondissante, laissant ainsi transparaître son tempérament baroqueux. C’est d’ailleurs dans un répertoire bien différent qu’il brillera particulièrement. L’intermezzo de Cavalleria Rusticana lui offrira l’occasion de révéler son tempérament méditatif et sensible. Il a su tirer le meilleur parti des cordes de l’orchestre, sublimant leur sonorité pour en extraire une réelle intensité émotive. On peut toutefois reprocher au chef quelques excès d’enthousiasme où l’orchestre a eu tendance à couvrir les voix, se montrant un peu trop présent.
Les chœurs du Grand Opéra d’Avignon, placés comme à leur habitude sous la direction d’Alan Woodbridge n’ont pas manqué de se joindre à la fête. Les morceaux patriotiques « Patria oppressa » de Macbeth et le célèbre « Va pensiero » du Nabucco de Verdi laissent transparaitre l’émotion attendue, tout en conservant le souffle de révolte et de nostalgie qui les habitent. Le chœur des hommes brille dans les loges d’avant-scène alors que résonnent les premières notes du prélude de Lucia du Lammermoor. Petit bémol concernant le choix du chœur à bouche fermée, particulièrement dans cette salle, les choristes étant placés à la toute fin du plateau. Il semble que cet agencement scénique ait joué en défaveur de ce moment.
Clélia Moreau, Agnès Ménard, et Cyril Héritier se sont distingués par leurs interventions solistes justes et maitrisées, accompagnant Ramón Vargas ou leurs collègues. Leur mise en avant est une belle preuve de la confiance méritée qui leur est accordée !
Ténor : Ramón Vargas
Orchestre national Avignon-Provence, Chœur de l’Opera Grand Avignon chef de chœur : Alan Woodbridge), dir. Giulio Prandi
Récital Ramón Vargas
Œuvres de Giuseppe Verdi, Giacomo Puccini Gaetano Donizetti…
Opéra Grand Avignon, concert du samedi 19 octobre 2024