Le 2 décembre 1923, à New York, naissait Sophia Cecilia Kalogeropoulos, une petite fille d’immigrés grecs qui allait quelques années plus tard, sous le nom de Maria Callas, révolutionner l’art lyrique, être adulée et déchaîner les passions.
Bien sûr, il y eut après Callas d’autres immenses stars du chant : Gencer, Sutherland, Caballé, Rysanek, Freni, Vichnevskaïa, ou plus près de nous Fleming, Netrebko… Mais aucune autre ne cristallisa autant l’attention des mélomanes ni ne suscita de débats à ce point passionnés. C’est que l’art de Callas, comme celui de tout grand génie, fut loin d’être consensuel et opéra plusieurs révolutions : esthétiques, techniques, stylistiques. De celle qui remit la vérité dramatique au cœur de l’interprétation des personnages d’opéra, Visconti disait qu’elle était la plus grande actrice depuis Eleonora Duse ; Bernstein comparait sa présence scénique à « de l’électricité à l’état pur » ; Schwarzkopf renonça à Traviata après l’avoir entendue dans ce même rôle, et déclara que ce qu’elle faisait dans le long récitatif précédant le « Ah, non credea » de Sonnambula (une page à l’opposé du répertoire et de la sensibilité de l’illustre soprano allemande !) était proprement miraculeux.
Le miracle ? C’est peut-être que, même privé de toute une dimension – à savoir son aspect visuel (il ne nous reste que des photos de Callas en scène, et de trop rares et brefs témoignages filmés) –, l’art de Callas continue de fasciner et de questionner. Alors que l’écoute de tant d’autres chanteuses ou chanteurs de sa génération suscite chez l’auditeur une pointe de nostalgie devant un art révolu, fascinant mais appartenant au passé, le chant de Callas reste étonnamment moderne et même, osons le dire, d’avant-garde dans l’urgence dramatique absolue qui s’en dégage, la volonté de ne jamais sacrifier le texte à la musique ni la musique au texte, mais d’opérer constamment un parfait équilibre entre les mots et la phrase musicale.
L’opéra d’aujourd’hui doit beaucoup à Maria Callas, qui redonna vie à tout un répertoire oublié (ou assez mal traité avant les années 50), renoua avec certains langages stylistiques dont on avait perdu les clés (le belcanto du premier ottocento), rappela salutairement que l’opéra est musique mais aussi théâtre, et continue de susciter, sur la seule autorité de son nom, un intérêt, une curiosité, voire des vocations chez les néophytes désireux de découvrir l’art lyrique.
Aussi sont-ils nombreux, ceux qui souhaitent lui rendre hommage en cette année du centenaire : plusieurs ouvrages consacrés à la Divine paraissent, dont une BD évoquant sa relation avec Pasolini ; des concerts sont organisés (dont celui ayant lieu ce soir au Palais Garnier avec, entre autres, Sondra Radvanovsky) ; sont proposés également des émissions ou reportages (nous reviendrons sur le très beau documentaire de l’Opéra national grec, consacré aux années grecques de la chanteuse, qui sera diffusé sur France Télévisions le 8 décembre prochain), ou encore des rééditions de ses enregistrements (dont le coffret de 161 CDs récemment paru chez Warner),…
Callas a par ailleurs accompagné les lecteurs et lectrices de Première Loge tout au long de cette année. Pour rappel, vous pourrez trouver sur notre site les articles suivants :
- Une courte biographie de la chanteuse.
- Une chronologie rappelant les dates essentielles de sa carrière suivie de nos Dix raisons d’aimer Callas
- Notre feuilleton « Maria Callas : 100 ans, 100 rôles », détaillant tous les rôles interprétés par la chanteuse, qu’ils aient été gravés au disque ou non. Ce feuilleton comporte 5 chapitres :
- Les années d’études
- Premiers engagements professionnels
- Les années de gloire
- L’incandescence tragique
- Le crépuscule de la Divine.
Pour votre apport inestimable à l’art, à l’opéra, au chant, pour les émotions intenses, les passions, les vocations que vous avez suscitées, MERCI… et Χρόνια πολλά, Μαρία !