Le long chemin vers l’égalité…
- Le Vaisseau fantôme, Munich, direction Simone Young
- Concert Tchaikovski, Paris, direction Oksana Lyniv
- Le Comte Ory, Metz, direction Corinna Niemeyer
- Eugène Onéguine, Liège, direction Speranza Scappucci
- Les Éclairs, Paris, direction Ariane Matiakh
- Concert lyrique, Montpellier, direction Teresa Riveiro Böhm
- Eugène Onéguine à Paris, direction Karina Canellakis
Ce sont sept spectacles lyriques auxquels il m’a été donné très récemment d’assister – ou auxquels j’assisterai bientôt. Leur point commun ? Tous sont dirigés par des femmes.
Augusta Holmès (1847-1903)
Antonia Brico (1902-1989)
Eve Queler (née en 1931)
Il y eut bien quelques pionnières : Augusta Holmès au XIXe siècle (outre ses talents de compositrice et de pianiste, elle fut aussi cheffe d’orchestre) ; Nadia Boulanger, Ethel Smyth ou Jane Evrard au début du XXe siècle. Plus près de nous, il y eut Antonia Brico, Eve Queler ou Jane Glover. Pourtant, jusqu’à il n’y a guère, Laurence Equilbey, Nathalie Stutzmann ou Emmanuelle Haïm apparaissaient encore comme des cas tout à fait exceptionnels de femmes appelées à conduire des orchestres. Ce n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui. Non que la parité ait été atteinte dans le domaine, loin s’en faut !! Mais il est de plus en plus fréquent – pas encore vraiment « banal », mais cela viendra ! – de voir la direction d’un orchestre confiée à une cheffe.
Il reste bien sûr encore énormément de chemin à parcourir : les cheffes d’orchestre sont certes de plus en plus nombreuses, mais elles sont encore trop peu nombreuses à être directrices musicales d’un ensemble ou d’un opéra, même si, là encore, les choses évoluent (Speranza Scappucci est directrice musicale de l’Opéra de Wallonie-Liège, Eun Sun Kim directrice musicale de l’Opéra de San Francisco, Oksana Lyniv directrice musicale de l’Opéra et de l’Orchestre Philharmonique de Graz,…).
Speranza Scappucci
Oksana Lyniv
Eun Sun Kim
Côté mise en scène, les femmes officient me semble-t-il depuis plus longtemps et plus fréquemment qu’à la baguette : serait-ce le mot « chef » qui aurait à ce point retardé l’accès des femmes à la direction d’orchestre ? Parmi les opéras récemment, actuellement ou prochainement donnés, nombreux sont ceux dont la mise en scène est confiée à une femme : Talestri au Perreux-sur-Marne (Bérénice Collet), Anna Bolena à Genève (Mariame Clément), Rigoletto à Montpellier (Marie-Ève Signeyrole), L’Orfeo à Paris (Pauline Bayle), La Dame blanche à Rennes (Louise Vignaud), Hippolyte et Aricie à Paris (Jeanne Candel), Cenerentola à Montpellier (Alicia Geugelin), La Princesse jaune à Tours (Géraldine Martineau), Aida et Les Noces de Figaro à Paris et Aix-en-Provence (Lotte de Beer),…
Là où, nous semble-t-il, l’injustice est la plus criante, c’est dans le choix de femmes nommées pour diriger un établissement ou un théâtre. Il y a bien sûr, pour nous en tenir à la France, Valérie Chevalier à l’Opéra de Montpellier, ou Caroline Sonrier à l’Opéra de Lille. Il y avait tout récemment la regrettée Eva Kleinitz à l’Opéra du Rhin. Mais c’est très peu… Un chiffre parle de lui-même : aucune femme n’a jamais dirigé un opéra à Paris ! Outre Atlantique ou dans les pays nordiques, la situation, sans être idyllique, est moins inégalitaire qu’en France, où l’on accuse en ce domaine un retard vraiment choquant.
Terminons pourtant sur une note positive : les choses bougent me semble-t-il, lentement mais sûrement. J’en veux pour preuve la réaction du public aux tout derniers spectacles dirigés par des femmes auxquels il m’a été donné d’assister. La réaction, ou plutôt, l’absence de réaction : voir une femme prendre la baguette face à un orchestre suscitait, il y quelques années encore, des réactions de surprise au sein du public. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Preuve s’il en était besoin qu’en ce domaine comme en tant d’autres, les mentalités évoluent finalement assez vite : il suffit de briser un tabou, de forcer un peu les choses, de mettre les gens devant le fait accompli… et les lignes bougent souvent plus facilement et plus rapidement qu’on ne pouvait craindre.
Quoi qu’il en soit, la question de la parité sera résolue… quand elle ne se posera plus ! C’est-à-dire lorsqu’on cessera de compter les hommes et les femmes au sein des équipes, ou de se demander si telle personne occupe ce poste parce qu’elle est une femme ou un homme ; en d’autres termes, quand on estimera que les artistes et responsables occupent leurs postes et fonctions tout simplement parce qu’elles ou ils sont les meilleur.e.s en leur domaine !