Elsa Dreisig, soprano
Adèle Charvet, mezzo-soprano
Stéphane Degout, baryton
Célia Oneto Bensaid, Florian Caroubi, Romain Louveau, piano
Olivia Darlic, récitante
Rita Strohl (1865 – 1941), une compositrice de la démesure.
Volume 1 : Musique vocale
2 CD, La Boîte à pépites, 2022-2023
Disque 1
Bilitis I, Lykas
Bilitis Ii, La Partie d’osselets
Bilitis Iii, La Quenouille
Bilitis Iv, La Flûte de Pan
Bilitis V, La Chevelure
Bilitis Vi, Roses dans la nuit
Bilitis Vii, Les Remords
Bilitis Viii, Le Sommeil interrompu
Bilitis Ix, Bilitis
Bilitis X, Le Serment
Bilitis Xi, La Nuit
Bilitis Xii, Berceuse
Quand La Fûte De Pan I, Mouvement Modéré
Quand La Fûte De Pan Ii, Vite
Quand La Fûte De Pan Iii, Assez Lent
Quand La Fûte De Pan Iv, Lent
Quand La Fûte De Pan V, Très Mouvementé
Quand La Fûte De Pan Vi, Assez Lent
Disque 2
Six Poésies De Baudelaire Mises En Musique I, Un Fantôme
Six Poésies De Baudelaire Mises En Musique Ii, Spleen
Six Poésies De Baudelaire Mises En Musique Iii, Obsession
Six Poésies De Baudelaire Mises En Musique V, Remords Posthumes
Six Poésies De Baudelaire Mises En Musique Vi, Madrigal Triste
Dix Poésies Mises En Musique I, Barcarolle
Dix Poésies Mises En Musique Ii, La Cloche Fêlée
Dix Poésies Mises En Musique Iii, Chanson D’Automne
Dix Poésies Mises En Musique Iv, Le Moulin à vent
Dix Poésies Mises En Musique V, Le Revenant
Dix Poésies Mises En Musique Vi, Vieilles Cloches
Dix Poésies Mises En Musique Vii, La Momie
Dix Poésies Mises En Musique Viii, La Tristesse De La Lune
Dix Poésies Mises En Musique Ix, La Mort Des Pauvres
Dix Poésies Mises En Musique X, L’Epinette
Carmen
Comme son nom ne l’indique pas très clairement, le label La Boîte à Pépites, créé au printemps 2022, se donne pour mission d’enregistrer des œuvres de compositrices. Après un premier coffret mettant en avant des œuvres de Charlotte Sohy, voici que paraît ce qui s’annonce comme le premier volume d’une série de disques consacrés à Rita Strohl. L’identité visuelle du label est très reconnaissable, avec ses illustrations très « ligne claire », qui rappellent aussi le style de l’illustrateur Floc’h, à qui l’on devait notamment l’affiche du film Smoking / No smoking. Dans le cas présent, la question qui se pose serait plutôt Singing / No singing.
La redécouverte de la compositrice française Rita Strohl (1865-1941) a en effet démarré avec la révélation, il y a quelques années, d’une de ses œuvres de chambre, la sonate pour violoncelle et piano intitulée Titus et Bérénice, dont il existe à présent trois versions discographiques. L’an dernier, une étape supplémentaire était franchie avec la parution chez Hortus d’un enregistrement de son cycle de mélodies, Douze Chants de Bilitis. Et en mars de cette année, le gros coffret Compositrices publié par le Palazzetto Bru Zane incluait d’autres pages de Rita Strohl, tant instrumentales que vocales. Sans oublier les quatre mélodies sur des poèmes de Baudelaire interprétées en février par Laurence Kilsby lors du concert l’Académie de l’Opéra de Paris en hommage aux compositrices.
On passe ici à la vitesse supérieure, puisque s’annonce une exploration plus large de sa production. Une question se pose néanmoins : si ce premier coffret s’intitule « Musique vocale », c’est sans doute que le ou les suivants ne chanteront pas. Or, la lecture du livret d’accompagnement montre que, comme son aînée Augusta Holmès, Rita Strohl ne se borna pas à écrire des partitions chambristes, mais voulut également aborder le très grand genre : la symphonie dramatique pour soli, chœur et orchestre, le drame lyrique ou le « cycle mystique » pour effectifs pléthoriques. Comme il paraît peu probable – sauf miracle dont on se réjouirait évidemment – que ces compositions ambitieuses soient ressuscitées, il est à craindre que le retour de Rita Strohl reste partiel. No singing, donc, tant que ne seront pas interprétées La Femme pécheresse ou La Légende de Hu-Gadarn…
Deux CD de mélodies, c’est néanmoins déjà beaucoup, c’est plus que ce que l’on connaissait jusqu’ici des compositions vocales de Rita Strohl. On retrouve bien sûr Bilitis, mais sans qu’il y ait véritablement doublon, puisque le chant limpide d’Elsa Dreisig, très Bilitis version Debussy, contraste avec cette sensualité qui était la caractéristique de Marianne Croux sur le disque Hortus. Strohl aimait décidément beaucoup Baudelaire, qui lui inspira des mélodies dignes de rejoindre les classiques du genre signés Duparc et d’autres : Stéphane Degout livre une interprétation expressionniste des Six Poésies de Baudelaire (1894), Adèle Charvet se montrant à l’inverse un peu trop réservée, peut-être, dans les Dix Poésies mises en musique (1901) où Baudelaire côtoie Verlaine, Rodenbach et le plus confidentiel Achille Segard ; la mezzo se libère davantage pour « Carmen » sur un texte de Théophile Gautier. Enfin, sans doute faute d’autres mélodies à enregistrer, on a fait figurer sur le premier CD de cet album un cycle de six pièces pour piano qui sont accompagnées d’un poème intitulé « Quand la flûte de Pan », mais les passages déclamés par la récitante Olivia Dalric n’interviennent même pas en mélodrame, sauf dans un cas, et sont simplement lus avant que le morceau ne soit joué par Célia Oneto Bensaïd. No singing, donc. Il est temps, cela dit, de mentionner les instrumentistes qui doivent relever le défi de ces partitions, car Rita Strohl, elle-même pianiste, ne leur a pas toujours facilité la tâche : Romain Louveau et Florian Caroubi se montrent tout à fait à la hauteur de l’enjeu et sont, eux aussi, les meilleurs ambassadeurs possibles d’une musique qui ne demande qu’à être à nouveau écoutée.