DISPARITION D’ELENA MAUTI-NUNZIATA : une autre grande prêtresse du patrimoine lyrique transalpin qui nous quitte…

D’une certaine façon, nous étions rassuré, hier, de lire dans la presse spécialisée de nombreux articles sur la disparition de la belle Elena Mauti-Nunziata qui, comme l’Adriana Lecouvreur de Francesco Cilea, et à l’instar de quelques autres – finalement pas si nombreuses que cela – pouvait clamer, sans trembler : « Io son l’umille ancella del Genio creator » (« Je suis l’humble servante du Génie créateur »).

Le parcours de la soprano lyrique, née près de Naples, à Palma Campania, le 28 juillet 1946, s’inscrit, en effet, dans les pas de celles et ceux issus de la partie parthénopéenne de la péninsule : conservatoire San Pietro a Maiella (ou Cilea, entre autres, enseigna !), travail avec la maestra Gina Cigna, concours international de chant de Palerme remporté…et tout naturellement débuts in loco, au teatro Massimo donc, dans le rôle de Liù (Turandot). Très vite, car la voix est non seulement superbe mais la personnalité scénique en impose – on la comparerait volontiers à une Anna Moffo ou à une Maria Chiara de ce seul point de vue -, Elena Mauti-Nunziata chante Mimi (La Bohème), Nedda (I Pagliacci), Elvira (I Puritani) et bien évidemment Violetta (La Traviata), des rôles dans lesquels nombre d’enregistrements « pirates » nous la restituent d’émotion splendide, de tenue vocale égale sur tout l’ambitus et de style impeccable.

C’est sans doute après avoir reçu le prestigieux prix Viotti que la carrière de cette artiste, de nature modeste, prend un essor évident : La Scala l’engage pour chanter dans le Saint des Saints les grands Puccini (Mimi, Liù, Cio-Cio- San…). En 1978, Elena Mauti-Nunziata fait des débuts remarqués outre-Atlantique (Madama Butterfly, I Puritani, Rigoletto à Chicago puis Dallas). Les années qui vont suivre la voient évoluer avec grand succès sur toutes les plaques tournantes de l’art lyrique international (Teatro Colón de Buenos-Aires, Caracas, Madrid[1], Hambourg, Munich, Vienne, arènes de Vérone, Monaco, Paris et Aix-en-Provence en Elvira de Don Giovanni). Au-delà du répertoire attendu de grand soprano lyrique, avec des incursions progressives vers le lirico spinto des Leonora d’Il Trovatore et de La Forza del destino voire de Turandot, cette belle artiste n’hésite pas à s’aventurer dans les splendeurs de la Francesca da Rimini de Zandonai ou de la Magda de La Rondine puccinienne, sans oublier l’opéra français (Marguerite de Faust, Leila des Pêcheurs de perles).

Retirée de la scène lyrique à la fin des années 1990, c’est à Monaco que vient de s’éteindre, à l’âge de 79 ans, l’une des plus intègres ambassadrices de la grande tradition du chant lyrique italien.

https://www.youtube.com/watch?v=hSeSyVpsBwE

[1] Une Violetta de prise de rôle, en 1977, qui en imposerait sur bien d’autres aujourd’hui tant vocalement (malgré un petit accident de son filé sur la fin d’Addio del Passato, tellement pardonnable à un tel niveau d’émotion !) que dramatiquement, face à l’Alfredo de…Kraus : que du bonheur !!! (voir la vidéo en fin de cet article)