GABRIEL BACQUIER (1924-2020) – Aimer, rire et chanter…
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Gabriel Bacquier s ‘est éteint hier, le 13 mai 2020.
C’est Gabriel Dussurget, le fondateur du festival d’Aix-en-Provence, qui lança véritablement la carrière de Gabriel Bacquier. S’étant jusqu’alors produit dans des troupes (celles de la Monnaie à Bruxelles, ou encore celles de l’Opéra-Comique et de l’Opéra), il aborde à Aix, en 1960, un des ses rôles fétiches : Don Giovanni.
« Fin ch’han dal vino ! » (1960)
La Sérénade de Don Juan
Le spectacle, retransmis à la télévision, contribuera beaucoup à établir la notoriété du chanteur, qui interprétera alors les rôles les plus variés (Scarpia, Leporello, Golaud, Iago, les diables des Contes d’Hoffmann, Zurga, Rigoletto, Falstaff, Escamillo, le Roi de Trèfle dans L’Amour des trois oranges,…) aux côtés des plus grands interprètes de l’époque : français (Martha Angelici, Geori Boué, Mado Robin, Alain Vanzo, Régine Crespin,…) ou étrangers (Renata Tebaldi, Birgit Nilsson, Franco Corelli, Margaret Price, Joan Sutherland, Montserrat Caballé, Placido Domingo, Marilyn Horne, Teresa Stich-Randall, Teresa Berganza, Maria Ewing, Jessye Norman, Anna Moffo, Beverly Sills, José Carreras,…) Il se produira sur les plus grandes scènes du monde, notamment celles du Festival d’Aix-en-Provence, du Metropolitan Opera de New York, du Palais Garnier ou encore de l’Opéra de Vienne.
Outre le Don Giovanni d’Aix-en-Provence, il participa à certains spectacles entrés dans la légende de l’Opéra, tels Les Noces de Figaro montées par Strehler pour Rolf Liebermann au Palais Garnier (1973).
Hai gia vinta la causa… »
Excellent comédien, il tourna Falstaff pour Götz Friedrich sous la direction de Georg Solti. Il triompha aussi bien dans des rôles de séducteurs (Don Juan bien sûr) qu’en incarnant de parfaits salauds (il fut le Scarpia de Tebaldi, Crespin ou Nilson), et remporta également d’immenses succès dans des emplois comiques : son Bartholo était exceptionnel de drôlerie (il chanta l’air « A un dottore della mia sorte » au Théâtre des Champs Élysées en 1990, pour les adieux de Régine Crespin avec un humour irrésistible !).
Les adieux de Régine Crespin, Théâtre des Champs-Élysées, 1990. Bacquier y chante l’air de Bartolo à 38.27.00.
Son Don Pasquale, qu’il interprétait encore à l’Opéra Comique en 1994 (soit à 70 ans !) est encore dans toutes les mémoires. Son Fra Melitone de La Force du destin est sans doute resté à ce jour inégalé… Il grava le rôle aux côtés de Leontyne Price sous la direction de James Levine pour RCA, et l’interpréta notamment à l’Opéra de Paris ou encore aux Chorégies d’Orange en 1982 aux côtés de Montserrat Caballé.
Don Pasquale aux côtés d’Alfredo Kraus
Fra Melitone à Orange en 1982
Un rare extrait de La Traviata, avec la Violetta de Teresa Stich-Randall
Il se produisit également dans des opérettes ou opéras bouffes (il participa aux productions de La Belle Hélène ou de la Périchole montées par Jérôme Savary).
Écoutons-le dans ce splendide concert donné salle Pleyel le 26 mars 1966, au cours duquel il interpréta des pages de Gluck, Berlioz, Thomas et Ravel. Le timbre y est d’une qualité exceptionnelle. Et la clarté de la diction, l’art de l’interprétation y sont absolument incomparables…
Ou encore dans ce Falstaff de 1979 (film de Götz Friedrich, version intégrale)
Chanteur/acteur exceptionnel, le rayonnement, la présence, le charisme de Gabriel Bacquier n’ont à ce jour jamais été remplacés…
Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.