Pumeza Matshikiza, soprano
Sarah Connolly, mezzo-soprano
Joshua Stewart, ténor
Ashley Riches, baryton
BBC Symphony Chorus, BBC Symphony Orchestra, dir. Andrew Davis
A Child of our time
Oratorio de Michael Tippett, livret du compositeur, créé le 19 mars 1944 à l’Adelphi Theatre, Londres.
1 CD Chandos, 3 mai 2024.
Il y a sans doute de bonnes (et de moins bonnes) raisons si Sir Michael Tippett (1905-1998) s’exporte beaucoup moins bien que son compatriote et contemporain Britten. Raisons musicales, car ses compositions n’ont pas la même séduction que celles de Britten, peut-être en partie délibérément. Raisons littéraires, aussi, car pour ses cinq opéras autant que pour ses divers œuvres chorales, Tippett choisit d’être son propre librettiste : n’est pas Wagner qui veut, et le résultat n’est pas toujours pleinement convaincant sur le plan théâtral, alourdi par des considérations influencées par la psychanalyse jungienne. Pour sa toute première œuvre vocale, qui reste aujourd’hui la plus célèbre, A Child of Our Time, il avait d’abord sollicité le poète T.S. Eliot, qui lui conseilla plutôt d’écrire lui-même son texte.
En réaction à la Nuit de Cristal, Tippett voulut écrire une protestation, une interrogation sur le mal dont l’humain est capable, tout en exaltant la résistance que l’esprit pouvait y opposer. Sur ce noble programme, il conçut une partition d’une durée extrêmement raisonnable – à peine plus d’une heure – mais exigeant quatre solistes, un chœur et un orchestre assez fourni. Ecrite entre 1939 et 1941, elle ne fut cependant créée qu’en mars 1944, avant d’être reprise un peu partout en Europe et aux Etats-Unis par les interprètes les plus prestigieux (mais elle semble avoir dû attendre 1996 pour être donnée en France). En dehors de son écriture dépouillée, la principale originalité de cet oratorio est d’inclure, sous forme à peine modifiée, d’authentiques spirituals parmi les plus connus de ce répertoire : l’auditeur reconnaîtra sans peine Steal Away, Nobody Knows ou Go Down, Moses.
Parmi les artistes qui assurèrent la première en 1944 figuraient Joan Cross et Peter Pears, qui seraient un an plus tard les héros de Peter Grimes. Un premier enregistrement fut réalisé en 1958, mais l’œuvre connut son véritable lancement au disque grâce à la version dirigée par Colin Davis en 1975, avec, excusez du peu, Jessye Norman et Janet Baker, entre autres. Ledit Sir Colin Davis récidiva d’ailleurs, plusieurs lives ayant été publiées plus récemment. C’est à Sir Andrew Davis, qui vient de décéder, que le Chandos avait confié l’enregistrement qui paraît en ce mois de mai (le label britannique avait déjà à son catalogue une gravure dirigée en 1992 par Richard Hickox).
La distribution de la nouvelle version compte hélas un point faible. Rien à redire sur les interventions du ténor Joshua Stewart, toujours expressif dans une tessiture tendue, du baryton Ashley Riches, plein d’autorité, ou de la mezzo, malgré un léger vibrato désormais sensible dans les notes les plus aiguës de Dame Sarah Connolly. Non, le problème vient de Pumeza Matshikiza, lancée il y a quelques années par un battage publicitaire qui voulait faire d’elle la « diva des townships ». Si le timbre n’est pas sans beauté, la diction est résolument aux abonnés absents, et on ne comprend pas un mot de ses (nombreuses) interventions. Dommage, car la belle prestation du BBC Symphony Orchestra et du BBC Symphony Chorus et ce qui est peut-être l’ultime enregistrement de Sir Andrew Davis méritaient mieux.