Nous avons récemment assisté à une représentation du Barbier de Séville à l’Opéra de Paris. S’agissant d’un opéra italien tiré d’une source française, l’actualité opératique nous inspire une brève considération allant au-delà de ce spectacle…
Faisant le compte rendu de Dangerous Liaisons, une sorte de pastiche tiré du roman épistolaire de Choderlos de Laclos, sur la musique de Vivaldi, agrémentée par le compositeur contemporain Vanni Moretto, un confrère de la presse écrite concluait en émettant le vœu d’entendre l’œuvre bientôt en France mais dans des dialogues traduits, arguant q.u’il serait difficile de concevoir les personnages s’exprimer autrement. C’est renier quelque peu l’histoire de l’opéra lui-même. Souhaiterions-nous le retour de ce temps révolu où les opéras étaient donnés dans la traduction de la langue du pays dans lequel ils étaient représentés ? Il barbiere di Siviglia en français sous le couvert de Beaumarchais ? Encore que l’action se déroule en Andalousie… Que dire alors de La traviata ou de La bohème pour ne prendre que des exemples du grand répertoire ? D’Andrea Chénier et d’Adriana Lecouvreur ? L’Euridice de Peri et une grande partie du répertoire des deux premiers siècles en grec ancien ? L’Armide de Lully, puis de Gluck, en italien, puisque tirée du Tasse ? Norma donnant la réplique en gaélique à Pollione qui lui répondrait en latin ? Et pourtant, le propre de l’opéra est de parler à toutes les cultures, indépendamment de la langue dans laquelle il est chanté… il aurait suffi de voir le public de ce soir, par ailleurs très jeune, pour comprendre sa portée universelle et sans frontières…
Nous vivons une drôle d’époque, pour utiliser un euphémisme, où les nationalismes reprennent le dessus, du reste pas que dans des contrées reculées. Que penserait notre confrère si nous lui proposions un Faust ou un Werther en allemand ou, pire, une Carmen en espagnol, le titre de Bizet n’ayant que des personnages et des décors ibériques, mais pas la source littéraire ? Il serait bon de laisser la musique, et l’opéra, en dehors de tout cela, dernier havre de paix… « Ecco che fa un’Inutil precauzione ».