CD -Alessandro STRADELLA, Santa Editta, Vergine e monaca, Regina d’Inghilterra

La Santa Editta de Stradella demeure assez mystérieuse : les éditions de la partition et du livret dont nous disposons sont postérieures à la mort de Stradella (1639-1682), et l’on ignore tout des circonstances dans lesquelles cette œuvre fut créée (sans doute vers 1672-1673)… La partition qui nous est parvenue, qui plus est, ne comporte pas les parties orchestrales. Le livret de Lelio Orsini est consacré à Édith de Wilton, fille du roi d’Angleterre Edgar et de sa seconde épouse Wulfthryth. 

Après la séparation du couple royal, Wulfthryth s’enferme dans un couvent avec sa fille Édith, laquelle deviendra religieuse et refusera (du moins d’après son hagiographe Goscelin de Saint-Bertin) d’accéder au trône d’Angleterre après la mort de son demi-frère Édouard le Martyr.
C’est précisément le refus des honneurs et de la gloire terrestre qu’illustre l’oratorio de Stradella, Édith étant encouragée dans ses choix par le personnage allégorique de l’Humilité et restant insensible aux reproches des Sens, de la Beauté, la Grandeur et la Noblesse.

L’ensemble baroque du ténor Marco Angioloni Il Groviglio, spécialisé dans le répertoire italien des XVIIe et XVIIIe siècles, interprète ici ce rare oratorio, après l’avoir déjà proposé à Pontoise en 2016 mais avec une distribution en partie différente. Il faut avant tout souligner l’art du continuo, tant les musiciens qui le composent (Thibaut Reznicek au violoncelle, Léo Brunet au théorbe, Marco Crosetto au clavecin) rivalisent de talent pour soutenir les voix, dialoguer avec les chanteurs et leur offrir le groviglio (l’enchevêtrement) musical le plus à même de faire écho aux passions et sentiments exprimés par le chant.

A. Stradella | Santa Editta | Il Groviglio | Official Teaser

Nulle narration dans le livret de Lelio Orsini, assez statique, il faut bien le dire, mais des personnages (tous allégoriques à l’exception de Sainte Édith) fortement caractérisés et différenciés, dont les chanteurs ici réunis parviennent à souligner les individualités dramatiques et musicales (même si la prise de son, un peu mate, ne donne peut-être pas tout le relief nécessaire aux voix…). Timbre pur mais ligne de chant ferme pour Laura Andreini (qui prend soin de ne pas réduire le rôle-titre à une image uniformément douce et éthérée), interventions engagées de la Noblesse (Francesca Caponi) et l’Humilité (Silvia Vajente), beau timbre profond de Michele Mignone (Senso), belles couleurs chaudes et veloutées de l’alto Sylvain Manet, voix claire, agréable, projetée avec naturel et facilité pour Marco Angioloni (Belezza) : les six chanteurs forment une équipe très homogène, à même de rendre justice à des pages vocalement exigeantes, aussi bien dans les airs séparés que dans les duos ou trios qui émaillent la partition. 

Santa Editta, Vergine e Monaca, Regina d’Inghilterra, « Terzetto: « O come si mira sovente » »…

Voici donc une belle occasion de découvrir un oratorio peu connu de Stradella (dont il n’existe pour l’heure qu’une autre version discographique par l’Ensemble Mare Nostrum, chez Arcana), servi par un ensemble de musiciens talentueux et enthousiastes dont nous suivrons les prochaines productions avec grand intérêt !