CD – Bellini, Norma (Cillario, 1972) – ou quand les plus belles voix du monde ne peuvent donner que ce qu’elles ont…

Les artistes

Norma : Montserrat Caballé
Adalgisa : Fiorenza Cossotto
Clotilde: Elizabeth Bainbridge
Pollione: Plácido Domingo
Oroveso : Ruggero Raimondi
Flavio : Kenneth Collins

London Philharmonic Orchestra, Ambrosian Opera Chorus, dir. Carlo Felice Cillario

Le programme

Norma

Opéra en deux actes de Vincenzo Bellini, livret de Felice Romani, créé au Teatro alla Scala (Milan) le 26 décembre 1831.

3 CD Sony Classical Opera, enregistré à Londres en septembre 1972..

La collection Sony Classical Opera réédite actuellement plusieurs albums d’opéras, à un prix extrêmement doux (moins de 10 euros l’intégrale !). S’ils ne constituent pas nécessairement des références discographiques, tous ou presque présentent une plusieurs raisons pouvant justifier leur acquisition… Troisième intégrale chroniquée pour Première Loge : Norma de Bellini.

Cette intégrale de Norma est souvent considérée par la critique comme l’un des rares enregistrements de studio pouvant rivaliser avec les versions Callas 1954 et 1961. Nous ne partageons pas tout à fait cet enthousiasme quasi général… Capté à Londres en 1972, cet enregistrement rassemble de toute évidence certaines des plus belles voix de l’époque, et plusieurs interprètes comptaient en leur temps parmi les meilleurs titulaires de leurs rôles respectifs. Pourtant, l’impression générale qui se dégage est presque toujours celle d’un produit de studio certes très soigné mais à l’émotion singulièrement absente, ou « fabriquée » pour la circonstance sans être véritablement vécue. Caballé et Cossotto font du très beau son mais n’émeuvent que rarement. Caballé en particulier a été autrement plus touchante sur scène, à Orange en 74 ou à la Scala en 1972 puis 1977. Ici, face aux micros du Watlhamstow Town Hall, même son « Teneri figli » ou le « Deh ! non volerli vittime », où la pureté de son timbre et la beauté de son legato devraient faire merveille, laissent de marbre. Techniquement cependant, les choses sont plus en place au disque qu’à la scène (les vocalises de « Ah ! bello, a me ritorna » la mettent à rude épreuve à la Scala et lui posent de sérieux problèmes de rythme, surtout en 1977). Raimondi, quant à lui, est bien chantant mais un peu jeune de timbre pour ce rôle de patriarche. C’est peut-être Domingo qui s’en sort le mieux : même si la grammaire belcantiste n’est pas forcément celle qui lui est la plus naturelle, sa fougue habituelle lui permet de donner chair à Pollione et de rendre le personnage moins falot qu’il ne l’est habituellement. C’est bien peu, d’autant que la direction de Carlo Felice Cillario est elle aussi très propre et très lisse, mais reste en-deçà de la dimension tragique et de la tonalité pathétique requises par un tel chef-d’œuvre.

On préférera finalement, à cette version estimable mais froide et trop sage, la première version (belcantistissime) de Richard Bonynge enregistrée en 1964 (inégale mais dont le couple Sutherland/Horne est entré dans l’Histoire), et surtout celle gravée par James Levine en 1979, fougueuse, brûlante, souvent bouleversante, avec une Renata Scotto et une Tatiana Troyanos à pleurer.