La collection Sony Classical Opera réédite actuellement plusieurs albums d’opéras, à un prix extrêmement doux (moins de 10 euros l’intégrale !). S’ils ne constituent pas nécessairement des références discographiques, tous ou presque présentent une plusieurs raisons pouvant justifier leur acquisition… Deuxième intégrale chroniquée pour Première Loge : Il Tabarro de Puccini.
Giorgetta : Leontyne Price
La Frugola : Oralia Dominguez
Michele : Sherrill Milnes
Luigi : Plácido Domingo
Il Tinca : Piero de Palma
Il Talpa : Robert El Hage
Venditore di canzonette : Philip Langridge
Due amanti : Nigel Rogers, Elizabeth Gale
John Alldis Choir, New Philharmonia Orchestra, dir. Erich Leinsdorf
Il Tabarro
Opéra en un acte de Giacomo Puccini, livret de Giuseppe Adami, créé au Metropolitan Opera (New York) le 14 décembre 1918.
1 CD Sony Classical Opera, enregistré à Londres en juin-juillet 1971.
Il Tabarro est l’un des rares opéras de Puccini à pouvoir être qualifié de « vériste » (le compositeur lucquois n’appartint jamais, rappelons-le, à ce mouvement), au moins pour le sujet traité, ne se déroulant ni en Chine, ni au Far West, ni dans la Rome napoléonienne, ni au Japon, mais dans un Paris contemporain du musicien et de ses librettistes (l’œuvre fut créée en 1918, soit huit ans après les événements relatés). Quoi qu’il en soit, vériste ou pas, ce premier volet du Triptyque nécessite trois grands gosiers, à l’émission saine et franche, et trois chanteurs à l’impeccable diction – le texte de ce type d’œuvres important autant que la musique.
Au regard de la distribution réunie par RCA dans cet enregistrement réalisé en 1971 et réédité par Sony Classical Opera, on pourrait croire que nous tenons là la version idéale de l’œuvre. Est-ce vraiment le cas ? Presque… En ce début des années 70, les trois monstres sacrés que sont Plácido Domingo, Leontyne Price et Sherrill Milnes sont en pleine possession de leurs (très grands) moyens. Le baryton américain, qu’en d’autres occasions nous trouvons parfois un peu monolithique, plie ici sa grande voix et son timbre d’airain au rôle de Michele dont il met très justement en valeur le côté fragile et blessé… Un assassin, certes, mais aussi un homme qui a terriblement souffert – ce que cette tragédie du non-dit ne laisse que deviner sans que toute la lumière soit jamais réellement faite sur les événements passés qui hantent les personnages. Domingo est évidemment parfaitement à son aise dans cet emploi d’homme amoureux, tendre, entier. Son Luigi est sans doute l’un des plus émouvants de la discographie. Reste Leontyne Price, égale à elle-même. Le timbre est somptueux, avec déjà cet aigu qui s’amenuise quelque peu dans l’aigu (mais à peine) et cette raucité si caractéristique des graves… Somptueux ? Un peu trop même, pour ce personnage de femme du peuple, simple épouse d’un propriétaire de péniche. Giorgetta appelle sans doute moins d’opulence, moins de sophistication, ainsi qu’une diction plus nette, un verbe plus franc, plus acéré. C’est pourquoi il est possible de lui préféré une Renata Scotto, au timbre évidemment moins riche mais excellente diseuse (six ans plus tard chez CBS, sous la direction de Lorin Maazel, avec de nouveau Domingo), ou Mirella Freni dans la version Bartoletti (Decca, 1991).
Le New Philhamonia Orchestra fait le job sous la baguette efficace d’Erich Leinsdorf, et on retrouve avec surprise Oralia Dominguez, l’Amneris de Callas à Mexico en 1951, en Frugola (la voix sonne bien usée pour une chanteuse alors âgée de 46 ans…), et Philip Langridge et Nigel Rogers dans les tout petits rôles du vendeur de chansons et de l’amoureux.
Une version hautement recommandable, proposée à un très petit prix…