MARIA CALLAS – 100 ans, 100 rôles V. LE CRÉPUSCULE DE LA DIVINE (1961-1969)
À l’occasion du centenaire Callas, Première Loge évoque l’intégralité des rôles – ou partitions – abordés par Maria Callas au cours de sa carrière, de 1938 à 1969. Chaque rôle est illustré par un extrait audio et/ou vidéo, interprété par Callas (pas nécessairement l’année même où elle aborda l’œuvre) – ou par une autre chanteuse lorsqu’aucun enregistrement de Callas ne nous est parvenu.
Voyez ici notre dossier consacré à la chanteuse, et nos « 10 raisons d’aimer Maria Callas » !
Légende :
_____________ : œuvres chantées intégralement, sur scène et parfois au disque
_____________ : œuvres chantées en extraits, sur scène (en récital) et/ou au disque
_____________ : œuvres chantées intégralement, au disque uniquement
ET AUSSI…
I. Les années d’études
II. Premiers engagements professionnels
III. Les années de gloire
IV. L’incandescence tragique
1961-1969
Au tournant des années 60, la voix de Callas accuse une certaine fatigue et présente des failles qui iront en s’accentuant : le timbre perd de sa pulpe, l’aigu se fragilise, la transition entre les registres se fait plus difficile… Callas travaille d’arrache-pied pour tenter de pallier ces défauts, et multiplie les enregistrements, s’aventurant parfois en des terres jusqu’alors peu fréquentées (par exemple l’opéra français, notamment après son installation à Paris).
Or si l’instrument ne suit plus qu’imparfaitement les volontés de la chanteuse, la musicienne reste incomparable (les airs français gravés dans les deux récitals « Callas à Paris » respectent les indications des partitions avec une méticulosité remarquable) et le génie de l’interprète demeure intact…
1961
77. Orphée
Christoph Willibald Gluck, Orphée et Eurydice (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1961)
En mars-avril 61, Callas enregistre le premierdes deux albums Callas à Paris. Mise en confiance par Janine Reiss avec qui elle travaille, elle aborde plusieurs rôles français nouveaux pour elle, et s’aventure dans le registre de mezzo sans pourtant renoncer aux emplois de soprano. Si la moisson s’avère parfois inégale, quelques pépites surgissent… Plus encore que cet air d’Orphée – pour lequel Janine Reiss a, pour une fois, manqué de vigilance, laissant passer de regrettables erreurs de prosodie : « Quel-el[…] rigueur ! » ou, à la fin de l’air, « Sort cruel-le ! » -, on écoutera le « Pleurez mes yeux ! » de Chimène, empreint de noblesse tragique, ou les splendides airs de Samson et Dalila, magnifiquement phrasés. Non satisfaite de sa (superbe) version de « Mon cœur s’ouvre à ta voix » en raison d’un problème de respiration qui avait nécessité un raccord – à peine audible – avant la reprise finale de « Ah, réponds à ma tendresse… », Callas en avait interdit la publication : un exemple parmi tant d’autre d’autres de l’extrême exigence de la chanteuse vis-à-vis d’elle-même.
À noter : l’air des cartes de Carmen et celui de Thaïs, gravés lors de ces sessions d’enregistrement, sont à ce jour restés impubliés.
Orphée : “J’ai perdu mon Eurydice” (Orchestre national de la RTF, dir. Georges Prêtre, 1961)
78. Carmen
Georges Bizet, Carmen (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1961)
Habanera, Séguédille, Air des cartes (inédit)
« L’amour est un oiseau rebelle » (Hambourg, 1962)
« En vain, pour éviter… » (Orchestre de l’Opéra de Paris, dir. Georges Prêtre, 1964)
79. Dalila
Camille Saint-Saëns, Samson et Dalila (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1961)
« Amour, viens aider ma faiblesse », « Printemps qui commence », « Mon cœur s’ouvre à ta voix »
« Mon cœur s’ouvre à ta voix » (Orchestre national de la RTF, dir. Georges Prêtre, 1961)
80. Juliette
Charles Gounod, Roméo et Juliette (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1961)
« Je veux vivre »
« Je veux vivre » (Orchestre national de la RTF, dir. Georges Prêtre, 1961)
81. Chimène
Jules Massenet, Le Cid (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1961)
« De cet affreux combat… Pleurez, mes yeux »
« De cet affreux combat » (Hambourg, 1962)
82. Louise
Gustave Charpentier, Louise (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1961)
« Depuis le jour »
« Depuis le jour » (Orchestre national de la RTF, dir. Georges Prêtre, 1961)
83. Lucrezia
Gaetano Donizetti, Lucrezia Borgia (enregistrement studio, London, Kingsway Hall, 1961)
« Com’ è bello… »
« Com’ è bello… » (Philharmonia Orchestra, dir. Tonini,1961)
1962
84. Eboli
Giuseppe Verdi, Don Carlo (London, Royal Festival Hall)
“O don fatale”
Seul nouveau rôle abordé en 1962 : Eboli de Don Carlo, avec un « O don fatale » gravé en studio, et chanté en concert – notamment à Hambourg où, une fois de plus, le génie de la tragédienne éclate, dans le chant comme dans le jeu et la physionomie : voyez l’extrême gravité qui saisit la chanteuse pendant la brève introduction orchestrale, juste avant que n’éclatent les imprécations de la princesse. Nul doute qu’en ces années où Callas s’essayait au répertoire de mezzo, elle aurait pu être sur scène une splendide Eboli…
“O don fatale”, Hambourg, dir. Georges Prêtre, 1962
1963
85. Marguerite
Hector Berlioz, La Damnation de Faust (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1963)
« D’amour, l’ardente flamme »
« D’amour, l’ardente flamme » (Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. G. Prêtre, 1963)
86. Leila
Georges Bizet, Les Pêcheurs de perles (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1963)
« Me voilà seule dans la nuit »
« Me voilà seule dans la nuit » (Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. G. Prêtre, 1963)
87. Manon
Jules Massenet, Manon (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1963)
« Adieu, notre petite table »
« Je ne suis que faiblesse… Adieu, notre petite table » (18 mai 64, Orchestre national de la RTF, dir. G. Prêtre, 1964)
88. Charlotte
Jules Massenet, Werther (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1963)
« Werther… Werther… Qui m’aurait dit… »
« Werther… Werther… Qui m’aurait dit… » (Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. G. Prêtre, 1963)
89. Marguerite
Charles Gounod, Faust (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1963)
« Je voudrais bien savoir… Il était un roi de Thulé… Ah ! Je ris… »
« Je voudrais bien savoir… Il était un roi de Thulé… Ah ! Je ris… » (Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. G. Prêtre, 1963)
90. Soprano – Beethoven, “Ah, perfido !” (enregistrement studio, Paris, décembre 1963)
« Ah, perfido ! » (Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. N. Rescigno, 1963)
91. La Comtesse
Wolfgang Amadeus Mozart, Le Nozze di Figaro (enregistrement studio, Paris, décembre 1963)
“Porgi, amor”
“Porgi, amor” (Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. N. Rescigno, 1963)
92. Elvira
Wolfgang Amadeus Mozart, Don Giovanni (enregistrement studio, Paris, décembre 1963)
“Mi tradi”
Après Anna, Konstanze – et même Zerline dans ses années d’apprentissage ! -, Callas retrouve ici Mozart – qu’elle aura finalement assez peu fréquenté : si le « Porgi, amor » de la Comtesse appelle une pureté instrumentale que sa voix ne possède plus en 1963, le chant d’amour à la fois désespéré et révolté d’Elvire lui arrache des accents d’un dramatisme intense et d’une émotion poignante : à connaître absolument !
“Mi tradi” (Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. N. Rescigno, 1963)
93. Desdemona
Giuseppe Verdi, Otello (enregistrement studio, Paris 1963)
« Mia madre aveva una povera ancella… »
“Mia madre aveva una povera ancella… » (Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. N. Rescigno, 1963)
1964
94. Giselda
Giuseppe Verdi, I Lombardi alla prima crociata (enregistrement studio, Paris 1964)
“Te, Vergin santa”
Au tournant des années 63-64, Callas reprend le chemin des studios et renoue avec Verdi, retrouvant certains rôles chantés autrefois : Amelia du Bal masqué, Aida (fulgurante version de « Ritorna vincitor » !), et en abordant d’autres pour la première fois. La moisson s’avère inégale (l’Elisabetta de Don Carlo ou la Giselda des Lombardi manquent terriblement de stabilité), mais recèle quelques grandes beautés : le « Don fatale » d’Eboli, l’émouvant air du saule de Desdémone, le magnifique « Liberamente or piangi » d’Attila, la dramatique scène de Mina dans Aroldo…
“Te, Vergin santa” (Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. N. Rescigno, 1964)
95. Odabella
Giuseppe Verdi, Attila (enregistrement studio, Paris 1964)
« Liberamente or piangi… Oh ! Nel fuggente nuvolo »
« Oh ! Nel fuggente nuvolo » (Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. N. Rescigno, 1964)
96. Mina
Giuseppe Verdi, Aroldo (enregistrement studio, Paris 1964)
« Oh cielo ! Ove son io ?… »
« Oh cielo ! Ove son io ?… » (Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. N. Rescigno, 1964)
97. Adina
Gaetano Donizetti, L’elisir d’amore (enregistrement studio, Paris 1964)
« Prendi, per me… »
« Prendi, per me… » (Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. N. Rescigno, 1964)
98. Marie
Gaetano Donizetti, La Fille du régiment (version italienne ; enregistrement studio, Paris 1964)
« Convien partir… »
« Convien partir… » Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. N. Rescigno, 1964
1969
99. Gulnara
Giuseppe Verdi, Il corsaro (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1969)
« Vola talor… »
« Vola talor… » Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. N. Rescigno, 1969
100. Medora
Giuseppe Verdi, Il corsaro (enregistrement studio, Paris, salle Wagram, 1969)
« Non so le tetre… »
En 1969, Callas prend, pour l’avant-dernière fois, le chemin des studios (elle enregistrera encore à Londres, en 1972-1973, un programme de duos avec son complice Giuseppe di Stefano, mais ces enregistrements sont pour l’heure restés inédits).
Au cours de cette séance d’enregistrements, elle aborde pour la dernière fois deux nouveaux rôles : Gulnara et Medora du Corsaire de Verdi. Dans la belle romance que chante Medora lors de son entrée en scène, Callas délivre une véritable leçon de style : malgré l’usure évidente de la voix, elle donne à la page de Verdi son exacte pulsation rythmique, aux mots de Piave toute leur teneur poétique, et à la mélodie d’incomparables teintes mélancoliques, qu’aucune autre interprète, même dotée de moyens plus importants et d’un timbre plus pur (Caballé, Ricciarelli,…) ne sera en mesure de retrouver.