Ainsi donc, puisque nous voilà confinés comme Marguerite de Navarre (la Marguerite des Marguerites, sœur de François Ier, et non pas la Reine Margot qui labourait volontiers les vignes) dans la verte prairie de Cauterets suite à la violente crue du Gave, à défaut d’un Heptaméron, composons un billet « qui nous puisse délivrer de nos ennuyctz ».
Drôle de mot que ce « confinement » qui, aux yeux des anglicistes, évoque les douleurs des femmes en couche. Pour celles et ceux qui sentiraient déjà le renfermé et tourneraient en rond dans leur soupente, je vous propose de prendre la mer avec la Sea Symphony pour soprano, baryton, chœur et orchestre sur des poèmes de Walt Whitman, de mon ami Ralph Vaughan Williams.
Walt Whitman (1819-1892)
Ralph Vaughan Williams (1872-1958)
Écoutez-en les dix premières mesures et vous vous trouvez à Land’s End ou à la Pointe St Matthieu, revigorés par la brise marine qui entre à flot dans votre garni et fait s’envoler les toiles que la patiente araigne s’évertue à tisser entre ces poutres apparentes que vous fixiez auparavant d’un œil torve. Vous voilà réveillés, les poumons pleins d’air iodé et les bras grand ouverts face à la vague comme une figure de proue et le baryton vous invite à la danse avec une vigoureuse matelote à conseiller à tous les Zarathoustra qui s’agacent de la valse sucrée du poème de Strauss.
Turner, Tempête de neigene mer (1842)
Cette liberté soudaine et ces grands espaces vous effraient, réveillant vos angoisses métaphysiques et vos craintes des profondeurs, nourries par vos lectures pré-pubères de Vingt mille lieues sous les mers ? C’est la faute à RVW qui ouvre soudain des gouffres sous vos pieds avec quelques glissements harmoniques empruntés à Pélléas. Si la méditation du baryton sur la place de l’homme dans l’univers et le scherzo énergique mais inquiet qui suivent ne calment pas votre Sehnsucht, malgré la puissante mélodie largamente qui le conclut, passez au dernier mouvement « The Explorers ». Vous voilà sous les voûtes de la cathédrale de Gloucester, haut lieu de la tradition chorale anglaise, dans les stalles du chœur pour l’Evensong du dimanche avec des échos de grégorien ou de Thomas Tallis pour accompagner les splendeurs de la grande verrière du chevet qui flamboie au couchant.
Je passe sur les quelques emprunts à Elgar que pourraient indisposer les oreilles les plus délicates de certains d’entre vous qui, par principe, abjurent cette musique anglaise des XIXe et XXe pré-Britten, mais qui vont se vautrer dans les longueurs des symphonies d’un Bruckner repu de saucisses et de bière brune. Comme celle de Purcell, qui dresse le nez çà et là dans les parties chorales a capella, la musique de RVW, elle, je ne crains pas de le dire, a des couilles et si le petit motif trois noires-triolet de croches-noire qu’il brode tout au long de sa symphonie ne vous donne pas l’énergie que vous demandez à votre Guronsan, voyez votre généraliste de tout urgence.
Cheers !