Les Inclassables, ou l’Enfer de nos discothèques
Nos discothèques ont toutes leur « enfer » où, dissimulés aux regards des mélomanes avertis dont nous craignons les quolibets, nous conservons les enregistrements qui nous font honte mais que nous chérissons malgré tout d’un amour irraisonné…
J’ai longtemps regretté l’absence au catalogue de la célèbre « Cantate de l’avenir ». Mais non, rien à faire : pas un seul enregistrement. Nada. Cet oubli insondable reste incompréhensible. Car l’oeuvre – perdue – ouvre pourtant de toutes nouvelles perspectives dans le domaine d’une recherche musicologique aussi frileuse qu’inconsciente de la révolution qu’elle induisait. En effet, il s’agit là d’une des partitions phares de Hans Ktazenblumenzwischenwagenplaftenbaum (pas bim : baum !) Hans K. inventait, dans une époque pourtant faite d’incertitudes. Né en 1876, il vécut la longue vie d’un défricheur à rebours des modes. Décédé en 1358, emporté par la peste noire, il nous a laissé un témoignage rare et prémonitoire dans son opéra inspiré du Château, que Kafka n’avait pas encore écrit. Visionnaire, sa musique l’était à plus d’un titre. Son traité musical Vir, usque ? révolutionne la perspective humaniste, comme le titre même l’annonçait : L’Homme, jusqu’où ?
Pour avoir feuilleté clandestinement et compulsivement le grimoire, au fin fond d’une abbaye cistercienne cise à Pise, je peux attester de son originalité. Il est le premier à parler de la mythique 9e Symphonie de Ludwig von. Grâce à cette référence, je me suis mis en chasse, et quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre, par le hasard le plus pur, l’existence d’un enregistrement de ce chef-d’oeuvre. Depuis des lustres, je cherche, en vain, à mettre la main sur cette 9e de Ludwig von S. – la seule, la vraie, l’unique bien qu’improbable et introuvable. Ni Karajan, ni Rattle, ni Solti, ni Böhm, ni Schuricht, ni Kleiber, encore moins d’Harnoncourt ou de Gardiner, de Jacobs ou de Currentzis… Mais qui donc alors ?
On dit qu’il en existe une transcription magistrale, rendant l’oeuvre plus accessible aux oreilles pourtant exercées de tout un chacun. C’est le grand virtuose Franz Wieland Schmalfuss qui en fit une réduction diabolique pour piano à sept doigts, ce qui reste également un mythe pour les collectionneurs. Car une seule exécution a eu lieu. C’était au Festival de Bayreuth 2020 et une bande pirate semblerait virtuellement exister, aux dire de quelques Gibis travaillant du gibus.
L’apothéose de la partition est le fameux choeur final, cette ode à la lalangue chère à Lacan, sur des paroles lumineuses et fuligineuses à la fois, venues tout droit du vaste poème en vert et contre tous, le fameux « Gabuzomeuh », du Professeur Shadoko. Elle existe, cette gravure de la version originale – mais pour quelle formation instrumentale ? La pochette ne le dit pas clairement.
Alors, please, help ! Aidez-moi à trouver cet incunable de Ludwig von Shadok, dont la devise célèbre fut mainte fois reprise : « Yes we canne ».