À l’occasion du centenaire Callas, Première Loge évoque l’intégralité des rôles – ou partitions – abordés par Maria Callas au cours de sa carrière, de 1938 à 1969. Chaque rôle est illustré par un extrait audio et/ou vidéo, interprété par Callas (pas nécessairement l’année même où elle aborda l’œuvre) – ou par une autre chanteuse lorsqu’aucun enregistrement de Callas ne nous est parvenu.
Voyez ici notre dossier consacré à la chanteuse, et nos « 10 raisons d’aimer Maria Callas » !
Légende :
_____________ : œuvres chantées intégralement, sur scène et parfois au disque
_____________ : œuvres chantées en extraits, sur scène (en récital) et/ou au disque
_____________ : œuvres chantées intégralement, au disque uniquement
77. Orphée
Christoph Willibald Gluck, Orphée et Eurydice (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1961)
En mars-avril 61, Callas enregistre le premierdes deux albums Callas à Paris. Mise en confiance par Janine Reiss avec qui elle travaille, elle aborde plusieurs rôles français nouveaux pour elle, et s’aventure dans le registre de mezzo sans pourtant renoncer aux emplois de soprano. Si la moisson s’avère parfois inégale, quelques pépites surgissent… Plus encore que cet air d’Orphée – pour lequel Janine Reiss a, pour une fois, manqué de vigilance, laissant passer de regrettables erreurs de prosodie : « Quel-el[…] rigueur ! » ou, à la fin de l’air, « Sort cruel-le ! » -, on écoutera le « Pleurez mes yeux ! » de Chimène, empreint de noblesse tragique, ou les splendides airs de Samson et Dalila, magnifiquement phrasés. Non satisfaite de sa (superbe) version de « Mon cœur s’ouvre à ta voix » en raison d’un problème de respiration qui avait nécessité un raccord – à peine audible – avant la reprise finale de « Ah, réponds à ma tendresse… », Callas en avait interdit la publication : un exemple parmi tant d’autre d’autres de l’extrême exigence de la chanteuse vis-à-vis d’elle-même.
À noter : l’air des cartes de Carmen et celui de Thaïs, gravés lors de ces sessions d’enregistrement, sont à ce jour restés impubliés.
78. Carmen
Georges Bizet, Carmen (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1961)
Habanera, Séguédille, Air des cartes (inédit)
79. Dalila
Camille Saint-Saëns, Samson et Dalila (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1961)
« Amour, viens aider ma faiblesse », « Printemps qui commence », « Mon cœur s’ouvre à ta voix »
80. Juliette
Charles Gounod, Roméo et Juliette (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1961)
« Je veux vivre »
81. Chimène
Jules Massenet, Le Cid (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1961)
« De cet affreux combat… Pleurez, mes yeux »
82. Louise
Gustave Charpentier, Louise (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1961)
« Depuis le jour »
83. Lucrezia
Gaetano Donizetti, Lucrezia Borgia (enregistrement studio, London, Kingsway Hall, 1961)
« Com’ è bello… »
84. Eboli
Giuseppe Verdi, Don Carlo (London, Royal Festival Hall)
“O don fatale”
Seul nouveau rôle abordé en 1962 : Eboli de Don Carlo, avec un « O don fatale » gravé en studio, et chanté en concert – notamment à Hambourg où, une fois de plus, le génie de la tragédienne éclate, dans le chant comme dans le jeu et la physionomie : voyez l’extrême gravité qui saisit la chanteuse pendant la brève introduction orchestrale, juste avant que n’éclatent les imprécations de la princesse. Nul doute qu’en ces années où Callas s’essayait au répertoire de mezzo, elle aurait pu être sur scène une splendide Eboli…
85. Marguerite
Hector Berlioz, La Damnation de Faust (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1963)
« D’amour, l’ardente flamme »
86. Leila
Georges Bizet, Les Pêcheurs de perles (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1963)
« Me voilà seule dans la nuit »
87. Manon
Jules Massenet, Manon (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1963)
« Adieu, notre petite table »
88. Charlotte
Jules Massenet, Werther (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1963)
« Werther… Werther… Qui m’aurait dit… »
89. Marguerite
Charles Gounod, Faust (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1963)
« Je voudrais bien savoir… Il était un roi de Thulé… Ah ! Je ris… »
90. Soprano – Beethoven, “Ah, perfido !” (enregistrement studio, Paris, décembre 1963)
91. La Comtesse
Wolfgang Amadeus Mozart, Le Nozze di Figaro (enregistrement studio, Paris, décembre 1963)
“Porgi, amor”
92. Elvira
Wolfgang Amadeus Mozart, Don Giovanni (enregistrement studio, Paris, décembre 1963)
“Mi tradi”
Après Anna, Konstanze – et même Zerline dans ses années d’apprentissage ! -, Callas retrouve ici Mozart – qu’elle aura finalement assez peu fréquenté : si le « Porgi, amor » de la Comtesse appelle une pureté instrumentale que sa voix ne possède plus en 1963, le chant d’amour à la fois désespéré et révolté d’Elvire lui arrache des accents d’un dramatisme intense et d’une émotion poignante : à connaître absolument !
93. Desdemona
Giuseppe Verdi, Otello (enregistrement studio, Paris 1963)
« Mia madre aveva una povera ancella… »
94. Giselda
Giuseppe Verdi, I Lombardi alla prima crociata (enregistrement studio, Paris 1964)
“Te, Vergin santa”
Au tournant des années 63-64, Callas reprend le chemin des studios et renoue avec Verdi, retrouvant certains rôles chantés autrefois : Amelia du Bal masqué, Aida (fulgurante version de « Ritorna vincitor » !), et en abordant d’autres pour la première fois. La moisson s’avère inégale (l’Elisabetta de Don Carlo ou la Giselda des Lombardi manquent terriblement de stabilité), mais recèle quelques grandes beautés : le « Don fatale » d’Eboli, l’émouvant air du saule de Desdémone, le magnifique « Liberamente or piangi » d’Attila, la dramatique scène de Mina dans Aroldo…
95. Odabella
Giuseppe Verdi, Attila (enregistrement studio, Paris 1964)
« Liberamente or piangi… Oh ! Nel fuggente nuvolo »
96. Mina
Giuseppe Verdi, Aroldo (enregistrement studio, Paris 1964)
« Oh cielo ! Ove son io ?… »
97. Adina
Gaetano Donizetti, L’elisir d’amore (enregistrement studio, Paris 1964)
« Prendi, per me… »
98. Marie
Gaetano Donizetti, La Fille du régiment (version italienne ; enregistrement studio, Paris 1964)
« Convien partir… »
99. Gulnara
Giuseppe Verdi, Il corsaro (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1969)
« Vola talor… »
100. Medora
Giuseppe Verdi, Il corsaro (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1969)
« Non so le tetre… »
En 1969, Callas prend, pour l’avant-dernière fois, le chemin des studios (elle enregistrera encore à Londres, en 1972-1973, un programme de duos avec son complice Giuseppe di Stefano, mais ces enregistrements sont pour l’heure restés inédits).
Au cours de cette séance d’enregistrements, elle aborde pour la dernière fois deux nouveaux rôles : Gulnara et Medora du Corsaire de Verdi. Dans la belle romance que chante Medora lors de son entrée en scène, Callas délivre une véritable leçon de style : malgré l’usure évidente de la voix, elle donne à la page de Verdi son exacte pulsation rythmique, aux mots de Piave toute leur teneur poétique, et à la mélodie d’incomparables teintes mélancoliques, qu’aucune autre interprète, même dotée de moyens plus importants et d’un timbre plus pur (Caballé, Ricciarelli,…) ne sera en mesure de retrouver.
Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.