En avril dernier, Sabine Teulon-Lardic nous proposait les portraits de 6 mezzos françaises qui, au-delà d’un hommage à Jane Berbié (qui fêtera ses 89 printemps en mai prochain), était une belle occasion de rappeler la vitalité et l’excellente forme actuelle du chant français – que confirme ce présent dossier consacrés aux ténors de l’hexagone, dans un un panorama nécessairement subjectif et incomplet…
Entre les ténors solaires de la péninsule italienne et les Heldentenor venus des contrées germaniques, les ténors français ont su se faire une place bien à eux, qui se caractérise par une élégance de la ligne de chant, une clarté de la diction et, très souvent, une douceur et une tendresse dans l’émission qui les font exceller dans les emplois de demi-caractère ou de ténors lyriques… mais pas que, comme nous allons le constater !
1. Roberto Alagna
Les nombreux rôles français d’Alagna ne doivent pas faire oublier ses succès dans le répertoire italien, en particulier dans les opéras de Verdi. Écoutons-le précisément dans une œuvre « franco-italienne » : Jérusalem, version remaniée par Verdi pour l’Opéra de Paris (en 1847) de I Lombardi alla prima crociata.
2. Sébastien Droy
Un ténor discret mais à la belle carrière. Loin des tons éclatants que l’on associe habituellement à la voix des ténors, le timbre de Sébastien Droy possède une couleur plus sombre ainsi qu’un immédiat pouvoir d’émotion. Il fut il n’y a guère un très touchant Sou-Chong du Pays du Sourire, un remarquable Franz des Fées du Rhin, et tout récemment un très beau Pylade dans l’Iphigénie en Tauride de Gluck. Le voici dans un duo du Chalet d’Adam « Adieu, vous que j’ai tant chérie »). Jodie Devos lui donne la réplique.
3. Jean-François Borras
Excellant dans les rôles lyriques français ou italiens auxquels le moelleux de son timbre et la franchise de son émission le destinent particulièrement, Jean-François Borras vient d’être un très beau Carlo VII de Giovanna d’Arco à l’Opéra de Metz. Dans l’extrait suivant, il déclare sa flamme à la Mimi de Puccini…
4. Julien Behr
Après ses débuts internationaux au Festival d’Aix-en-Provence en 2009 dans le rôle-titre d’Orphée aux Enfers, Julien Behr a abordé avec beaucoup de succès le répertoire mozartien (il excelle en Tamino de La Flûte enchantée, Ferrando de Così fan tutte, Ottavio de Don Giovanni ou Belmonte de L’Enlèvement au sérail). Il a fait paraître un CD (Confidence, chez Alpha) consacré au répertoire français, où il se montre également parfaitement à son aise. La saison 20-21 devrait lui permettre de chanter Bénédict (Béatrice et Bénédict), Pelléas, mais aussi Alfredo de La Traviata. Le voici dans le duo Nadir/Zurga des Pêcheurs de perles avec Florian Sempey.
5. Stanislas de Barbeyrac
Ténor mozartien par excellence, Stanislas de Barbeyrac est l’un des chanteurs français ayant une carrière internationale particulièrement riche. Il a en effet déjà été invité à Aix-en-Provence pour Tamino, Salzbourg pour David penitente, Londres pour Idoménée, ou New York pour Ottavio. Des incursions très réussies en territoires romantique allemand (Le Freischütz), verdien (La Traviata), ou poulencien (Dialogues des carmélites) laissent bien augurer d’une possible orientation vers des emplois un peu plus lourds. On est en tout cas impatient de découvrir son Don José à Bordeaux en mai-juin prochains.
La Flûte enchantée, « Wie stark ist nicht dein Zauberton » (Tamino)
6. Kevin Amiel
Timbre lumineux, projection ensoleillée : Kevin Amiel a conquis Camillo Faverzani dans son récent hommage à Pavarotti aux Invalides ! Retrouvons-le dans le répertoire de Big Luciano : l’air d’Alfredo au second acte de La Traviata – un rôle dans lequel il vent de remporter un très grand succès à l’Opéra de Bordeaux.
7. Cyrille Dubois
Mélodiste incomparable, Cyrille Dubois excelle dans les lieder de Franz Liszt comme dans les mélodies de Fauré, Duparc ou Lili Boulanger. À l’opéra, le ténor se montre curieux de tous les répertoires et aborde avec succès aussi bien Mozart que Rossini, Berlioz ou l’opéra contemporain (Trompe la Mort de Luca Francesconi). Son Fortunio (Messager) a remporté un triomphe à l’Opéra Comique en 2019. Il chante ici l’air de Gérald de Lakmé: « Fantaisie aux divins mensonges »…
8. Mathias Vidal
Trop vite cantonné au répertoire baroque, on en oublie que Mathias Vidal excelle également dans le répertoire classique (son Tamino, ou son Ferrando remportent de grands succès) , le bel canto (Le Comte Ory, Don Pasquale, La Sonnambula) ou le répertoire romantique français : en témoigne l’étonnant Faust de La Damnantion chanté à Versailles en 2018 sour la direction de François-Xavier Roth.
Berlioz, La Damnation de Faust, Versailles, 2018
9. Fabien Hyon
C’est peut-être l’un des ténors les plus prometteurs de la nouvelle génération. Il se distingue par son extrême polyvalence : Fabien Hyon se montre en effet tout aussi à l’aise dans le répertoire léger que dans les œuvres tragiques, dans le baroque que dans le romantisme ou encore dans le répertoire du XXe siècle : il fut notamment il y a quelque temps, un inattendu et très beau Pierrot lunaire de Schönberg…
Berlioz, Béatrice et Bénédict : "Ah, je vais l'aimer !"
10. Benjamin Bernheim
Son récent Alfredo à Bordeaux fut un modèle de beau chant (quel phrasé, quel legato, quelles nuances !) et d’interprétation : le ténor y a accompli le tour de force à rendre le pâlot Alfredo presque aussi bouleversant que Violetta ! Écoutons-le dans la Manon de Massenet, tout simplement « en fermant les yeux.. »