Jacques Offenbach, POMME D’API / SUR UN VOLCAN
Catherine / Katrina Magali Léger
Gustave / Saint-Elme Florian Laconi
Rabastens / Trafalgar Marc Barrard
Kölner Akademie, dir. Michael Alexander Willens
Pomme d’Api
Ppérette en un acte de Jacques Offenbach, livret de Ludovic Halévy et William Busnach, créée le 4 septembre 1873 au Théâtre de la Renaissance à Paris.
Sur un volcan
Opérette en un acte de Jacques Offenbach et Ernest Lépine, livret de Joseph Mery, créée le 29 décembre 1855 au Théâtre des Bouffes-Parisiens.
Enregistré dans la Deutschlandfunk Kammermusiksaal du 17 au 20 septembre 2018
1 CD CPO 555 268-2 (2020) – 82’23
Un nouvel enregistrement de Pomme d’Api ? On est évidemment preneur, car l’unique version de studio disponible aujourd’hui, gravée par Manuel Rosenthal en 1982, pâtit d’une distribution seulement en partie adéquate (1). Il ne devait donc pas être difficile de proposer mieux. Surtout, on pouvait être espérer que serait enfin respectée l’identité vocales des personnages telle qu’Offenbach l’avait voulu. Hélas, rien de tel, et l’on s’étonne un peu de lire sous la plume de Jean-Christophe Keck, dans le livret d’accompagnement : « Gustave fut confié par la suite tantôt à un ténor, tantôt à une voix féminine. Et dans le cas présent, il faut bien admettre que si la couleur vocale initiale des ensembles est forcément dénaturée, la véracité théâtrale y gagne nettement ». De quelle véracité s’agit-il là ? De celle qui poussait à confier le Jules César de Haendel ou l’Orphée de Gluck à un baryton dans les années 1950 ? De celle qui aboutira peut-être un jour à faire chanter Octavian par un contre-ténor ? Et que la musique soit « forcément dénaturée » ne pose pas plus de problème que ça à un grand défenseur d’Offenbach ? Étrange, quand même…
Il faut donc une fois de plus s’accommoder d’un Gustave ténor, mais ce ténor est sans doute le meilleur élément de la distribution réunie pour ce disque CPO ; une chance, car le rôle est peut-être le plus développé et celui qui a inspiré à Offenbach quelques-uns de ses plus beaux airs. Florian Laconi offre ici une ligne de chant exemplaire, sans le moindre débordement, avec une grâce qui transforme pratiquement le jeune homme en un poète éthéré, et qui ne l’empêche pas de conclure son premier air sur un aigu claironnant. Face à ce superbe neveu, l’oncle n’est pas tout à fait à la hauteur : côté dialogues parlés, Marc Barrard s’en sort plutôt très bien, mais il esquive systématiquement les notes les plus aiguës, qu’il transpose à l’octave avec un résultat pas toujours très heureux, surtout dans les échanges avec l’héroïne dans l’air « Bonjour, monsieur, je suis la bonne ». Reste le cas de Magali Léger, dont la carrière n’a pas vraiment tenu les promesses de ses débuts. La voix paraît ouatée, la diction devient floue dans l’aigu, avec des allègements excessifs, pour éviter un forte peu agréable. Tout cela manque de mordant, et la responsabilité en incombe aussi, en grande partie, à la direction du chef américain Michael Alexander Willens : très propre, très soignée, elle est hélas dépourvue de tout l’esprit et de tout le piquant que l’on attend pour une œuvre d’Offenbach. Pour cela, on renverra l’auditeur vers ce qui reste donc la meilleure version, le concert radiodiffusé en 1962 récemment réédité chez Malibran.
Heureusement, il existe une autre raison de se procurer ce disque : une rareté absolue, une recréation mondiale. Cette partition, dont on ne sait trop s’il faut l’appeler Sur un volcan ou Trafalgar sur un volcan (Jean-Christophe Keck admet que c’est là « le titre originel de la pièce »), est le fruit de la collaboration du maître des Bouffes-Parisiens avec Ernest L’Epine et fut créé le même soir que Ba-Ta-Clan. « Collaboration » est un délicat euphémisme pour désigner la généreuse réécriture et l’orchestration par Offenbach de ce qu’avait composé le secrétaire du duc de Morny. Le plus surprenant est le livret de Joseph Méry, collaborateur de Du Locle pour le très sérieux livret de Don Carlos mais qui se permet ici une histoire délirante de vieux loup de mer enfermé avec un baril de poudre dans Dublin en 1806. Force est de reconnaître que cette œuvre n’est pas impérissable et que son intérêt est surtout historique.
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(1) Un autre enregistrement fut réalisé en 1983 pour Bourg Records (direction musicale Emmanule Koch). Paru en microsillons, il fut réédité en CD en 1984 mais n’est plus disponible aujourd’hui.