Janine Reiss vient de s’éteindre. Elle occupa plusieurs fonctions dans le monde musical, de celles qu’on ne voit pas toujours mais qui sont pourtant indispensables et dont dépend bien souvent la réussite de tel concert, de telle interprétation : directrice des études musicales de l’Opéra de Paris à la fin des années 70, puis de celles des Chorégies d’Orange, elle fut surtout célèbre pour avoir travaillé avec de très grands chanteurs lyriques, dont Régine Crespin ou Mady Mesplé, qui vient de nous quitter. Les plus célèbres interprètes étrangers ont fait appel à elle pour s’approprier le style français. La liste en est impressionnante : Teresa Berganza, Placido Domingo, Luciano Pavarotti, Ruggero Raimondi (notamment pour le Don Giovanni de Losey), Katia Ricciarelli, Kiri Te Kanawa, Mirella Freni, Nicolaï Ghiaurov, Ileana Cotrubas, Grace Bumbry, Frederica Von Stade, Jessye Norman, … et bien sûr Maria Callas, qui prépara avec elle pour EMI ses fameux récitals Callas à Paris.
Alors que la Divine vivait une période difficile et traversait une crise vocale, Janine Reiss avait su, par son professionnalisme et sa disponibilité, gagner sa confiance. Elle aimait à raconter comment, à la demande de Callas, en difficulté dans l’air de Leila des Pêcheurs de perles, elle avait été amenée à chanter elle-même « Comme autrefois dans la nuit sombre » devant la diva, avec toute l’émotion et tout le trac qu’on imagine !
Voici comment elle parlait de Callas et de leur collaboration pour les récitals EMI dans une interview donnée au Tarn libre en août 2014 :
« Le jour convenu, à 18 h précises, Maria, La Divina, a sonné à ma porte : elle était d’une ponctualité déconcertante. J’ai ouvert la porte de mon appartement et très curieusement, après l’avoir faite entrer, j’étais d’un calme absolu. Une grande amitié s’est rapidement nouée entre nous. Elle travaillait chez moi et m’a rapidement tutoyée. On a créé une relation de confiance. Elle me parlait beaucoup de sa solitude, c’était une personne très mélancolique qui enviait ma vie car, contrairement à elle, j’étais mariée et j’avais des enfants. Ce n’était pas facile de s’appeler Callas. […] Je me souviens qu’elle était partie à Londres chanter Tosca au Covent Garden en 1964. Elle a eu l’amitié de m’inviter, sur ces mots adorables : « parfois, Janine, dans notre travail, je sais que je te donne du mal. J’espère ainsi qu’à Londres, je pourrai te donner un peu de plaisir ! » Voilà pourquoi je ne peux guère supporter que l’on parle de Maria comme d’une tigresse assoiffée de sang ! »
Le sourire et le professionnalisme de Janine Reiss manqueront terriblement aux chanteurs – qui lui doivent tant. En leur nom, qu’elle soit remerciée pour tout le travail qu’elle a accompli avec eux, et pour ses apports si précieux aux mondes de la musique et de l’opéra.
Retrouvez Janine Reiss dans une interview donnée en 1982 pour la Radio Télévision Suisse. Elle y évoque, une fois encore, son travail avec Maria Callas qu’elle admirait tant.