MARINA REBEKA, Elle
Marina Rebeka, soprano
Sinfonieorchester St. Gallen, dir. Michael Balke
Extraits de Louise, Hérodiade, Le Cid, Faust, Carmen, Les Pêcheurs de perles, Manon, Roméo et Juliette, Thaïs, L’Enfant prodigue.
1 CD Prima Classic, mai 2020
Une artiste rare au sommet de son art et de ses moyens.
Pour moi, c’est sûr, « ELLE » est d’ailleurs !
La notoriété de Marina Rebeka va grandissant, et ce n’est que justice, cette artiste rare apparaissant aujourd’hui au sommet de son art et de ses moyens. Un récent récital à l’ Éléphant Paname (en avril 2019), au cours duquel elle avait chanté Donizetti, Wagner, Fauré ou Schubert, avait déjà montré l’incroyable versatilité de son talent et ses affinités avec le répertoire français, qu’elle défend régulièrement (Thaïs à Salzbourg, Faust à Riga ou Madrid, Guillaume Tell à New York, Les Pêcheurs de perles à Chicago,…) parallèlement à ses interprétions bien connues du répertoire italien. Cet album les confirme, et de la plus belle manière.
Dans un français souvent parfaitement compréhensible, Marina Rebeka s’approprie avec maestria des rôles qui comptent assez peu de titulaires remarquables en raison d’une écriture sollicitant souvent à la fois les registres élégiaques (Leïla), virtuoses (la valse de Juliette, l’air des bijoux de Marguerite), lyriques (Thaïs, Louise), voire lyrico-dramatiques (l’air du poison de Juliette).
Or Marina Rebeka passe sans effort apparent d’un registre à l’autre : sa technique belcantiste lui permet de chanter les lignes vocalisantes de Juliette ou Marguerite avec naturel et facilité ; sa puissance vocale confère un relief saisissant aux airs de Chimène (« Pleurez, mes yeux ») ou Juliette (« Amour, ranime mon courage »), encore accru par une attention constante portée aux mots et un authentique tempérament de tragédienne. La chanteuse ne cède par ailleurs jamais à l’hédonisme ou à la complaisance : respectant toujours scrupuleusement la partition, elle refuse de faire de la beauté sonore une fin en soi, et donne à entendre une ligne de chant constamment ferme, un timbre chatoyant mais sans guimauve, une interprétation raffinée mais dépourvu de mièvrerie.
Tout ceci ne serait pas possible sans une parfaite maîtrise technique. Sur ce point, l’air qui ouvre l’album (« Depuis le jour… » de Louise) est un enchantement : longueur du souffle, legato, allègements et amplifications à volonté, extrême variété des couleurs, on ne sait qu’admirer le plus. Les couleurs irisées et le subltil crescendo/decrescendo dont elle pare l’aigu de « Je suis heureuse » sont tout simplement stupéfiants de beauté !
Ajoutons à cela que Michael Balke et le Sinfonieorchester St. Gallen offrent à la chanteuse un accompagnement extrêmement soigné et que le programme, faisant alterner les grands airs du répertoire français avec quelques pages plus rarement entendues ( l’air de Salomé d’Hérodiade, « Ô messager de Dieu » de Thaïs, « Il ne revient pas » de Faust, « L’année en en vain chasse l’année » de L’Enfant prodigue) est habilement conçu. Voilà de quoi nous faire patienter en attendant de retrouver Marina Rebeka sur une scène française… et pourquoi pas dans un rôle en français ?