CD – Contemplation par Huw Montague Rendall : éclectisme… et charisme !
Huw Montague Rendall, baryton
Opéra Orchestre Normandie Rouen, dir. Ben Glassberg
Contemplation
Œuvres de Thomas, Gounod, Korngold, Mahler, Mozart, Duparc, Messager, Britten, Rodgers.
1 CD Erato, 2024.
Il y a bien Manuel Garcia et Pauline Viardot et Maria Malibran ; Louis Quilico et Gino Quilico ; André Dran et Thierry Dran puis Julien Dran ; Cecilia Gasdia et Anastasia Bartoli… La liste est loin d’être exhaustive bien sûr, mais quoi qu’il en soit, les chanteurs ayant transmis leur art à leurs enfants ne sont pas légion. Pour Huw Montague Rendall, le cas est particulier puisque ce sont ses deux parents qui ont fait les beaux soirs des scènes lyriques dans les années 1980/2000 : Diana Montague a notamment enregistré la célèbre Iphigénie en Tauride de Gardiner (c’était l’une des premières fois où le rôle-titre n’était pas confié à une soprano « grand format ») ou encore Isolier dans Le Comte Ory dirigé par ce même chef (deux intégrales Philips) ; quant à David Rendall, il se produisit plusieurs fois en France : il chanta divers Mozart à l’Opéra de Paris, Titus de La Clémence à Aix, fut l’un des Hoffmann de Contes de Polanski, et l’on se souvient également d’un beau Faust de La Damnation salle Pleyel sous la direction de Daniel Barenboim en 1989…
Mais Huw Montague Rendall est bien loin de n’être que « le fils de ». Depuis quelques années déjà, son talent l’a fait remarquer sur diverses salles européennes, et plus particulièrement françaises : Première Loge a applaudi entre autres son Almaviva nancéen en 2020, son Papageno ou son Mercutio de l’Opéra Bastille, respectivement en 2022 et 2023, ou encore son Pelléas à Aix en juillet dernier.
Le baryton britannique connaît aujourd’hui les honneurs des studios d’enregistrement, avec un CD dont la conception, avant l’écoute, laisse un peu perplexe… Pour composer un programme de disque, on peut soit chercher un fil conducteur en se référant au répertoire d’un glorieux chanteur du passé (voir le récent hommage à Viardot de Marina Viotti), aux œuvres d’un compositeur, à une esthétique particulière ; soit jouer la carte de l’éclectisme, en proposant notamment, comme carte de visite, un panel des rôles dont le chanteur est familier (c’est par exemple ce qu’avait fait Karita Mattila en 2001 avec son CD Arias & scenes, mêlant des pages de Tchaïkovski, Puccini, Wagner, Verdi, Janáček, Lehár). C’est cette deuxième option que Huw Montague Rendall, efficacement accompagné par l’Opéra Orchestre Normandie Rouen dirigé par Ben Glassberg, a choisie – avec un éclectisme qui n’est pas loin de ressembler à un inventaire à la Prévert : opéra romantique français, lieder, opérette, comédie musicale américaine, Britten, Mozart,… Et puis le titre : pourquoi diable Contemplation ?
Et pourtant… À l’écoute, le résultat est assez bluffant (précisément dans la capacité de l’interprète à rendre justice à des styles et esthétiques très différents) et surtout extrêmement séduisant. Nous étions impatients de réentendre le baryton dans Mozart qu’il a si bien servi en France. Contre toute attente, même s’il s’y montre parfait styliste, ce n’est pas là qu’il nous éblouit le plus. Peut-être précisément parce que nous connaissons déjà ses interprétations des Noces, de Don Giovanni ou de La Flûte. Mais elles sont en fait supplantées par ses interprétations des autres œuvres, irrésistibles dans l’élégance et l’intelligence qu’il leur apporte. Qui plus est, dans le répertoire français (Hamlet, Valentin de Faust, Duparc), la diction et le phrasé se révèlent être à peu près idéaux : ne ratez pas son Pelléas (aux côtés de la Mélisande de Sabine Devieilhe) dans la nouvelle production du chef-d’œuvre de Debussy signée Wajdi Mouawad, qui sera donnée à l’Opéra Bastille en février et mars prochains !
Le « Look Through the Port » de Billy Budd est poignant et l’air de la Rose (Monsieur Beaucaire) hyper classieux ! Mais là où le style du chanteur, ses moyens et ses nuances font vraiment merveille, c’est peut-être dans Mahler (Lieder eines fahrenden Gesellen) et Korngold, avec un magnifique « Mein Sehnen, mein Wähnen » de Fritz (Die tote Stadt).
Signe du charme certain distillé par cet album : l’envie irrésistible de le réécouter une fois la dernière plage lue ! Si vous ne connaissez pas déjà ce superbe baryton, voici une très belle occasion de le découvrir.