Ce 5 juin, la Journée mondiale de l’environnement incite à se poser la question : l’Opéra peut-il devenir écoresponsable ? Sans céder aux simulacres du greenwashing, sans réduire la créativité des maisons d’opéra sur notre planète, il y a certainement moyen d’être à l’écoute de la planète après les rapports du GIEC sur l’accélération du dérèglement climatique (février 2022).
Du côté des productions et du management
2019 : la création de L’Inondation de J. Pommerat et F. Filidei repense le mode de création lyrique (Opéra-Comique, septembre 2019) et précède l’inondation de la Fenice à l’automne (novembre 2019). La presse internationale et les publics se sont plus émus de celle du Gran Teatro de la Fenice. Victime d’une « acqua alta » plus dévastatrice que les précédentes, les fondations du théâtre vénitien ont été atteintes et les représentations d’opéra, ajournées. Face à l’accroissement d’épisodes climatiques alarmistes, quelles mesures de transformation prennent les institutions théâtrales ? La prise de conscience en faveur du développement durable impacte-t-elle leur gouvernance ?
Si l’accès à la culture est un droit humain fondamental, le secteur lyrique peut le préserver tout en impulsant des propositions toujours attractives et ambitieuses artistiquement. Par la concertation de structures européennes existantes (Opera Europa, R.O.F., etc), la coproduction est source de mutualisation et donc d’économie. L’ex directeur de l’Opéra-Comique, Olivier Mantéi, imaginait un module de coproduction conciliant l’identité de plusieurs maisons d’opéra de taille et de budget similaires sur la base d’une coproduction tournante. Ce module impulserait collectivement « une réflexion sur le changement des pratiques pour envisager la mobilité des artistes dans une économie durable » (voir bibliographie ci-dessous). Depuis le premier confinement, certaines directions phosphorent d’ailleurs sur le retour à la « troupe de chanteur », actualisée selon les canons du XXIe siècle (voir les Opéras allemands). Quoiqu’il en soit, certaines maisons d’opéra sont d’ores et déjà soucieuses de puiser majoritairement leurs ressources dans leur territoire (la Région, le Land) : autant les matériaux écoresponsables que le vivier d’artistes.
Un second angle d’action vise le fonctionnement décarboné des maisons d’opéra. Certaines ont déjà accompli des travaux d’économie d’énergie. D’autres proposent la dématérialisation du billet de spectacle, l’interdiction du plastique (en coulisse et dans la buvette publique). Enfin, quelques-unes communiquent sur le budget carbone de chacune de leur production : dès lors, pourquoi ne pas établir un ratio entre les subventions publiques et ledit bilan ?
Enfin, des associations de recyclage de décors de théâtre travaillent à leur remploi potentiel, tout en signant des partenariats avec les institutions. C’est le cas d’Artestock avec le Capitole de Toulouse :
Du côté des publics
En Europe du Nord, les mobilités décarbonées sont en place depuis plusieurs décennies. Pour l’accès à chaque spectacle, des plateformes de covoiturage favorisent l’économie de déplacement tout autant que l’inclusion sociale. A Copenhague, l’accès aux différents théâtres par pistes cyclables performe celui des transports en commun : l’urbanisme est pensé en fonction des déplacements en mobilité « douce ».
Autre secteur, lors des manifestations Tous à l’opéra, certains ateliers de sensibilisation sur les décors mettent l’accent sur les processus préconisés par la Charte et guide de l’éco-spectacle. Idem pour les partenariats entre écoles et maisons d’opéra, lors de visite d’atelier de costumes.
Pour l’ensemble des solutions de développement durable appliquées au monde lyrique, se référer à la lecture d’une publication stimulante, signée par le ténor français Sébastien Guèze chez l’éditeur lyonnais Symétrie (bibliographie ci-dessous).
Pour aller plus loin …
. Sébastien Guèze, Biopéra. Un futur pour l’opéra ? Lyon : Symétrie, coll. Tempus perfectum, 2021.
. Olivier Mantéi, Dessous de scène. Histoires d’opéra, Paris : L’ Arche, 2021 (notamment p. 67-80).
2 commentaires
Précieux rappel Sabine : tous les secteurs, dont les arts vivants, peuvent apporter leur pierre au changement ! Deux compléments nantais :
1) la mobilité des publics étant un poste d’émissions de CO2 important, l’ONPL de Nantes offre le ticket de tramway à ses spectateurs https://onpl.fr/lonpl-vous-offre-votre-trajet-avec-la-tan/.
2) un consultant nantais est spécialisé dans la décarbonation du spectable vivant, Hervé Fournier de Terra 21. Il aide les maisons d’opéra et de théâtre à changer de braquet !
Précieux complément d’information en effet : merci Florent Yann !
Voilà des pratiques vertueuses à Nantes, qui vont s’en doute se propager …
Sabine Teulon Lardic