Adieu Christa Ludwig…
CHRISTA LUDWIG (1928-2021)
Christa Ludwig vient de nous quitter à l’âge de 93 ans.
Née dans une famille de musiciens (ses parents étaient tous deux chanteurs), elle commence à attirer l’attention dès le début de l’après-guerre (son premier rôle est celui du Prince Orlofski dans La Chauve-Souris à Francfort en 1946). Elle chante Chérubin à Salzbourg en 1954, et dès l’année suivant elle se produit à Vienne sous la direction de Karl Böhm. Dès lors, elle aborde les principaux rôles de mezzo : Adalgisa (au disque avec Callas), Eboli, Ulrica, Amneris, Geneviève, Carmen, Didon, Dalila,… Mais c’est bien sûr le répertoire allemand qui lui apporte ses triomphes les plus mémorables : Brangäne, Venus, Ortrud, Fricka (un film enregistré au Met avec James Levines, Jessye Norman, Hildegard Behrens, Gary lakes et James Morris immortalise son incarnation du rôle – DVD DG), Kundry, Klytemnestra,… Elle aborda également avec succès quelques rôles de soprano, tels ceux de la Maréchale, Lady Macbeth, ou encore Leonore de Fidelio. Elle se produisit aux côtés des chanteurs et sous la direction des chefs les plus prestigieux : Schwarzkopf, Callas, Gedda, Freni, Ghiaurov, Christoff, Moll, Norman, Behrens, Karajan, Bernstein, Solti, Abbado, Giulini , Levine,…
Possédant un timbre, chaud, velouté, plein, elle marque les rôles qu’elle aborde par une probité stylistique exemplaire, une grande sobriété interprétative (n’excluant nullement, bien au contraire), et un art de sculpter les phrases et les mots en leur donnant leur juste poids dramatique.
De ses passages en France, nous retiendrons entre autres ses apparitions à l’Opéra de Paris en Teinturière, Fricka ou Octavie, mais aussi plusieurs récitals, dont le concert de lieder donné salle Pleyel à la fin des années 1980 (l’année précise m’échappe…) qui s’était achevé dans un moment de grâce comme on n’en connaît que deux ou trois dans une vie de mélomane : la Berceuse de Brahms, donnée en bis et écoutée religieusement par un public suspendu aux lèvres de la chanteuse, s’était en effet achevé dans un merveilleux et interminable silence, comme si le public, absolument, se refusait à briser l’envoûtement d’un instant magique entre tous…
Que retenir de l’extraordinaire discographie de Christa Ludwig ? Elle est tellement riche et prolifique que nous ne pouvons guère qu’indiquer une sélection, tout à fait subjective : son Oktavian, enregistré avec Schwarzkopf sous la baguette de Karajan alors qu’elle était encore à l’orée de sa carrière (1956) est éblouissant ; sa Vénus de Tannhäuser avec Solti, une des plus belles jamais gravées, un mélange incomparable, inégalable de classe et de sensualité, est absolument indispensable (Decca, 1971) ; ses Brangäne (enregistrées avec Böhm en 1966 – DG, puis Karajan en 1972 – Warner) sont tout aussi fabuleuses ; le couple qu’elle forme avec le Florestan de Jon Vickers est l’un des plus touchants de toute la discographie de Fidelio ; sa Klytemnestra (tardive) avec Ozawa est impressionnante (Philips, 1988). Pour l’entendre dans un répertoire qui lui était exotique et qu’elle n’aimait guère, il faut écouter son Adalgise dans la seconde intégrale de Norma gravée par Callas (EMI, 1960), ou encore le Requiem de Verdi qu’elle grava aux côtés de Schwarzkopf sous la direction de Giulini (Emi, 1964).
Côté récitals, Warner a regroupé en un coffret de 11 CD l’ensemble du legs de la mezzo. Entre autres merveilles, les Schubert gravés pour DG avec Irwin Gage en 1974 et 1975 sont incomparables. Sa Winterreise (avec Levine, 1988), poignante. Et son Chant de la Terre, gravé avec Fritz Wunderlich sous la direction de Klemperer (1967), se hisse tout simplement au sommet de la discographie, tout près de celui, légendaire de Bruno Walter, Kathleen Ferrier et Julius Patzak.
Christa Ludwig nous quitte au printemps, alors que
La terre aimée se couvre de fleurs
Et verdoie à nouveau !
Partout éternellement les lointains
Bleuissent de lumière !
Éternellement… éternellement [1]…
Pour saluer la mémoire de Christa Ludwig, écoutons-la précisément dans un Chant de le Terre bouleversant , capté en à sous la direction de Leonard Bernstein. Pour que la voix et l’art de Christa Ludwig nous émerveillent encore et toujours… ewig, ewig… éternellement…
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[1] Das Lied von der Erde, « Abschied »
https://www.youtube.com/watch?v=IUZLLmUpaTk